Gendarmes et brigands

Un portrait de Faïd lors de son procès en 2016
(Photo AFP)

L’évasion, la seconde, de Redoine Faïd, détenu pour plusieurs affaires et notamment le meurtre d’une policière dans une fusillade à laquelle il a participé, ridiculise l’autorité publique sous toutes ses formes et embarrasse forcément le gouvernement.

REDOINE FAÏD a toujours dit que la prison n’était pas faite pour lui et que, s’il était arrêté de nouveau, il s’en échapperait. Ce qui aurait dû suffire à prévoir pour lui une détention renforcée, alors qu’il se trouvait dans une maison d’arrêt à Réau, sans surveillance particulière. En 2013, il s’était déjà échappé de façon spectaculaire du centre pénitentiaire de Lille-Séquedin. De son parcours judiciaire, on a fait une saga, alors qu’il lui fallait une cellule adaptée à sa dangerosité. On n’est pas surpris de ce que la classe politique se soit emparée de cette affaire pour fustiger un gouvernement qui avait la tête ailleurs. Mais on a le droit de se demander si, avec la droite ou la gauche au pouvoir, l’évasion n’aurait pas eu lieu. La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, clouée au pilori parce qu’elle serait l’ultime responsable de la fuite de Faïd, ne pouvait pas, à elle seule, prendre les dispositions indispensables pour la détention d’un seul repris de justice.

Cafouillage.

En revanche, le cafouillage administratif qui a permis à Faïd de s’échapper a atteint des sommets d’irresponsabilité démocratique. Quelques jours à peine avant l’évasion, la direction de l’administration  interrégionale de Paris a adressé un courriel à l’autorité supérieure pour lui demander d’envisager le transfert de Faïd dans une autre prison. Elle se fondait sur des soupçons de préparatifs d’évasion et craignait de ne pas être en mesure d’empêcher la cavale du détenu. La hiérarchie a demandé du temps (quelques mois), celui que Faïd a utilisé à bon escient pour bénéficier d’une opération logistique particulièrement efficace, avec hélicoptère et plans de la prison, qui a permis aux malfaiteurs venus au secours de Faïd de forcer trois portes et d’arriver au parloir où il s’entretenait avec son frère, lequel a été mis en garde à vue.

Une faillite.

Au moins les gardiens de Réau avait-ils prévu le coup, au moins s’en sont-ils inquiétés. Il est d’autant plus facile de dénoncer tout le monde, l’administration pénitentiaire, la ministre et tout le gouvernement, que la faillite sécuritaire, en l’occurrence, est scandaleuse. Mme Belloubet a ordonné une enquête, mais les élus républicains réclament son audition à l’Assemblée, ce qui, si elle y consentait, lui ferait passer un mauvais moment. Il est indéniable que, en dépit es nombreux articles et commentaires qui ont déjà été publiés ou diffusés, la perplexité du public est à son comble et que les questions sans réponses restent nombreuses. Pourquoi Faïd n’a-t-il pas été envoyé dans une prison plus sûre ? Pourquoi l’autorité pénitentiaire n’a-t-elle pas réagi immédiatement à la demande des gardiens de Réau ? Pourquoi la cour de la prison ne disposait-elle pas d’un filet anti-hélicoptère, lequel a été réclamé à plusieurs reprises ? Pourquoi les propos publics prononcés par Redoine Faïd sur son intention de se sauver en n’importe quelle circonstance n’ont-ils pas été pris au sérieux et entraîné un renforcement de la sécurité ?

La sévérité de la détention n’a fait que se renforcer depuis quelques années, mais manifestement, les services, par manque de moyens ou d’effectifs (il ne faut pas oublier que les gardiens ne sont pas armés), sont débordés. Les conséquences de l’évasion de Faïd sont graves. Un énorme réseau de recherche a été constitué. Des milliers de policiers et gendarmes ont été déployés pour surveiller le territoire, à l’affut d’un passage du criminel. Ce qui pourrait arriver de mieux au gouvernement, c’est l’arrestation rapide de Faïd qui, cette fois, ne bénéficierait pas d’un traitement de faveur. Et pas davantage du système sophistiqué qui a été mis en place pour le libérer. Il a fallu beaucoup d’hommes de main et beaucoup d’argent pour le sortir de la prison de Réau. L’organisation de la fuite a été assez complexe pour que les policiers finissent par être informés du lieu où il se terre, pour autant qu’il n’ait pas déjà passé la frontière.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Gendarmes et brigands

  1. PICOT François dit :

    Responsables mais jamais coupables. On connaît la chanson. Des irresponsables nous gouvernent.

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