Le foot unitaire

Liesse nationale
(Photo AFP)

Le football, quand il produit des succès, est un facteur d’unité nationale alors que la politique n’apporte au pays que des divisions irréductibles. On en a encore trouvé la preuve lors de cette demi-finale de la coupe du monde que l’équipe de France a remportée hier avec panache.

LE FOOT acquiert, cette fois-ci comme dans de précédentes circonstances, une grâce particulière qui confine à l’art. Cette histoire, où il s’agit d’envoyer un ballon au fond d’un but, déclenche, comme aux échecs, une multitude de réflexes, de difficultés angoissantes et de miracles. Que la France gagne un match, et voilà le peuple transfiguré de joie, mué en une foule compacte qui envahit les villes et que meuvent le même soulagement, le même bonheur, le même enthousiasme à fois gratuit et éphémère, qui n’en est pas moins le meilleur remède aux maux sociaux. Il ne faut jamais oublier le football. C’est un sport collectif, qui n’a peut-être pas la grâce et l’élégance du tennis, mais qui galvanise le peuple comme aucun autre sport.

Une équipe qui n’a pas démérité.

La France est en finale et elle y est arrivée avec une crédibilité qu’elle n’a pas eue depuis vingt ans. Tout est possible aujourd’hui, y compris la défaite, mais parvenue à ce point, elle pourra dire, même si elle est battue dimanche prochain, qu’elle n’a pas démérité. Cela vient principalement de la cohésion de son équipe, de son abnégation, de sa détermination à ne pas jouer perso, à ne songer qu’au résultat, à ne jamais croire qu’elle a vraiment gagné tant qu’elle n’est pas parvenue au dernier but victorieux. L’équipe de cette année remplit  ces conditions, ce qu’il faut attribuer au mérite de son coach, Didier Deschamps. Cet homme nous a donné une leçon universelle : pour cette course de haies où on trouve des haies jusqu’à l’objectif ultime, il faut que chaque joueur puise des ressources, dans la force physique bien sûr, mais aussi dans la patience, l’humilité,  comme la passe indispensable à celui qui marquera le but, dans le sens du labeur en commun.

La chance aussi.

Voilà pourquoi le foot incendie les coeurs comme aucun autre sport et pourquoi il lui arrive de dominer une actualité pourtant riche en événements graves et complexes. Il devient une discipline exemplaire dont feraient mieux de s’inspirer ceux qui nous gouvernent. On ne fait bien que ce que l’on fait ensemble avec un minimum de consensus sur la méthode, l’organisation et le partage des compétences. Il nous est arrivé d’oublier cette somme de principes indispensable à la victoire et tant que nous n’avons pas mis au point la chronologie des idées et des actes, nous avons perdu. Nous avons excessivement célébré notre triomphe de 1998, puisqu’il a été suivi de quelques honteuses défaites. Mais M. Deschamps a su réunir cette année tous les ingrédients sans lesquels nous ne pouvons prétendre à aucune suprématie. La France a battu la Belgique qui, elle-même, est une très grande équipe. Elle a montré son talent, elle aurait pu gagner. C’est un sport d’où la part de chance n’est jamais absente et c’est pourquoi on ne parvient  pas au dernier match sans un minimum de chance.

Il reste une réflexion qui me semble essentielle. Autant le succès sportif nous réunit, autant il est éphémère. Il y a vingt ans, souvenez-vous de l’enthousiasme avec lequel nous avons érigé en mythe le concept de France black-blanc-beur. Il n’a résisté ni aux défaites suivantes ni au communautarisme, ni à la xénophobie croissante. Jean-Marie Le Pen avait exprimé des doutes sur la nature de l’équipe nationale, il a dû s’en repentir en 1998. Aujourd’hui voilà que revient en force la France multicolore, avec son médicament princeps qui apaise la société française et, au moins pour quelque temps, ridiculise les xénophobes et les racistes. Certes, une victoire en finale n’empêchera pas les peurs, l’intolérance, la haine de ressurgir. En tout cas, Emmanuel Macron n’a pas eu tort de prendre l’avion pour Saint-Pétersbourg.

RICHARD LISCIA

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