Quel homme, ce Trump !

Brigitte et Melania
(Photo AFP)

Donald Trump était à Bruxelles pour un sommet de l’Otan. De sa prestation, on pouvait redouter le pire. On l’a eu.

DANS une déclaration filmée, le président des États-Unis s’est lancé dans une algarade contre l’Allemagne, accusée d’acheter du gaz russe au lieu de se servir chez les Américains. Après quoi, il a assuré publiquement que ses relations avec Angela Merkel étaient excellentes. La chancelière lui a répondu du tac au tac, mais avec élégance. Elle a rappelé qu’elle était née dans cette partie de l’Allemagne qui se trouvait sous le joug de l’URSS  et qu’elle est aujourd’hui contente de diriger une Allemagne assez indépendante pour importer du gaz du pays qui lui convient. A l’époque où a été prise la décision de doubler le gazoduc russo-allemand, l’Amérique n’était pas encore exportatrice de carburants.

Démanteler l’Union.

Dans la foulée, le remarquable Trump a exigé des Européens qu’ils doublent, à 4 % du PIB, leur budget de la défense. Et pourquoi pas 10 % ? Tout cela ne semble pas très sérieux à quiconque a encore un peu de jugeotte, mais qu’à cela ne tienne. Il y a assez d’observateurs superbement informés pour nous décrire en long et en large la « cohérence » de la diplomatie trumpienne. C’est le même Trump en effet qui, après avoir signé l’accord du G7, l’a dénoncé une fois qu’il était à bord d’Air Force One. C’est le même qui estime que l’Europe est « plus dangereuse » que la Chine. C’est le même qui préfère  Poutine aux Européens. C’est le même qui, bousculant toutes les affinités politiques, idéologiques et éthiques qui liaient  les États-Unis à l’Europe d’une manière que l’on croyait irréversible, désigne l’Union européenne comme un « complot » contre les intérêts américains. Qu’Emmanuel Macron, dans ce contexte, continue d’avoir des relations amicales avec Trump, qu’ils continuent à échanger sourires et poignées de main viriles, un peu comme si, en Europe, il y avait de bons et de mauvais leaders, ce qui n’est pas favorable à l’unité du continent, ne changera rien à l’affaire. Trump a effectivement, avec Poutine, un projet, celui de démanteler l’UE et d’en finir avec une construction qu’il juge artificielle, factice, et menaçante pour le statut de superpuissance de son propre pays.

Les limites du cynisme.

À cet exercice original, il y a des limites. Vous pouvez, sur le papier, transformer vos adversaires en amis, il y aura toujours un moment où vous vous heurtez à leur inimitié. Trump dit qu’il se moque bien de ce que Poutine ait annexé l’Ukraine et qu’il ait fini par imposer en Syrie une paix destructrice qui n’a été obtenue que sur un amas de cadavres et de gravats. Il est bien obligé de protéger les Kurdes dans le nord syrien et ne peut pas soutenir l’érosion de l’Ukraine par le « soulèvement » du Donbass organisé par l’armée russe. On est même en droit de se demander si Trump ne tente pas de se rapprocher de Moscou parce que les Russes ont des informations explosives sur les conditions de son élection. La vérité, la voici : le cynisme, le mensonge, l’indifférence au sort de l’humanité ne font jamais une politique. Tôt ou tard,  un potentat est appelé à disparaître, tôt ou tard, la roue tourne et les Poutine, Erdogan, Xi Jinping finiront par disparaître. On ne construit rien de durable avec des dictatures. De la même manière, Trump a trouvé en Kim Jong Un un partenaire sérieux, qui dirige la Corée du Nord avec « fermeté » (délicat euphémisme) et avec qui on peut passer des deals. Il n’empêche que l’encre de l’accord entre les États-Unis et la Corée du Nord était à peine sèche que le secrétaire d’État, Mike Pompeo, était contraint de retourner à Pyong Yang pour réclamer que la dénucléarisation du pays le plus fermé du monde soit effectivement amorcée.

Remodeler le monde.

Trump croit, avec sa business diplomacy, qu’il va remodeler le monde. Il serait naïf de ne pas voir qu’il a des alliés partout, en Europe et ailleurs, les populistes, les démagogues, les néo-fascistes, toutes personnes qui lui ressemblent. Mais il reste plus dans le verbe que dans l’acte. L’Otan, par exemple, existe et se porte bien. On a pensé, après la chute du mur et la « fin de l’histoire », que l’Organisation atlantique n’avait plus de raison d’être. Alors voilà : celui qui donne à l’Otan tout son intérêt, c’est Poutine. Ce qui va accélérer la refondation de l’Union européenne, c’est Trump. C’est le principe de la réaction immunitaire : vous êtes infecté et malade, votre organisme réagit contre le mal. Il va falloir construire une défense européenne avec la force atomique combinée de la Grande-Bretagne et de la France et avec une armée commune du continent. Il va falloir réagir au protectionnisme par des représailles commerciales. Il va falloir que les Européens comprennent, Mme Merkel en tête, que le parapluie américain, c’est fini.

RICHARD LISCIA

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5 réponses à Quel homme, ce Trump !

  1. Michel de Guibert dit :

    Je persiste à penser que de Gaulle a eu raison de quitter le commandement intégré de l’OTAN, que tous ses successeurs ont eu raison de le suivre dans cette politique vis-à-vis de l’OTAN, que Nicolas Sarkozy a eu grand tort de réintégrer l’OTAN, et Hollande grand tort de le suivre dans cette politique.

    • MULLER daniel dit :

      Tout à fait d’accord. Idem pour la position du général vis-à-vis des Etats-Unis globalement, et du dollar comme monnaie universelle imposée par le même pays.

      • JMB dit :

        Quand est évoquée la présidence Nixon, il est d’abord fait mention de l’affaire du Watergate, et beaucoup plus rarement indiqué que Nixon a supprimé la convertibilité du dollar en or établie depuis Bretton Woods. En faisant baisser la valeur du dollar, par exemple grâce à la planche à billets, les États-Unis peuvent agir dans le même sens sur leur dette. Ils peuvent se permettre un déficit public de 105 % du PIB et un déficit commercial chronique qui, dans tous autres pays, susciteraient des incertitudes.
        La réintégration dans l’OTAN, une autre décision inappropriée de Sarkozy.

        Réponse
        Il ne s’agit pas du déficit public, mais de la dette publique. En France, elle est de 98 % du PIB. Proportionnellement, le déficit commercial de la France est plus élevé que celui des Etats-Unis. Sarkozy enfin n’a fait que réintégrer le commandement de l’OTAN et non l’OTAN que nous n’avons jamais quittée, ce qui, ces jours-ci, me paraît utile, sauf si vous pensez que Poutine est un bon ami de la France.
        R.L.

  2. SELARL DR RADIGUET dit :

    Une défense nucléaire commune avec les Anglais, pardon,mais pour une fois je ne le pense pas du tout. Une défense conventionnelle européenne serait évidemment très utile mais impossible dans l’Europe élargie actuelle (qui ne rimera jamais à rien si ce n’est un vaste marché économique harmonisé). Quand à l’arme nucléaire, malheureusement très dissuasive (comprenez on ne peut s’en passer pour l’instant), toute son utilité est d’être suffisamment puissante à l’échelle nationale.
    L’avenir de l’Europe est un vaste marché commun et une Europe politique dont la défense resserrée.

    Réponse
    Le Royaume-Uni et la France sont les deux seuls pays européens à posséder des armes nucléaires. Même en cas de Brexit, à terme, elles n’auront pas d’autre choix que de s’associer.
    R.L.

  3. mathieu dit :

    Trump et Poutine, grands sages et démocrates éclairés pétris d’humanisme, ont encore de beaux jours devant eux ! L’Europe, 70 ans après la pose de sa première pierre (Jean Monnet, la communauté charbon-acier…), reste une tour de Babel plus fragile que jamais: pas de langue commune, pas de défense commune, absence totale de politique étrangère, économique, sociale, humanitaire, migratoire, écologique (le charbon allemand enfume toute l’Europe quand la France la « radio-active »!), commune ou unifiée, absence de leadership et d’orientation politique… Messieurs les dictateurs prédateurs, servez-vous, la ruche n’a plus de reine!

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