Obama contre-attaque

Michelle Obama devait prononcer un discours mardi soir
(Photo AFP)

La convention démocrate n’est qu’une formalité car Barack Obama est le seul candidat à sa succession. Il n’y a donc pas eu de primaires démocrates et la nomination de l’ « incumbent » (candidat déjà en exercice) ne fait aucun doute . Elle donnera néanmoins le coup d’envoi d’une campagne électorale qui durera moins de deux mois et sera extrêmement dure, principalement à cause du durcissement idéologique des républicains.

LA SEMAINE dernière, les républicains en délire ont intronisé le « ticket » présidentiel le plus conservateur de leur histoire. Le choix de Paul Ryan comme candidat à la vice-présidence consacre l’allégeance du Tea Party à Mitt Romney, ce qui n’était pas gagné d’avance. À ce jour cependant, M. Romney n’a levé aucune des ambiguïtés liées à sa personne : ni le mystère autour de ses déclarations de revenus, ni l’influence relative de sa foi mormone sur son éventuelle action présidentielle, ni les étranges recettes fiscales qu’il a annoncées pour créer « douze millions d’emplois » en quatre ans, ni sa méconnaissance des dossiers diplomatiques, ni ses projets de réforme qui, au nom de la liberté individuelle, plongeraient la classe moyenne et les déjà pauvres dans une précarité accrue tout en continuant à enrichir les riches.

Bilan mitigé.

Le bilan de la gestion du pays par Barack Obama est mitigé. Il a déçu la gauche démocrate, qui exigeait des mesures plus rooseveltiennes dans le domaine socio-économique et une modernisation des dispositifs sociétaux en vigueur (avortement, immigrés, sécurité, libertés). Il a déçu les Noirs qu’il a refusé de favoriser ouvertement car il est noir lui-même. Il a déçu les pacifistes parce qu’il n’a pas encore mis un terme à la guerre d’Afghanistan et poursuit, avec une froide détermination, l’usage des drones qui exterminent les chefs militaires d’Al-Qaïda et qu’il n’est jamais parvenu à fermer l’épouvantable prison de Guantanamo. En 2008 cependant, seuls les naïfs imaginaient un président américain, fût-il démocrate, qui se serait dépouillé de son nationalisme ; en 2011, pas un citoyen américain n’a critiqué l’exécution de Ben Laden sans être placé au ban de la nation ; et, dans l’ensemble, M. Obama a réalisé à peu près les deux tiers de son programme.

Il a en effet sauvé l’industrie automobile par des prêts en cours de remboursement ; il a mis fin au principe « don’t ask, don’t tell » qui permettait d’ignorer la présence des homosexuels dans l’armée et l’a remplacé par un système qui donne droit de cité aux « gays » militaires ; il a fermé les geôles de la CIA à l’étranger et supprimé la torture comme moyen d’obtenir des renseignements ; il a lancé dès 2008 un plan de soutien à l’économie qui a donné des résultats positifs, même s’ils sont insuffisants ; il a échoué dans sa quête d’une solution historique du problème israélo-palestinien, mais n’a pas craint, au nom de son projet, de se dresser contre le gouvernement israélien (ce que les républicains lui reprochent) avec lequel il a maintenant des relations glaciales ;  il a laissé la France et le Royaume-Uni prendre la direction de l’intervention en Libye, ce qui est conforme à son credo : il ne souhaite pas que les États-Unis s’embarquent dans des aventures qui confirment leur hégémonie ; il a évacué le plus gros des forces américaines en Irak et son armée quittera définitivement l’Afghanistan en 2014 ; il est très concentré sur l’Asie et surtout sur la Chine avec laquelle il s’efforce de créer un rapport de réciprocité tout en surveillant sa tentation de dominer le continent : jamais les États-Unis n’auront été aussi présents dans le Pacifique.

Romney : danger.

Quoi qu’il en soit, la question que chacun doit se poser ne porte pas sur les erreurs d’Obama. S’il a su gagner une campagne, il est apparu rapidement comme un novice qui ne maîtrisait pas la bureaucratie labyrinthique de Washington ; il a « découvert », un peu comme François Hollande, l’ampleur de la crise et, hélas, de la haine irrationnelle qu’il soulevait chez les ultra-libéraux. La résistance  à ses réformes lui a semblé si puissante qu’il a plutôt géré les deux dernières années de son mandat dans une discrétion excessive, comme s’il refusait de se faire davantage d’ennemis. Toutefois, si Obama n’est pas le wonder boy que l’Amérique croyait avoir décroché, la vraie question concerne Mitt Romney. Ni les États-Unis ni le monde n’ont intérêt à le voir au pouvoir. Notre conviction intime est que M. Romney, s’il gagnait les élections de novembre, se hâterait de rejoindre le centre et ne ferait pas le quart des réformes absurdes qu’il promet. Tout de même, cet homme nous semble dangereux parce qu’il risque de livrer l’Amérique à des idéologues incohérents, à la puissance suicidaire des banques, à une injustice historique qui favorise 1% de la population au détriment du reste. Le monde ne gagnerait rien à traiter avec un Romney qui ne le connaît pas et ne le comprend pas.

> RICHARD LISCIA

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Une réponse à Obama contre-attaque

  1. NIN.À.MAH dit :

    Excellent article. Merci d’avoir partagé votre grand sens d’analyse. Pour contrer la puissance des banques on pourrait imaginer une taxe sur les opérations bancaires dont le bénéfice serait reversé à tous les Américains qui ont dû quitter leur maison à cause des intérêts de leurs hypothèques qui ont montés drastiquement.

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