Kad et le « patrimoine »

Kad Merad
(Photo AFP)

La politique ne s’arrête jamais, au point de lasser ceux qui la commentent. Si, pour changer, on s’adresse à la télévision, on verra que l’homme du jour, du mois et de l’année, c’est l’acteur Kad Merad. Avec son acolyte Olivier Baroux, il joue dans une séquelle de « Qui a tué Pamela Rose? ». Du coup, les talk-shows lui ouvrent les bras et, pendant une dizaine de jours, on n’a vu que Kad et Olivier, Olivier et Kad.

ENTENDONS-NOUS bien. Kad Merad, au moins sur les plateaux de télé, est fin, subtil, sympathique et, avec une bonhomie dépourvue de toute prétention, il veut bien continuer à nous faire rire pendant la promo de ses films. Peut-être naïvement -mais comment ne pas céder à ce déferlement d’éloges ?-, j’ai pensé que la suite de « Qui a tué Pamela Rose ? » était forcément un chef d’oeuvre. Puis je suis tombé sur une critique du « Monde » qui,  en quelques mots à peine, anéantissait ce travail porté aux nues par les animateurs de la télévision. Supposons que le critique du « Monde » soit exigeant à l’excès, qu’il est un peu coïncé, qu’il exige pour le film de Kad le sublime de « Vertigo ». Cela n’explique pas quand même que les hommes et les femmes chargés de nous informer tout en nous distrayant à la télé se livrent à un tel panégyrique. Les bons critiques pas fanatiques savent le dire: « Pour ceux qui veulent échapper à leurs angoisses quotidiennes en riant un peu ». Et je suis sûr que Kad et Olivier n’en demandent pas plus.

Un rire assourdissant.

En d’autres termes, je ne suis pas hostile à des amuseurs professionnels qui essaient de faire leur métier en préférant le gros rire au sourire, je me dresse contre les lauriers tressés pour des films marqués par un genre qui n’autorise pas l’éloge. Le rire assourdissant, c’est la mode sur les plateaux télé. Il fait partie d’une panoplie chargée de vous convaincre que vous passez un moment super drôle. De fait, animateurs et animatrices éclatent si souvent de rire pour des faits qui ne semblent pas particulièrement surprenants qu’ils ajoutent un vacarme supplémentaire à celui des conversations croisées, déjà inaudibles.

Les talk-shows n’ont plus d’autre ambition que de sacrifier à une longue tradition cinématographique française qui, non contente de nous avoir infligé « Le Gendarme de Saint-Tropez » et Louis de Funès dans toutes ses oeuvres, nous condamne à en reprendre une tasse grâce aux chaînes de la TNT, dont le pouvoir créatif se limite à la rediffusion de tous les navets du patrimoine cinématographique national. Et, en prime, on nous offre, pour cette fin d’année, me semble-t-il, quelques nouvelles chaînes gratuites, mais non dénuées de publicité, qui rediffuseront sans doute ce qui a été tant de fois diffusé, notamment la nuit et pendant l’été.

Simple et sincère.

C’était une bonne idée de demander à Kad de lire, le 14 juillet, la déclaration des Droits de l’homme. Il est tellement simple et sincère qu’il l’a fait mieux qu’un orateur aguerri. Il vaut donc infiniment plus que ce que la télévision nous en dit, à travers la complicité des animateurs et des producteurs de films qui, sans vergogne, somment littéralement le public de faire salle comble pour chacun des chefs d’oeuvre que seule notre puissance artistique nationale peut produire, grâce à la générosité d’un État toujours soucieux de l’exception française. La qualité de ces films est tellement ancrée dans le terroir qu’on ne cesse de nous les faire revoir, comme s’ils étaient de grands classiques. Saturés, nous n’avons qu’un choix : celui de retourner à d’autres vulgarités, celles de la politique.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Kad et le « patrimoine »

  1. Levadoux dit :

     » Saturés, nous n’avons qu’un choix : celui de retourner à d’autres vulgarités, celles de la politique ». Merci Richard Liscia pour ce commentaire, mais qui peut le comprendre ?

  2. Herodote dit :

    L’excellent Richard Liscia abandonne ici un instant le ton mesuré qui caractèrise sa chronique pour un avis tranché sur le panorama audiovisuel. Il appelle navet un navet et craint que l’intérêt des productions télévisées ne varie en proportion inverse du nombre de chaînes. Qui, devant le petit écran, n’a jamais songé avec nostalgie à Denise Gence et son célébre : « Morne soirée, Antoine, morne soirée »?
    Les vulgarités de la politique ne sont pas plus attractives. La phrase finale est un constat désabusé, non une compensation, encore moins une conclusion.

  3. anger dit :

    Je dirais aussi : l’exception culturelle , celle qui permet de faire payer de force au contribuable les navets imposés … par nos politiques.

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