Gérard Depardieu est l’un des acteurs les mieux payés du cinéma français, et il gagne beaucoup plus qu’un million d’euros par an, ce qui le contraint, désormais à payer 75 % d’impôt sur le revenu sur les millions suivants. Qu’il ait choisi l’exil en Belgique n’est donc pas surprenant, sinon pour tous ceux qui défendent le principe de solidarité, dont l’application implique, pour les plus fortunés, des sacrifices considérables.
ON NE S’ÉTONNERA PAS de ce que, pour un homme qui fréquente les derniers régimes totalitaires, se rend volontiers en Tchétchénie pour y glorifier un régime assassin, ou chez Poutine, dont la principale constante est la nostalgie de l’URSS et du KGB, la sympathie n’aille pas spontanément vers un pouvoir social-démocrate qui, confronté, à de grands besoins, a décidé de puiser énormément dans la poche des riches, acteurs, grands sportifs ou chefs d’entreprise.
On ne s’étonnera pas davantage de ce que la truculence d’un personnage qui n’a plus vraiment l’allure d’un jeune premier et fait de la grossièreté une forme achevée de liberté, comme si sa notoriété compensait ce qu’il lui manque d’élégance, le conduise à faire un pied-de-nez au pouvoir en allant s’installer à Néchin, ville certainement belge, mais située à quelques encablures à peine de la frontière française. Un pied fiscal en Belgique, pays dont il se moque et qui devrait plutôt dénoncer son stratagème, un pied à une heure de Paris, là où notre idole nationale jouit de son talent et des dividendes de sa gloire.
Décrié et encensé.
De toute façon, M. Depardieu n’est pas le seul à avoir préféré l’exil doré au statut peu enviable de contribuable exceptionnel. Le gouvernement peut signaler sa mauvaise humeur et s’en prendre à une pratique fort peu patriotique, l’acteur dira sans doute, dans son langage châtié, qu’il n’en a rien à cirer. Rien n’empêchera des millions de téléspectateurs de regarder ses films télévisés, ou d’autres millions à aller le voir au cinéma. Lorsqu’on fait de la morale un étendard, on court forcément le risque de sembler naïf et même, face au cynisme ambiant, de sombrer dans le ridicule. Décrié par les milieux officiels, voilà Depardieu encensé comme jamais par les talk-shows. Pauvre France.
Tous les acteurs ne quittent pas la France, mais on est curieux de savoir combien gagnent ceux qui partent et combien ceux qui ne partent pas. On ne voudrait pas, et c’est un voeu inquiet, que le seuil du million déclenche automatiquement l’envol vers des contrées fiscalement plus favorables. Gérard Depardieu, en tout cas, n’est pas condamné par tout le monde. L’opposition en fait un cas d’école pour tenter de prouver à quel point la politique fiscale du pouvoir est erronée. Il est vrai que, face aux arguments des uns et des autres, l’on est partagé entre deux outrances : celle d’une taxation confiscatoire, donc excessive, donc absurde, et celle d’une échappatoire abondamment testée, reflet d’une absence complète d’imagination et qui traduit un manque d’adhésion aux principes moraux, mieux défendus verbalement que par le choix de payer.
Enfin, dans ce partage des vocations, une France à laquelle M. Depardieu doit tout sans qu’il s’en souvienne, croyant peut-être qu’un talent peut s’épanouir hors de la ferveur du public, et une Belgique qui n’a d’autre rôle que de protéger la fortune de l’acteur, on ne voit rien qui valorise notre voisine du nord. Pauvre Belgique.
RICHARD LISCIA
Il n’a qu’à travailler 75 % de moins, cela fera moins de films sans intérêt sur le marché: place aux jeunes!
S’il ne va pas à la misère, la misère viendra à lui. La Belgique n’est à l’abri de rien et se croire plus fort que le Roquefort en pays d’Astérix est un péché mortel. A bon entendeur, salut !