Beckham et le Qatar


Beckham (au centre) hier à Paris
(Photo S. Toubon)

Le Paris Saint-Germain, financé par le Qatar, vient d’acheter un footballeur international en la personne du très médiatique joueur anglais David Beckham, qui a promis de verser à une fondation caritative la totalité de ses émoluments. M. Beckham, qui est aussi le mari d’une ancienne Spice Girl, n’est plus considéré, à 37 ans, comme une acquisition déterminante, surtout depuis que le PS-G s’est octroyé un joueur qui se situe au firmament du foot, Zlatan Ibrahimovic.

LE SÉJOUR À PARIS de David Beckham ne devrait pas dépasser cinq mois. Il ne s’agit donc pas, pour le Qatar, de faire de cette acquisition l’instrument d’une suprématie durable du PS-G, qui pourrait être assurée, plus tard, par d’autres cooptations d’excellents joueurs, mais de se livrer à un « coup médiatique » susceptible de faire oublier à l’opinion les embarrassantes révélations de « France-Football », le 29 janvier, sur les méthodes utilisées par le Qatar pour obtenir de la FIFA, la Fédération internationale du football, que la Coupe du monde de 2022 ait lieu dans ce minuscule État pétrolier.

Le prix du talent.

D’une façon générale, on n’est pas trop enthousiasmé par une méthode, l’achat de joueurs prestigieux, qui transforme une équipe, en l’occurrence le PS-G, naguère la risée des spectateurs, en force dominante du sport mondial. Cela revient à dire que le talent qui, certes, n’a pas de prix, peut être acheté avec quelques milliers de barils de pétrole, et surtout que le niveau d’un sport national n’est pas forcément rehaussé par des achats à l’étranger. Mais, peu importe, si c’est ainsi que le football, grande industrie du marché contemporain, se développe.

Ce qui est moins rassurant, c’est l’omniprésence du Qatar en France, et pas seulement dans le football. L’influence de ce mouchoir de poche géographique se mesure par ses immenses moyens financiers. C’est avec l’argent, apparemment, qu’il a acheté la Coupe du monde ; si les enquêtes induites par les révélations de France-Football le démontrent, il faudra bien que la FIFA revienne sur sa décision, qui a introduit la corruption dans un choix que seul le mérite devrait déterminer. Mais le Qatar achète aussi en France des hôtels, des parts dans l’industrie de pointe (Lagardère) et dans celle du luxe. On ne s’en plaindrait pas si cette monarchie pétrolière se comportait sur le plan politique comme n’importe quel État démocratique. Ce n’est pas vraiment le cas.

Un privilège féodal.

Pour commencer, on ne comprend pas pourquoi le Qatar bénéficie en France d’un privilège féodal, celui de ne payer aucun impôt, alors que tout autre investisseur doit se plier aux règles fiscales de notre pays. Ensuite, on doit s’intéresser à ses choix politiques. L’Émir du Qatar s’est rendu récemment à Gaza pour soutenir le Hamas, au détriment de l’Autorité palestinienne, devenue entre-temps État palestinien. Il  a certes aidé la France à combattre Mouammar Kadhafi, mais il n’est pas très clair au sujet de ses relations avec les mouvements djihadistes qu’il soutient un peu partout, y compris au Mali. Comment nous concilions les relations sereines que nous entretenons avec lui tout en combattant le terrorisme au Mali, en France et ailleurs, voilà une question que le gouvernement français devrait se poser.

Il ne s’agit pas du tout de contester à des pays étrangers le droit d’investir en France, ou d’établir une discrimination entre eux. À la rigueur, on peut même admettre qu’un pays qui ne réunit pas les critères de la démocratie parlementaire ait le loisir de dépenser de l’argent chez nous. Ce ne serait pas la première fois que nous fermons les yeux sur des emplettes en France d’États parfois corrompus ou de nature dictatoriale. Mais, dans le cas du Qatar, nous avons le droit de lui poser clairement la question de sa vision géopolitique et de lui demander s’il voit quoi que ce soit d’utile à l’avancement de ses idées en soutenant des groupes pour qui la religion n’est que le faux alibi du criminel.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Beckham et le Qatar

  1. Dr Bot-Escluse MJ dit :

    J’aime beaucoup lire l’éditorial de R. Liscia car il est très posé, non discriminatoire, mais lucide sur la plupart des sujets. Merci.

  2. Chouraqui Albert dit :

    Merci à Richard Liscia de soulever ce problème du Quatar, à mon avis gravissime .
    L’ancien chef des renseignements français s’est déclaré tres inquiet récemment du rôle du Quatar dans les banlieues françaises et de l’islamisation de celles-ci sous couvert d’aide.
    Plus personne n’est dupe du double langage de cet État qui soutient et finance les islamistes. Demandez à nos amis tunisiens laïques ce qu’ils en pensent.
    Il est lamentable de voir comment Sarkozy a tout fait pour « vendre « la France au Quatar et combien peu de journalistes et hommes politiques s’en émeuvent (voyage+cadeau sous un pseudo-prétexte, conférence ou prix littéraire et voilà).

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