Mariage homo : la France se divertit

Sylviane Agacinski
(Photo AFP)

Le débat sur le « mariage pour tous », transformé en marathon parlementaire, avec travail le dimanche, a pris un tour très intense, presque forcené et en même temps très ludique. Décidée à en découdre, l’opposition tente de freiner des quatre fers le déroulement de la discussion, toute armée qu’elle est de ses milliers d’amendements. La majorité, soucieuse de ne pas recourir à quelque disposition susceptible d’écourter la bataille, mais qui serait perçue comme un coup de force, s’astreint à la marche forcée, toute à la certitude que, in  fine, elle l’emportera. Et, dans la société civile, quelques francs-tireurs jouent les chiens dans le jeu de quilles.

LE MARIAGE HOMOSEXUEL n’est rien d’autre qu’une liberté accordée à une catégorie de la population qui n’en bénéficiait pas. À ce titre, il nous semble que la droite a eu tort de choisir ce cheval de bataille : il s’agit plus, en effet, de normaliser des moeurs qui ont déjà cours grâce au PACS et à l’adoption individuelle, que de lancer la France dans une révolution sexuelle, morale et sociale. Laquelle a déjà eu lieu. On verra d’ailleurs à l’usage que ce qui satisfera les homosexuels ne coûtera strictement rien aux hétéros. Et puis, soyons lucides: la gauche disposant de la majorité absolue, la loi sera adoptée tôt ou tard. À quoi bon feindre que l’on peut l’empêcher, et, dans un pays où une forte majorité de l’opinion est favorable au mariage pour tous, de se ranger dans le camp du passéisme ?

Sylviane Agacinski entre en scène.

Cela ne signifie pas du tout que le gouvernement et la majorité aient fait preuve, dans l’affaire, de dextérité ou de subtilité. Jusqu’à la porte-parole, Najat Vallaud-Belkacem qui, pratiquement, demandait ce matin sur les ondes à la droite de rendre les armes, au nom de la sagesse, comme si la sagesse avait un sens dans une polémique violente. Éternels socialos : ils ont toujours le bon droit de leur côté. Même quand s’affirme en leur sein une dissidence. Ne voilà-t-il pas, en effet, que Sylviane Agacinski, épouse de Lionel Jospin, s’en prend au projet de loi ? Si vous êtes contre le projet, dit-elle, non sans à-propos, « vous êtes forcément de droite, forcément réactionnaire, forcément religieux et forcément intégriste ». Et elle met les pieds dans le plat : le mariage, explique-t-elle, n’est pas nécessairement un moyen pour faire des enfants.

Je ne rapporterai pas dans le détail les arguments de la philosophe contre la PMA et la GPA, mais je précise que, si je suis favorable au mariage homosexuel, je partage tout ce qu’elle dit sur une autre pensée unique inventée par la gauche, sur le mariage inspiré par l’amour et non par le désir d’enfant, sur la folie des méthodes modernes de procréation. Non seulement j’admire le courage qu’il lui faut pour affronter les socialistes, elle, l’épouse d’une ancien Premier ministre PS, mais, tout en comprenant le besoin d’enfant chez ceux qui ne peuvent en avoir, je crois qu’on ne meurt pas d’en être privé, surtout si on décide de ne pas les faire soi-même.

Les temps changent.

Il y a plus. Quoi qu’en pense la condescendante Mme Vallaud-Belkacem, convaincue d’avoir raison parce qu’elle socialiste, il n’échappe à personne que beaucoup de gens de gauche, et pas des moindres, ne croient pas à la pertinence de la loi. À commencer par François Hollande qui a accordé la « clause de conscience » aux maires hostiles au mariage homo, pour la retirer ensuite sous la pression de ses amis. Ou par M. Jospin, qui, bien que muet, ne devrait pas être poussé au divorce par les prises de position de son épouse.

On ne doit jamais se moquer d’un débat d’idées, car les idées font progresser le monde. Mais celui-ci, c’est un peu une querelle à la Clochemerle, avec tout ce qu’il faut de passion pour que cela finisse en pantalonnade, par exemple quand Pierre Bergé affirme que la grossesse pour autrui, c’est la même chose que le travail en usine. Sans compter le militantisme humoristique de Frigide Barjot ou les anathèmes de Christine Boutin. Donc, cela devient drôle et pas seulement parce que Christian Jacob, au terme d’une nuit de dimanche à lundi accablante, a demandé une pause parce que les croissants du petit déjeuner étaient arrivés à l’Assemblée (à six heures du matin). Mais parce qu’il y a dans la bonne conscience des pour et la fureur des contre un don quichottisme divertissant. Surtout à droite : depuis cinquante ans, la société a été complètement malaxée par le divorce et les familles recomposées, par une homosexualité qui ne se cache plus heureusement et existe bien sûr dans ses rangs, mais l’UMP bute encore sur une loi qui, en somme, consiste à reconnaître que les temps changent, tout simplement.

RICHARD LISCIA

 

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2 réponses à Mariage homo : la France se divertit

  1. Boy dit :

    Comme disait un de mes confrères gynécologues : « Beaucoup de demandeurs feraient mieux d’adopter un animal ou tout au moins de s’en poser la question ».

  2. Herodote dit :

    Certes, le souci égalitaire mène parfois à des situations réjouissantes en ceci qu’il s’évertue à faire d’une réalité quelque chose que cette réalité n’est pas. Ainsi le supposé droit à l’enfant crée-t- il des usines à gaz au nom de l’ idéal d’égalité.(Krishnamurti disait :' »un idéal peut être beau mais il n’est que l’ambition d’une idée et une idée n’est pas la réalité ». )
    Les chimères proposées ont un coût qui intéressera les pro comme les anti. Ici s’arrête la plaisanterie.

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