Le dilemme des 3 %

Didier Migaud
(Photo AFP)

Dans son rapport annuel, la Cour des comptes, dénonce les traditionnels gâchis, gabegies et dépenses excessives. Elle insiste sur le redressement des comptes de la nation et exige en particulier que le gouvernement se consacre exclusivement à la réduction des dépenses publiques, après la forte augmentation de la pression fiscale de l’an dernier.

DIDIER MIGAUD, président de la Cour des comptes, a pour lui son intégrité, sa sévérité qui n’épargne ni la droite ni la gauche, et une extraordinaire lucidité. Il doit ses fonctions à Nicolas Sarkozy, qui innova en désignant un socialiste. Lequel n’a jamais tenu compte de ses propres convictions lorsqu’il a dû dénoncer les dérives de la gestion gouvernementale, quels que soient les détenteurs du pouvoir. Publié hier, le rapport de la Cour met le doigt où ça fait mal.

Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault est en effet face à un dilemme : il a pratiquement épuisé le filon fiscal, son principal instrument, à ce jour, pour rééquilibrer les comptes. En conséquence, il lui faut maintenant diminuer la dépense publique, c’est-à-dire, en fait, les programmes sociaux.  L’immense inconvénient de la méthode est qu’elle abaisse le niveau de vie des Français. La protection sociale représente 30% du produit intérieur brut (PIB), soit environ une masse de 600 milliards d’euros. Couper dans la dépense publique, c’est diminuer les retraites, les remboursements de l’assurance-maladie, les prestations versées aux chômeurs, les allocations familiales, la formation professionnelle. La diminution des versements serait très mal accueillie par les bénéficiaires. C’est une bombe à retardement politique.

La France est sous surveillance.

Mais, si le gouvernement ne procède pas à cette thérapie douloureuse, il ne réussira pas à tenir l’engagement formel qu’il a pris, celui de ramener les déficits budgétaires à 3 % du PIB à la fin de 2013. Or la France est sous surveillance. Elle emprunte à des taux favorables qui réduisent quelque peu l’impact de la dette. Ces taux augmenteront fatalement si elle ne produit pas en fin d’année un résultat annoncé depuis fort longtemps. Elle se retrouvera dans la situation de l’Italie l’an dernier.

Le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a exprimé ce matin son scepticisme quant à l’objectif des 3%. Dans les heures qui ont suivi, le ministre de l’Économie, Pierre Moscovici et le ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, rejoignaient ce point de vue. Autant dire que l’objectif des 3 % est enterré. Le problème est en réalité bien plus vaste que le choix des techniques de redressement. Il traduit l’addiction de la France aux prestations sociales. Non seulement nous dépensons trop, mais nous dépensons mal. Il est même scandaleux que nous consacrions tant d’argent aux budgets sociaux avec, pour résultat, des chômeurs mal protégés, des hôpitaux engorgés et débordés, une école en crise, des retraités qui souffrent.

Le gouvernement est libre de courir plusieurs lièvres à la fois, de progresser sur tous les fronts et de faire avancer ses réformes sociétales, comme le mariage pour tous. Mais François Hollande a été élu  d’abord pour mettre la France à l’abri d’une nouvelle crise de la dette. Il ne s’agit pas de complaire aux Européens ou de rassurer Angela Merkel sur l’état de santé financière de notre pays. Il s’agit d’en finir avec une disproportion gigantesque entre production nationale et dépense publique. Or la réforme de nos systèmes sociaux est une tâche énorme, qui exige beaucoup de temps et comporte des risques politiques considérables. Le plus tôt on s’attaque au problème, le mieux ce sera. Si nous tenons l’objectif de 2013, le monde entier saluera la performance et nous aurons écarté durablement le risque de perdre notre solvabilité.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Le dilemme des 3 %

  1. Chambouleyron dit :

    Après l’avoir dénigré, vous démontrez que « l’impact psychologique « , ce n’est pas de la roupie de Sansonnet. Comme la gauche ne le dit pas (pour vous paraphraser), l’augmentation de la dette sous Sarkozy est due à la crise bancaire. Hollande et Ayrault bâillonnent le « peuple de gauche » et louvoient avec maestria. Bravo l’artiste. Ah! Il le voulait, le pouvoir.

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