Le syndrome français

Hollande ce matin à Paris
(Photo AFP)

Le président François Hollande est aujourd’hui et demain à Dijon dans le cadre d’une tournée en province qui prendra plusieurs mois ; elle est destinée à le rapprocher d’une population qu’il ne séduit plus. M. Hollande sera amené à expliquer sa politique économique et sociale, dont il vantera sans doute les aspects selon lui positifs,  bien qu’elle n’ait guère convaincu les Français jusqu’à présent.

LE BILAN des huit premiers mois du mandat du chef de l’État est sombre. Il l’est certes à cause d’une crise économique et sociale obéissant à des forces qui échappent à l’influence du gouvernement ; mais il l’est aussi parce que les promesses électorales du candidat Hollande l’ont empêché d’administrer au pays le remède de cheval dont il a cruellement besoin. La contradiction entre sa conquête brillante du pouvoir et son impopularité d’aujourd’hui s’explique par un malentendu originel. Les Français ont cru que François Hollande atténuerait leur peine. Il s’est bien gardé de leur dire qu’il ne pourrait qu’accroître leur fardeau, d’une part parce qu’il était convaincu l’an dernier qu’il serait vraiment en mesure de les épargner et, d’autre part, parce qu’il n’aurait pas gagné la présidentielle en leur promettant de souffrir davantage.

Deux interprétations.

Le fait qu’il court vers eux pour redresser la courbe de sa popularité peut être interprété de deux manières différentes : soit il faut qu’il regagne leur confiance pour avoir la capacité de leur adresser cette année la plus amère des potions ; soit il pense à son second mandat et, dans ce cas, il les écoutera plus qu’il ne l’écouteront. Or il n’y a pas à tortiller. Il n’y a pas de méthode hexagonale pour assainir nos finances et relancer l’emploi et la croissance. Il n’y a pas de martingale pour satisfaire les Français indignés et, en même temps, écarter de leur parcours les obstacles colossaux qu’ils doivent franchir. Quand vous écoutez successivement les ministres qui s’expriment dans les médias, ils sont tous prompts à énumérer les sacrifices qu’ils ne consentiront pas. Le message, en gros, est le suivant : ce gouvernement ne renoncera pas à faire les dépenses, sociales ou humanistes, qui lui semblent indispensables au statut national.

Osons dire que c’est un langage de régression. C’est le langage que Pierre Mauroy tenait en 1981, c’est celui de Jean-Marc Ayrault aujourd’hui. Chaque fois qu’il y a un débat à l’Assemblée , le Premier ministre retourne aux idéaux socialistes de compassion, de redistribution et d’égalité entre tous les citoyens. Or regardez ce qui se passe : en Allemagne, les bénéfices des sociétés sont tels qu’ils sont massivement distribués aux salariés, par exemple chez Volkswagen, qui accorde une prime de 7 700 euros à chacun de ses cent mille employés. Voilà un pays qui a équilibré son budget, qui dispose d’un énorme excédent commercial, dont le taux de chômage est presque deux fois moins élevé qu’en France et qui, après des années de vaches maigres, accroît massivement le pouvoir d’achat : la consommation intérieure allemande a augmenté de 6% depuis le début de l’année.

Dix ans de retard.

La France de 2013, c’est l’Allemagne de 2002. Il a fallu plus de dix ans à notre voisine d’outre-Rhin pour se restructurer, s’armer contre la crise et la vaincre. Les syndicats français affirment que le redressement allemand s’est fait au détriment de la classe ouvrière. Vraiment ? Demandez aux salariés allemands ce qu’ils en pensent aujourd’hui, observez leur optimisme et leur confiance dans l’avenir. Mais oui, M. Hollande, soyez donc impopulaire. Faites ce qu’il faut pour la France, pas pour votre second mandat. C’est la crise qui a vaincu Nicolas Sarkozy. Et c’est la même crise qui risque de vous faire tomber. Mais quelle importance, si au bout d’une longue et pénible thérapie de choc, la France finit par s’en sortir ? Le syndrome français, c’est croire au Père Noël, bien après l’âge où l’on n’y croit plus.

RICHARD LISCIA

 

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6 réponses à Le syndrome français

  1. Chambouleyron dit :

    Sa conquête brillante du pouvoir ? Vous charriez M. Liscia, d’autant que vous avez participé avec la meute à déglinguer le bad boy. M. Hollande a fait une conquête du pouvoir en mentant de façon éhontée sans prévoir comment gouverner. Mais il ne pense qu’à lui, voyons, pas à la France. Quel homme d’État !

  2. Chambouleyron dit :

    Vous avouez être fasciné par le cas DSK et vous écrivez une énième chronique sur le sujet. Vous n’êtes pas seul. Voyez Marcela Iacub ; voyez M. Dominique Strauss-Kahn lui-même qui, tout comme Maupassant qui convoquait un huissier pour noter ses performances, dont je vous ferais grâce, était auréolé de son appétit sexuel (dixit ses amis et vous-même) auquel convient mieux je crois le terme de groin-frerie (en iacuba). Mais le must c’est le Nouvel Observateur où M. Laurent Joffrin réalise en souplesse un double axel que nous ne pouvions attendre d’un homme aussi rigide dans ses convictions donneuses de leçon; et qui remet le couvert la semaine suivante avec un article de Jacques Drillon qu’il faut bien appeler un retournement de perspective. La société des rédacteurs a été squeezée, semble-t-il. Marcela comme il est écrit dans le journal, est invectivée par Sophie des Déserts; et enfin de doctes littérateurs agitent les grandes idées. L’observateur a vendu 45 000 exemplaires de plus et c’est bien là l’essentiel.

  3. Levadoux dit :

    Merci, Cher Monsieur Liscia pour votre humour, bien que grinçant.
    Merci de nous apprendre que  » en Allemagne, les bénéfices des sociétés sont tels qu’ils sont massivement distribués aux salariés, par exemple chez Volkswagen, qui accorde une prime de 7 700 euros à chacun de ses cent mille employés ». (Sans commentaire)

  4. admin dit :

    Oui, conquête brillante puisque, parti de 3%, il a in fine obtenu la majorité absolue. Pendant la campagne, nous avons critiqué les programmes des deux camps. Nous ne croyons pas que des articles de presse modifient le point de vue des électeurs.

  5. Vous avez raison. Tentons d’analyser ce syndrome français versus cas allemand.
    Deux systèmes sont en concurrence :
    – d’un côté les initiatives pour s’adapter aux réalités du moment sont prises par des individus totalement responsables de ce qu’ils font ou ne font pas dans leur vie quotidienne.
    – de l’autre nous sommes submergés par des décisions strictement politiques encadrant sévèrement ( donc stérilisant dans les esprits) toute créativité personnelle.
    Crise systémique dépassant de beaucoup tous les discours…
    Dr François-Marie Michaut Site Exmed.org

  6. admin dit :

    Fasciné ? Nous essayons d’offrir une analyse sur les sujets susceptibles d’intéresser nos lecteurs. Nous sommes de ceux qui ont consacré le moins d’articles à l’affaire DSK.

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