Cahuzac : coup dur pour le pouvoir

 

Jérôme Cahuzac
(Photo S. Toubon)

Le ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, a démissionné hier, trois heures à peine après l’ouverture d’une instruction par le parquet de Paris sur une affaire de « blanchiment de fraude fiscale ». Bien que M. Cahuzac n’ait pas été mis en examen, il a préféré assurer sa défense dans le cadre de l’enquête. L’enregistrement d’une communication téléphonique fait entendre la voix d’un homme qui s’inquiète de l’existence de son compte bancaire en Suisse. Trois témoins affirment qu’ils reconnaissent la voix de M. Cahuzac.

JÉRÔME CAHUZAC n’avait plus le choix. Depuis que le site Internet Mediapart l’a accusé de posséder un compte à la banque suisse UBS, il n’a cessé de clamer son innocence, mais, si le parquet juge qu’il dispose d’éléments suffisants pour ouvrir une enquête, il ne peut pas continuer à assumer ses fonctions. Le président de la République et le Premier ministre n’avaient pas le choix non plus : les démêlés judiciaires du ministre auraient empoisonné son action politique, d’autant qu’il s’occupait des impôts et qu’il lui est reproché un délit fiscal, deux situations antinomiques qui lui auraient fait perdre toute crédibilité.

Un mini-remaniement.

M. Hollande n’avait tout de même pas besoin de cette affaire, au moment où sa cote de popularité est au plus bas et où un doute sérieux pèse sur le programme économique et financier du gouvernement. Personne, ni à droite ni à gauche, ne doute de la compétence de M. Cahuzac ni de sa capacité à accomplir un travail très impopulaire, y compris chez ses anciens collègues. On veut seulement espérer que Bernard Cazeneuve, ex-ministre des Affaires européennes, qui le remplace, sera à la hauteur de M. Cahuzac qui, quoique chirurgien de formation, fut président de la commission des finances à l’Assemblée pendant le mandat de Nicolas Sarkozy. C’est Thierry Repentin qui remplace M. Cazeneuve.

Il s’agit donc d’un mini-remaniement ministériel qui ne change rien à la politique fiscale du gouvernement. Cependant, on trouvait déjà lents les progrès de l’État dans la seconde phase de la marche vers l’équilibre budgétaire, la réduction de la dépense publique. On ne parie pas que M. Cazeneuve sera plus rapide et plus exigeant encore que M. Cahuzac, et lui-même ne le croit pas. Accessoirement, l’affaire est un coup de plus porté à la « République irréprochable » prônée par François Hollande. On apprend ainsi, si on ne le savait déjà, que la gouvernance socialiste n’est pas plus exempte des « affaires » que celle de la droite.

Une image dégradée.

Bien entendu, il faut se garder de faire des conclusions trop rapides. Le précédent de l’affaire Cahuzac, c’est l’affaire Woerth, qui n’est toujours pas dénouée et d’où l’ancien ministre du Budget pourrait, ou non, sortir blanchi. Il faudra sans doute des années, si même c’est possible, pour confondre les deux ministres et, bien que Mediapart tire de son scoop une fierté compréhensible, en présentant son action journalistique comme une contribution essentielle au quatrième pouvoir et au fonctionnement de la démocratie, il nous semble que cette recherche louable de la vérité aboutit parfois à l’inverse de ce qu’elle veut entreprendre. D’abord, elle amène l’opinion à condamner des hommes avant d’avoir la preuve de leurs forfaits. Ensuite, elle dégrade un peu plus l’image déjà ternie de la classe politique. Enfin, si en définitive les personnages impliqués sont innocentés, elle aura transformé la justice en machine à broyer des acteurs de la politique dont le pays a besoin, sur des éléments insuffisants ou faux, livrés par des gens obscurs, plus guidés par la haine que par le souci de justice. À l’origine des malheurs de M. Cahuzac, il y a avant tout la malveillance.

De nos jours les médias sont devenus une énorme caisse de résonance qui amplifie le moindre écart commis par des dirigeants. C’est le Watergate permanent, bien que les scandales soient plus rares qu’on le dit. La sanction de la presse est infiniment plus grave que celle de la justice. Certes, on est rassuré par le contrôle des médias sur le pouvoir et on ne voudrait pas retourner à l’époque où l’information était dirigée. C’est justement parce que le fleuve des révélations plus ou moins exactes risque de sortir de son lit que la presse ne doit pas se substituer à la justice.

RICHARD LISCIA

 

 

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2 réponses à Cahuzac : coup dur pour le pouvoir

  1. Bonjour.
    Vous écrivez : « La presse ne doit pas se substituer à la justice »
    Oui, mais encore faut-il que la justice soit indépendante du pouvoir en place, qu’il soit de droite ou de gauche. Fraude fiscale dans les paradis étrangers, et blanchiment sont liés.
    La France n’est pas exemplaire en ce domaine.
    http://tempsreel.nouvelobs.com/justice/20121023.OBS6664/lutte-contre-la-corruption-la-france-epinglee-par-l-ocde.html

    Agnès Gouinguenet.

  2. Dr Jérôme Lefrançois dit :

    Tout à fait d’accord avec R. Liscia, et en particulier la deuxième partie de son exposé (et pourtant je ne suis pas un soutien inconditionnel du pouvoir en place actuellement!).Les chiens continuent d’aboyer, de mordre, voire de tuer, pour se nourrir, car ce sont des charognards : je fais allusion aux prétendus journalistes qui ne sont que des créateurs et remueurs de m…, en agissant ainsi.

    Ils ne font pas de bien du tout à la démocratie, mot qu’ils ont souvent à la bouche, et contribuent efficacement et rapidement à la tuer (je me demande souvent à qui profite le crime).

    Dr Jérôme Lefrançois

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