Hollande tel qu’en lui-même

L’autorité par le rejet des critiques
(Photo AFP)

François Hollande a montré son autorité à sa manière, en ne cédant à aucune injonction de ses détracteurs. Il a refusé de faire table rase, de changer de cap, d’annoncer une révolution. Dans la « boîte à outils » qu’il a présentée aux téléspectateurs, il y avait la panoplie des mesures déjà prises, assorties de quelques nouveautés. Toute la question est de savoir si cet ensemble est suffisant pour faire reculer la crise.

ON VOUDRAIT BIEN se démarquer de l’hallali auquel se sont livrés ses adversaires de droite et de gauche, mais on est bien obligé de constater que le président de la République ne fait jamais la totalité du chemin : les allocations familiales ne seront réduites que pour les foyers aisés ; le « choc de simplification » des dispositions administratives (qui empoisonnent l’activité des entreprises) n’est pas explicité, même si c’est une excellente décision ; la taxe à 75 % pour la partie des revenus supérieure à un million d’euros est maintenue (elle sera payée par les sociétés),  mais demeure inapplicable pour les artistes, les sportifs, les écrivains, les professions libérales ; le budget militaire, grande surprise, ne sera pas diminué, ce qui est conforme aux voeux de tous ceux qui préconisent une France forte, mais où trouver alors des économies sinon dans les prestations sociales ? ; l’âge de la retraite ne sera pas repoussé mais la durée des cotisations sera augmentée, ce qui revient pratiquement au même ; les fonds de la participation seront mis immédiatement à la disposition des bénéficiaires, mais à hauteur de 20 000 euros ; il n’y aura pas d’impôt nouveau en 2013 et 2014, sauf la hausse de la TVA, prévue depuis l’an dernier.

Simple et modeste.

M. Hollande s’est posé en « chef de bataille », mais il est resté, pendant tout l’entretien télévisé, simple et modeste. Il est bon qu’il résiste à des critiques multiples et contradictoires dont la somme est nulle. Il est moins bon qu’il refuse de reconnaître que la durée de la crise exige des décisions d’une tout autre dimension que celles qu’il a annoncées et dont on peut douter de l’efficacité. Ce ne sont pas les quolibets de la droite ou de l’extrême gauche qui sonnent le glas de sa politique. Ce sont deux chiffres publiés ce matin par l’INSEE : le déficit public pour 2012 est de 4,8 % au lieu de l’objectif de 4,5 %. Et la dette nationale s’élève à 90 % de la richesse annuelle du pays. Dans ces conditions, comment le nouvel objectif de déficit à 3,7 % sera-t-il tenu en 2013 ?

Le président refuse de se laisser enfermer dans la nasse créée par la crise : une longue panne de croissance assortie d’un endettement qui progresse. Peut-être fallait faire le choix de libéraliser encore plus l’économie en réduisant les charges liées aux salaires et en augmentant d’autant le taux de TVA. D’autres diront qu’il faut au contraire plus de dirigisme et sortir de l’euro. M. Hollande ne fait ni l’un ni l’autre. Il combat le chômage par des contrats d’emplois aidés. Il tente de mettre de l’argent dans la poche des salariés pour stimuler la consommation. À plus long terme, grâce à la Banque publique d’investissement (BPI) et au pacte de compétitivité, il espère relancer l’industrie. Il n’est pas dit qu’il échouera. Il n’est pas dit qu’il réussira.

Sur le destin du président.

Le chef de l’État partage un trait avec son prédécesseur, même s’ils sont de caractères diamétralement opposés. Il fait ce que sa nature lui dicte. Lui aussi est un héros de tragédie antique. Il est social-démocrate et keynésien à une époque où la social-démocratie et le keynésianisme ont été laminés par la mondialisation. Il va vers le destin que dessinent son esprit, sa nature profonde, sa conviction humaniste. Le problème est que la souffrance humaine ne se soigne plus dans l’heure par la redistribution mais par la construction d’usines performantes capables d’embaucher. Le salut est lointain, la douleur présente. Celle-ci est le passage obligé vers celui-là.

RICHARD LISCIA

 

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3 réponses à Hollande tel qu’en lui-même

  1. Reconnaissons que M. François Hollande a hérité d’une patate plus que chaude, voire brûlante.
    Pas de brutal miracle à attendre, puisque la France est intra-Europe, et que l’Europe est intra-monde, avec inter-relations permanentes et concurrence effrénée.
    On réalise que vivre dans un vieux pays constitue un avantage certain, à condition de ne pas le brusquer ; le navire a vécu bien des tempêtes, et s’est construit une ligne de flottaison assez stable.
    Pas besoin d’un capitaine agité, roulant les mécaniques, alors qu’il faut manoeuvrer avec finesse, rendant dangereuse toute attitude brusque et extrémiste, soit vers bâbord, soit vers tribord.
    Toujours avancer, en évitant les rochers extérieurs et les navires pirates, et maintenant un niveau de vie intérieur correct pour tout l’équipage afin d’éviter des mutineries généralisées, voilà qui définit un challenge plus qu’honorable.

    Agnès GOUINGUENET (Médecin Biologiste retraitée).

  2. letellier dit :

    L’Europe est gouvernée par la droite. L’Europe est en crise grave. Hollande n’est pas seul responsable. Si quelqu’un possède la potion magique, qu’il nous la donne et vite! J’entends beaucoup de critiques mais pas de vrai plan B pour sauver la situation. Ce sera l’honneur des politiques que de fournir une magnifique nouvelle boîte à outils miracles.
    Attendons. Hollande n’a pas construit la crise à Chypre, en Grèce, en Italie. Il n’est pas le responsable de tous les maux. Rappelez vous aussi que Fabius votait contre cette absence d’harmonie des pays de l’Europe. Et je ne l’ai pas écouté.
    Ceci dit, il est clair que la priorité doit aller aux entreprises exportatrices et à leurs ouvriers y compris le secteur agricole.
    Vogue la galère en attendant, comme dit A.Gouinguenet.

  3. Pottier dit :

    Cette métaphore marine m’évoque plutôt un remake du « flying Hollander »!

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