Un avenir compromis

Bernard Cazeneuve
(Photo AFP)

L’Élysée ne parviendra pas à circonscrire l’affaire Cahuzac, qui prend chaque jour un peu plus d’ampleur et s’accompagne de rumeurs diverses sur d’autres cas possibles de fraude fiscale. Le scandale risque donc d’affaiblir durablement l’action gouvernementale, pourtant urgente et nécessaire pour sortir le pays de l’ornière du chômage et de l’endettement. Le « choc de moralisation » que François Hollande pourrait annoncer incessamment laissera l’opinion indifférente.

IL S’AGISSAIT DE 600 000 euros, on parle maintenant de 15 millions. Un quotidien perd les pédales et compromet un ministre sans la moindre preuve. Opinion perplexe ou déboussolée, presse surexcitée, tensions politiques, le climat général est empoisonné et appelle, bien sûr, une réaction vigoureuse et crédible du gouvernement. Le président a écarté les gestes forts qui auraient impressionné les Français, remaniement, dissolution, référendum, toutes solutions extrêmement dangereuses, à la fois pour le pouvoir et pour le pays, car chacune ajournerait les mesures économiques et sociales, par exemple la réduction de la dépense publique, dont dépend notre survie. Dans le même temps, si M. Ayrault reste à Matignon et conduit la même équipe, de quelle autorité sera-t-il investi, lui qui en a eu si peu en diverses occasions ? Si ce sont les mêmes qui nous réclament de nouveaux sacrifices, nous seront tentés de les envoyer au diable.

Le remaniement serait inutile.

Il se peut que, dans quelques jours, M. Hollande se résolve à changer de Premier ministre, parce que la pression de l’opinion et des médias sera trop forte, et surtout si le scandale Cahuzac s’étend. Ce serait un gage offert à l’opinion, ce ne serait pas une solution. Quitte à nous répéter, il faut insister sur ce qui doit rester une priorité sacrée : le redressement du pays. Il a été mal engagé par des mesures fiscales excessives l’année dernière, il est compromis par les mesures sociales mises en route cette année et, comble de malchance, l’homme chargé de raboter les dépenses disparaît de la scène politique.

Certes, on attend de son successeur qu’il se montre aussi impitoyable que M. Cahuzac semblait l’être. Il n’y a d’ailleurs aucune raison de douter des compétences de Bernard Cazeneuve, nouveau ministre du Budget. Ce qui va le gêner, ce n’est pas de jouer le rôle de la roue de secours, c’est qu’il doit prendre des mesures lourdes et impopulaires dans une atmosphère (déjà!) de fin de règne. Selon un sondage Opinion Way publié ce matin par « le Figaro » et LCI, 36 % des personnes interrogées éprouvent du dégoût quand elles pensent à la politique et 32 % de la méfiance. Seulement 5 % ont peur. Minorité éclairée qui a compris que la disqualification de la classe politique ne fait l’affaire de personne, ni du peuple, ni de la démocratie, ni des institutions républicaines.

Plus le mensonge est gros…

M. Cahuzac lui-même ne semble toujours pas avoir pris la mesure de ses actes, qui envisageait la semaine dernière de revenir à l’Assemblée, ce à quoi la loi l’autorise tant qu’il n’est pas condamné. Persuadé naguère que le plus gros mensonge, prononcé devant le chef de l’État, le Premier ministre et les députés, aurait l’effet de la pluie sur l’incendie, voilà maintenant qu’il oublie son nouveau statut d’intouchable et tente de poursuivre sa carrière politique, comme si de rien n’était. Il donne des sueurs froides à ses nombreux amis, sans même comprendre que, pour eux, l’unique moyen de ne pas être emportés par la bourrasque, c’est de continuer à l’accabler. Il n’y a décidément rien de positif dans cette séquence sordide : si Jérôme Cahuzac a besoin d’une analyse, la chasse à courre dont il fait l’objet augmente encore le malaise général.

En d’autres termes, il sera bon de combattre et diminuer la corruption dans les milieux politiques ; il ne faudra pas pour autant négliger ce qui préoccupe tout le pays, l’emploi, le pouvoir d’achat, la dette. On souhaite donc que le président trouve en lui les ressources qui lui permettraient d’accomplir simultanément les deux tâches. Mais on est rongé par le doute.

RICHARD LISCIA

 

 

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3 réponses à Un avenir compromis

  1. Vous avez raison quand vous écrivez :  » Il sera bon de combattre et diminuer la corruption … », et je m’arrête là, car la non-intégrité n’existe pas que dans les milieux politiques.
    Décidément, la « gauche caviar » semble bien proche de la « droite aux truffes périgourdines ».
    Cependant, je suis plus optimiste que vous; il y a des gens « bien » partout; il faut les appeler, leur faire signe, les éveiller, les fédérer.
    Pourquoi douter ?
    Cependant, nous devons reconnaître que l’héritage reçu se révèle lourdingue. Il est bon de faire le ménage assez vite, avant que la catastrophe ne soit pire. Déjà qu’avec M. DSK, ce fut très limite …
    Étonnamment, on a l’impression que ceux-celles qui ont fait tomber Ségolène Royal, tombent à leur tour, à gauche comme à droite …
    Chins up, car il faut que la France (c’est-à-dire les gens qui vivent en France) gagne; mais elle n’est pas seule, ni en Europe ni sur terre.

    Agnès Gouinguenet.
    (Médecin biologiste retraitée).

  2. letellier dit :

    Les médias, les journalistes, les politiques, les syndicats et tous les citoyens qui ont des solutions pour la crise doivent se mobiliser et c’est une grave erreur que de chercher midi à quatorze heures quand notre pays à besoin d’affronter de grosses difficultés. Arrêtons ces polémiques à n’en plus finir et ces rivalités gauche-droite qui n’avancent à rien. Proposer, encore proposer, toujours proposer des remèdes à la crise et ne s’appliquer à rien d’autre. C’est cela,le cap à suivre. Les déclarations de patrimoine n’enrichiront pas ou peu notre pays pas plus que les rivalités ou les journalistes. Parlez nous, par exemple de ce que vous pensez du collectif Roosevelt. Offrez des perspectives ou des solutions. Nous aimons les journalistes mais pas les bisbilles, pas les salades. Rassemblez ceux qui essaient de nous offrir un avenir. Que chacun se comporte en chef d' »entreprise des lumières ». Excusez mon expression et ce verbiage. Je ne suis malheureusement pas apte à gouverner. Ne fabriquons pas une France de bavards…A ma retraite, je me suis mis à la maçonnerie et mes vieux murs vivrons plus longtemps que moi et que mes anciens patients. N’est-ce point noble? La palabre permanente en France éloigne les gens du concret. Cordiales salutations à Richard Liscia que nous aimons lire.

  3. Van Egroo dit :

    Pour moraliser, c’est assez simple, mais ils (les politiques) ne le souhaitent pas
    1 – autoriser le cumul des mandats mais pas des indemnités. En cas de cumul des mandats, les indemnités sont plafonnées à un niveau raisonnable à fixer
    2 – au lieu de réserver les postes d’élus comme le président veut le faire aux fonctionnaires aux retraités aux personnes ne travaillant pas par ailleurs (ce qui ne régleraient en aucun cas le risque de conflit d’intérêts), il faut faire l’inverse:tout faire pour que les personnes de la société civile puissent être élus et, dans la mesure où les salaires ou autres revenus seraient publics, on ne les compléterait avec des indemnités que jusqu’à un certain plafond. Enfin les élus seraient tous dévoués et non pas dans la magouille.

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