Faut-il avoir peur de Mélenchon ?

Toujours en forme
(Photo AFP)

Jamais Jean-Luc Mélenchon n’a été aussi hargneux contre les socialistes au pouvoir, jamais il n’a autant bénéficié de la tribune offerte par les médias, jamais l’alternative politique qu’il offre depuis la campagne électorale et qui n’a pas changé depuis n’a semblé aussi peu crédible. Hier soir, sur France 2, il a certes multiplié les effets et les provocations. Mais ses interlocuteurs ne s’en sont pas laissé conter.

LE PATRON du Front de gauche n’est pas dépourvu d’atouts. Au Parti communiste, une majorité le laisse faire son chemin, même si des voix dissidentes s’expriment au sujet de sa méthode. Chez les Verts et au PS, son discours ravageur galvanise les socialistes les plus à gauche, ceux-là même qui ont applaudi à tout rompre l’irruption de syndicalistes énervés dans une réunion du conseil national. Mélenchon fédéralise-t-il tous les mécontentements de gauche ? Il nous semble plus dangereux pour la cohésion du PS que pour l’unité des Verts, à la fois jaloux de leurs fonctions au gouvernement, de leurs accords électoraux avec le PS, de leur propre identité. Il ne faut pas s’y tromper : si, ce matin, sur France-Info, le sénateur écologiste Jean-Vincent Placé, jamais très amène, s’en est pris avec virulence au pouvoir, c’est en partie pour effacer l’influence d’un Mélenchon qui a obtenu hier encore trois heures de télévision.

Faire plier l’Allemagne.

M. Mélenchon croit qu’il peut exercer sur l’Allemagne des pressions suffisantes pour mettre un terme à la politique de rigueur en France ; il n’éprouve que mépris pour la commission de Bruxelles, chargée de veiller à ce que la France applique les traités européens qu’elle a signés ; sans doute se moque-t-il des engagements pris par le gouvernement, sans doute envisagerait-il, sans états d’âme, le retour au franc, même s’il ne le dit pas aussi clairement. En tout cas, son programme, qui consiste à augmenter la dépense publique et à déposséder les riches (à ses yeux, on est riche quand on a de l’épargne) nous conduirait inévitablement vers une sortie de l’euro. Si on dit à M. Mélenchon que idées ne sont pas tellement éloignées, parfois, de celles de Marine Le Pen, il répond par une profusion d’injures. Quelquefois, on s’étonne du masochisme des médias qui invitent le chef de file du Parti de gauche. L’audimat vaut bien quelques vociférations.

Le Grillo français.

M. Mélenchon récuse le terme de « populiste » et n’aime pas qu’on le compare à Beppe Grillo, le clown qui a failli faire chuter le système institutionnel italien. En plus cultivé et en moins grossier, il lui ressemble pourtant. Comme Grillo, M. Mélenchon donne un espoir à tous ceux que la crise a rétamés en leur promettant de leur remettre l’argent qu’il aura pris à la minorité des nantis. Mais, comme Grillo, il risque, le moment venu, de ne pas pouvoir s’insérer dans le fonctionnement des institutions : à force de dire non à tout le monde, à la droite comme à la gauche, si on n’a pas la majorité, on ne fait rien. Des députés « grillistes » enragent de ne pouvoir siéger à la Chambre italienne des députés parce qu’il n’y a toujours pas de gouvernement. Mais Beppe Grillo a condamné la solution trouvée, celle de réélire Giorgio Napolitano à la présidence de la République pour qu’il nomme un Premier ministre (en l’occurrence Enrico Netta, jeune membre de la gauche sociale-démocrate).

M. Mélenchon ne se nourrit en réalité que des déboires de la majorité, confrontée à une crise sans précédent. Le président Hollande doit, dans l’urgence, mettre fin à une ambiguité qui lui permet de faire croire au peuple qu’il n’est l’ennemi de personne à gauche. En réalité, ses « amis » ne manquent pas de férocité : avec l’inconscience qu’on leur connaît, ils jouent sur l’idée d’une VIè République qui risque d’être la copie conforme de la IVè.

RICHARD LISCIA 

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14 réponses à Faut-il avoir peur de Mélenchon ?

  1. Wolga dit :

    Jacques Attali a très bien joué avec Mélenchon en l’amadouant au début, pour le planter à la fin de l’entretien en concluant que la politique de Mélenchon amènerait la France à la situation de la Corée du Nord ! Mélenchon avait l’air bien dépité, car il ne s’y attendait pas du tout ! Lui qui croyait mener le débat en monopolisant la parole, en se moquant, en insultant, en interrompant, en faisant constamment des diversions, il s’est bien fait avoir ! Cet homme-là, qui méprise ses contradicteurs et les journalistes, qui ne supporte pas la contradiction, qui est sûr d’avoir toujours raison, qui n’a aucun recul, aucune auto-critique, est imbu de lui-même à un point inouï. C’est un dangereux révolutionnaire qui risque, s’il arrive au pouvoir, d’imposer la « dictature du prolétariat » ou plutôt de son parti, en reniant ses engagements et en imposant des lois d’exception s’il pense que c’est pour la bonne cause.
    Les partis républicains classiques ont tellement déçu les Français que ceux-ci risquent de donner le pouvoir aux extrêmes, à droite comme à gauche, ouvrant la boîte de Pandore du totalitarisme comme cela s’est passé au 20ème siècle.

    • POTTIER dit :

      Tout à fait d’accord avec vous.
      Mélenchon est d’autant plus dangereux qu’il fait croire que le portrait outrancier qu’il donne de lui n’est que tactique. En fait il n’avance pas du tout masqué, et la camera qui le regardait dans les yeux, lors de l’émission avec Pujadas, nous a révélé un regard qui n’a rien de bonhomme.
      Glacial et glaçant!

  2. maraval dit :

    En politique politicienne, pour exister, il faut avoir un discours différent des autres. Plus il est populiste, mieux ça marche et ainsi le politicien peut gagner sa vie au crochet de la société

  3. chani dit :

    Vous dites que la France doit respecter les traités qu’elle a signés. En 2005 un référendum a clairement signifié que les Français ne voulaient pas du traité de la constitution européenne. À partir de là, il est difficile de traiter les uns de dangereux et les autres de raisonnables.

    Réponse : le traité de 2005 a été rejeté. Ce n’est pas celui dont je parlais.

  4. LA ZIZOUNE dit :

    Populiste, avant d’utiliser ce terme à tort et à travers, il faudrait encore en connaître exactement la définition. Or, de par sa définition, il s’avère que n’importe quel parti politique peut utiliser le terme populiste, dès lors qu’il s’adresse ou se rattache à la vie des petites gens. Alors, bien sûr, on ne risque pas de traiter l’UMPS de populistes, puisqu’ils ne s’intéressent qu’à la finance. En revanche, le FN peut être traité de populiste, puisqu’il profite de l’incompréhension totale en politique de certaines personnes (en principe qui souffrent), mais pour eux, l’appellation populiste est erronée, puisqu’il n’ont rien à faire de la vie des petites gens, ce qui compte c’est de les berner. Quant à Mélenchon, il dit des vérités et c’est cela qui blesse.

  5. ZIDANI dit :

    Il fait partie du cirque, chacun son rôle!

  6. paul dit :

    Votre résumé de la situation est très réducteur mais aussi très décalé à droite! En effet je pense que Mélenchon a tué, en une émission, le symbole de l’interviewer politique à la télévision.
    Mélenchon est le seul qui ne joue pas la règle du jeu imposée par la télévision en mode Pujadas. Il déconstruit systématiquement les questions qui lui sont posées, en montre les non-dits, les arrière-pensées, les manipulations, les chausse-trapes et les pièges. François Lenglet, « l’économiste » de France 2, en a ravalé plusieurs fois sa maîtrise de lettres. Cette déconstruction méthodique, méticuleuse et sauvage à la fois, ce dynamitage de toutes les séquences, a mis en évidence ce qui apparaissait en filigrane depuis quelques numéros de DPDA. Le concept de l’émission, trop rigide, trop figé, est mort.
    Qu’on ne s’y trompe pas, la relative bonne audience de ce dernier numéro ne tient qu’à la personne de Mélenchon, qui a pris place dans l’imaginaire français dans la galerie des tribuns télévisuels que l’on aime regarder, façon Georges Marchais, ce qui est à la fois un atout et un handicap, mais passons, ce n’est pas le sujet.
    Les personnes conviées à débattre avec Mélenchon ce sont débattues comme elles le pouvaient mais il est certain que la balance pour une fois pèse vraiment du côté du Front de gauche. Attali fut peu convainquant et n’est d’ailleurs pas un convaincu lui même que son pays est politiquement fort, mais aussi culturellement et économiquement. Lenglet fut attaqué sur son propre terrain et n’avait encore une fois pas toutes les clefs pour le débat, juste des graphiques encore trop incertains. Quand à Apparu qui est au passage l’un des plus insupportables députés UMP , il fut lui aussi peu convaincant et propageait une agressivité inutile avec une certaine facilité à renvoyer la balle sans arguments précis.
    Je pense donc que votre analyse sur cette émission est faussée et n’est pas la bonne.
    Cela dit, je pense que Mélenchon fut bon dans le fond mais il était souvent un peu floué par trop d’interruptions de part et d’autre et avait une moins bonne maitrise à faire comprendre à tous son idée d’une manière simple. En plus court, trop de blabla sur des bêtises et pas assez de simplicité sur le fond pour les gens qui ne comprennent pas bien les termes politiques.
    Cela dit je ne suis pas du Front de gauche mais j’ai comme l’impression de me rapprocher de plus en plus de leurs idées, j’espère que d’autres auront cette impression aussi car la passion est là !! on la sent dans les discours de Mélenchon et ça fait du bien de voir un homme passionné et qui aime son pays ! Pas comme Marine…

    • Thost dit :

      Ce que vous décrivez, ce ne sont que les techniques du matérialisme dialectique dans lequel Mélenchon excelle. Pour l’avoir vu à l’oeuvre, il s’agit d’un individu qui vient chez son homéopathe, et qui hurle pour que les patients en salle d’attente soient évacués et qu’il puisse attendre tranquillement et seul. Un bien triste sire. Il a d’ailleurs à cette occasion utilisé pour la première fois ce qui allait devenir son célèbre « qu’ils s’en aillent tous! ». Stupeur et amusement dans les rangs.

      • Wolga dit :

        Merci pour votre témoignage qui semble de première main.
        Un bien triste sire en effet, qui se prend pour beaucoup plus que ce qu’il n’est, et qui veut s’imposer par la force, déjà dans la vie de tous les jours, ce qui est révélateur.
        J’ai eu à soigner trois personnalités locales ou nationales, dont un député-maire socialiste très connu, qui ont toutes attendu leur tour comme les autres.
        Il ne faut surtout pas se laisser séduire par la personnalité et le discours de Mélenchon, ni lui donner un brin de pouvoir, sinon tôt ou tard nous aurons à choisir entre la peste et le choléra (l’extrême droite et l’extrême gauche).

  7. M. Mélenchon n’est pas dangereux pour la paix sociale en France.
    Patrimoine personnel : Environ 750 000 euros.
    Salaire mensuel net : Environ 6200 euros.
    Pas vraiment d’extrême gauche, populaire ouvrier style Zola, tout ça …

    • POTTIER dit :

      Si vous pensez que la dangerosité est inversement proportionnelle au patrimoine, reportez-vous à celui des dictateurs passés et présents.
      Ceci dit, les remarques précédentes concernant son analyse de la situation actuelle sont recevables, bien entendu. Ce sont les solutions radicales préconisées qui pêchent.
      Ce n’est pas un imbécile, et c’est bien là le danger!

    • LA ZIZOUNE dit :

      Pourquoi,pour être un politique à gauche, il faut pointer au chômage ?
      Je vois que vous connaissez bien son patrimoine, il ne s’est pas caché, il l’a fait paraître.
      Mais, avez vous lu quelque part que Copé, Fillon et d’autres aient fait paraître leur patrimoine ? Alors on peut critiquer à gauche, quand rien ne transpire à droite.
      C’est sûr, un chômeur n’a pas de patrimoine, mais il est traité de fainéant. Alors dans ce pays, que faut-il être, pour ne pas être critiqué : trop riche, c’est mal, trop pauvre, c’est paresseux ?

      Admin : Fillon a publié son patrimoine, Wauquiez aussi et quelques autres

  8. LA ZIZOUNE dit :

    Merci d’avoir tempéré mon commentaire, fait à chaud, ce qui ne devrait jamais être fait.
    Je pense que la critique sur Mélenchon vient du fait que les citoyens se rendent compte que ce qu’il dit n’est pas totalement faux, et que le pays va droit dans le mur. Mais comme Mélenchon est un homme de gauche, il est plus critiqué que la normale. Pourtant croyez-moi, je préfère être au Front de gauche qu’au Front national. Mais nous sommes en démocratie et je respecte les idées.
    Quant à l’émission « Des paroles et des actes », je pense que F. Lenglet a pris une leçon d’économie. Le petit Apparu n’a pas fait de miracle, il ne propose rien.
    Maintenant concernant le patrimoine de Mélenchon : faut-il être pauvre pour être un homme politique ? Est-ce une tare d’être riche ? La tare, c’est être riche, et ne pas vouloir redistribuer à ses ouvriers.
    Pourquoi est-ce un problème que les hommes politiques de gauche soient riches alors qu’à droite c’est normal ? Peut-on m’expliquer pourquoi ?

    • Pottier dit :

      Le problème n’est pas l’étiquette politique: Mitterrand était un homme de droite et a fait main basse sur le Parti socialiste pour accéder au pouvoir, Chirac était foncièrement rad-soc et a fait une politique de droite.
      « Les promesses des candidats ne concernent que ceux qui les écoutent » disait H. Queuille pour qui  » la politique n’était pas l’art de résoudre les problèmes mais de faire taire ceux qui les posent. »
      Le problème c’est la personnalité de ceux qui aspirent au pouvoir et c’est à nous d’essayer de reconnaître ceux ou celles qui auront suffisamment de caractère et d’intelligence pour les résoudre sans avoir besoin de nous faire taire.
      Pour ma part je ne pense pas que ce soit le portrait de Mélenchon !

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