Fillon : l’appel du Japon

Fillon à Tokyo
(Photo AFP)

Du Japon, où il a été décoré par l’empereur Akihito, François Fillon a annoncé qu’il serait candidat à la présidence « quoi qu’il arrive » pour préciser, quelques heures plus tard, qu’en  réalité il ne briguait d’abord que l’investiture de l’UMP dans le cadre d’une primaire en 2016. Il s’en est suivi un déluge de commentaires insistant soit sur sa « détermination », soit sur ses hésitations.

L’ANCIEN PREMIER MINISTRE, rompant avec la tradition, de moins en moins respectée, qui consiste à ne pas parler de politique intérieure quand on voyage à l’étranger, éprouve le besoin d’exister pendant un quinquennat qui prend, pour lui, l’aspect d’une traversée du désert. Il ne veut pas que les Français l’oublient, d’autant qu’il ne dispose pas vraiment d’une tribune pour se faire entendre, face à un Jean-François Copé qui trône à la présidence du parti, son instrument de communication, pour ne pas dire de propagande, bien qu’il semble bien l’avoir usurpée. Le résultat de la déclaration bizarre et excentrée de M. Fillon est néanmoins négatif car elle creuse un peu plus les divisions de l’UMP, qui, un an après la plus lourde de ses défaites, n’a pas retrouvé sa cohésion et se voit incapable de procéder à l’inventaire du sarkozysme. Lequel est pourtant indispensable : la droite ne peut pas proposer un programme si, au préalable, elle n’a pas honnêtement expliqué aux Français les raisons de ses multiples échecs électoraux des six dernières années.

Un  an de perdu.

M. Copé fait dire par ses amis que M. Fillon ne sait pas vraiment où il va ni comment il y va. M. Sarkozy, selon des rumeurs savamment distillées, traite son ancien Premier ministre de « loser ». La description acerbe de l’adversaire commun à toute l’UMP, François Hollande et le PS, ne suffit guère à reconstituer l’unité du parti, concurrencé par les centres et menacé, tout autant que le PS, par l’irrésistible ascension de Marine Le Pen. Bref, la baisse vertigineuse de la cote de popularité du président en exercice ouvre certainement un espace pour l’opposition, mais qui est mieux comblé par Jean-Luc Mélenchon et par Marine Le Pen que par la droite classique.

Si la majorité triomphante sortie des urnes en 2012 est en train de se briser sur la crise, les électeurs de droite ont de bonnes raisons de s’inquiéter du comportement des leaders de l’UMP, qui n’est ni plus sage ni plus consensuel qu’il y a douze mois. Beaucoup de temps perdu, alors que la mise en place des bataillons de la droite est urgente. Et ce sont les chefs, pas les militants, qui maintiennent le parti dans l’immobilité. Nicolas Sarkozy n’est pas étranger à ce marasme, qui rejette comme masochiste et contre-productive toute idée d’un examen approfondi des erreurs de son quinquennat. Il s’efforcera, conformément à son tempérament, de passer en force en 2016, soit en obligeant l’UMP à renoncer à la primaire, soit à en faire une formalité, un peu comme Copé a pris la présidence de force plus que par un bon décompte des voix.

L’homme providentiel.

Ces deux-là, Sarkozy et Copé, ont tout pour s’entendre, sauf quand ils nourrissent exactement la même ambition. Mais au moins, M. Copé, jusqu’à présent, a-t-il dit qu’il ne serait pas candidat en 2016 si M. Sarkozy se présentait. Ce n’est pas le cas de M. Fillon qui ne cesse, depuis un an, de souligner les divergences qu’il avait avec l’ex-président et d’insister sur le fait que, dans le cadre d’une primaire, tous les candidats sont égaux. Perspective qui fait rugir de colère M. Sarkozy, lequel se présente invariablement comme un homme providentiel, avant de l’emporter ou après avoir avoir échoué.

Dès lors qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil de l’UMP, elle ne devra pas s’étonner de ce que nombre de ses électeurs aillent voir ailleurs. Les sondages, très prématurés, qui accordent à Nicolas Sarkozy une large avance au premier tour, la deuxième position à Marine Le Pen et prévoient l’élimination de François Hollande, ne parlent en vérité que de la popularité actuelle des candidats. Ils ne disent rien des programmes, des divisions, des réconciliations apparemment impossibles, des ambitions déjà si tenaces qu’elles réduisent les chances de la droite.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Fillon : l’appel du Japon

  1. Pottier dit :

    « Surgit un troisième larron
    qui saisit maître Aliboron.
    L’âne c’est quelquefois une pauvre province…. »
    La Fontaine vous dis-je, alors … Juppé?

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