Retraites : potion amère

Yannick Moreau
(Photo AFP)

Présidente de la commission pour l’avenir des retraites, Yannick Moreau va remettre la semaine prochaine au Premier ministre un rapport dont les principaux éléments ont été révélés hier, soulevant déjà, avant même que le gouvernement ait commencé sa concertation avec les syndicats et pris ses décisions, une levée de boucliers. Certes, les propositions ou suggestions du rapport concernent à peu près tout le monde, actifs et retraités, mais il n’est peut-être pas indispensable de les additionner : la seule prolongation de la durée des cotisations pourrait suffire à rééquilibrer les comptes.

L’ÉLYSÉE a confirmé hier soir que la révision du calcul de la retraite des fonctionnaires figurait bel et bien parmi les pistes qu’il explore. Le rapport propose d’annuler un privilège qui consiste, pour le calcul de la pension dans le secteur public, à retenir les six derniers mois de salaire et d’appliquer le calcul déjà en vigueur dans le privé, à savoir la moyenne des 25 dernières années de salaire. Ce qui implique une baisse très sensible de la pension versée aux fonctionnaires. Il ne semble pas toutefois que, dans la chasse aux avantages accordés à certaines catégories professionnelles relevant du public, les auteurs du document soient allés jusqu’à demander la réforme des régimes spéciaux, comme ceux de la SNCF ou de la RATP.

Le maître-mot de négociation.

Or, si on veut engager une réforme capable de faire sept milliards d’économies chaque année, il est temps de rétablir l’égalité entre tous les bénéficiaires. On a compris qu’un tel effort est politiquement dangereux et qu’aucun gouvernement, de droite ou de gauche, n’a eu le courage d’imposer ce que nous appellerons la réforme pour tous. Le moment de vérité, c’est maintenant. Et on souhaite bien du courage au gouvernement pour affronter l’ire des syndicats et le mécontentement des professions qui seront touchées. Face aux cris d’indignation poussés par les syndicats, la ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, s’est empressée de préciser que le rapport est un « outil de travail, en aucun cas la préfiguration d’une réforme bouclée ». Le gouvernement, qui exalte les vertus de la négociation,  tient absolument à parler aux syndicats avant d’adopter ses mesures et essaie de ne pas donner l’impression que le dialogue sera de pure forme. Mais il n’y a aucune solution miracle : le rapport énumère des pistes identifiées depuis longtemps. En gros, les syndicats s’opposent à tout ce qui affecterait au montant des pensions ; et le pouvoir, pour faire passer la pilule, annoncera un effort en faveur de ceux qui exercent des métiers pénibles. Un geste qui, selon le rapport, coûterait 700 millions.

Faire des économies ou du social ?

Comme le but de la réforme n’est pas de dépenser plus, charger la barque en faveur des salariés accomplissant un travail de force se traduira nécessairement par un coup de rabot plus profond sur les pensions du régime général. C’est exactement ce qui s’est passé avec les allocations familiales : pour atténuer l’amertume de la potion, on a annoncé la création de 100 000 crèches. On verra plus tard si le gouvernement tient parole sur ce point, mais son exercice de funambule laisse perplexe : on ne sait plus si ses réformes ont pour intention de réaliser des économies ou de dépenser l’argent d’une autre manière. La touche sociale que François Hollande apporte à chacune de ses réformes aboutit à déshabiller Pierre pour habiller Paul : les cotisations des salariés et des entreprises augmenteront de 0,1 à 0,2% ; la durée des cotisations sera portée de 41,5 ans à 44 ans ; une désindexation des retraites est envisagée, à l’instar de ce qui a été décidé pour les régimes des cadres ; les retraités paieront la CSG à 7,5 % au lieu de 6,6 %; et l’abattement fiscal sur leurs revenus (10 %) sera supprimé.

Si toutes les mesures envisagées sont appliquées, les retraités pourront dire que leur niveau de vie va plonger. Le gouvernement doit cesser de s’attaquer systématiquement au pouvoir d’achat des Français, alors que, à elle seule, la prolongation de la durée des cotisations ou, mieux encore, le retour pur et simple de l’âge de 65 ans pour la fin de l’activité suffiraient à rétablir l’équilibre des régimes, surtout si cette piste est assortie de l’abolition de quelques privilèges féodaux. Pour le moment, l’égalité en France, c’est verser une prébende à celui qui n’a travaillé que 37 ans et demi et taxer à tout-va un ancien cadre qui faisait 50 à 60 heures par semaine.

RICHARD LISCIA

 

 

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Une réponse à Retraites : potion amère

  1. lamarche- arène dit :

    Les Français n’ont qu’à s’en prendre qu’à eux-mêmes, en rejetant massivement les mesures courageuses à prendre quand il en était encore temps, ils ont préparé le breuvage amer à ingurgiter aujourd’hui et il est heureux que les socialistes, à la pointe du refus ily a quelques années, soient en première ligne pour la leur faire avaler. Tout ceci n’est que justice, mais c’est tellement regrettable, car on le savait.

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