Sarkozy voit rouge

 


Sarkozy veut en découdre
(Photo S. Toubon)

La décision du Conseil constitutionnel d’invalider les comptes de campagne de Nicolas Sarkozy en 2012 a des conséquences politiques majeures : l’ancien président a aussitôt cessé de siéger au Conseil (dont il était membre) pour retrouver sa liberté de parole et entre de facto dans une campagne politique qui va être longue.

COMME TOUT événement de ce genre et comme toute mesure judiciaire, toujours trop sévère aux yeux du condamné, trop légère aux yeux de l’accusateur, il y a à boire et à manger dans l’invalidation des comptes de M. Sarkozy. La très vive réaction de l’intéressé et de son parti font bon marché de l’indépendance de la justice et qui s’étonnerait de ce que l’UMP ait dépensé plus d’argent qu’elle n’en avait le droit ? M. Sarkozy et Jean-François Copé ne contestent d’ailleurs pas ce point : ils trouvent la sentence trop dure, qui les prive de près de 11 millions de recettes pour un dépassement de 466 000 euros, soit 2 % du total. De sorte qu’ils y voient un acharnement contre l’ancien président (contraint par ailleurs de payer un demi-million de sa poche) et même un « complot » auquel participeraient le pouvoir, le PS et les juges, avec lesquels M. Sarkozy a des rapports très tendus depuis son élection et, surtout, depuis qu’ils lui cherchent noise à propos de diverses affaires. Éternels donneurs de leçons, les socialistes se sont hâtés, toutes vertus arborées en sautoir, de rappeler la droite à un peu plus de respect pour le troisième pouvoir, censé, il est vrai, être indépendant.

Précédents malheureux.


Il n’en reste pas moins que, en dehors de quelques candidats mineurs à la présidence, comme M. Cheminade et M. Mégret, le Conseil ne s’est jamais attaqué aux campagnes des grands partis auxquels il a parfois donné une absolution quelque peu hâtive. On n’oublie pas que Roland Dumas a déclaré, non sans cynisme, un jour à la télévision, qu’il avait fermé les yeux sur les comptes de campagne d’Édouard Balladur, alors que lui-même présidait le Conseil. Propos d’une franchise surprenante, qui ont d’ailleurs été confirmés en 2011 par l’un des membres du Conseil, le Pr Jacques Robert. Il a rapporté des déclarations de M. Dumas, lequel aurait dit : « Nous ne sommes pas là pour flanquer la pagaille » et aurait exigé que le Conseil redresse les comptes pour les faire entrer dans les limites prévues par la loi. C’était très immoral de sa part, mais quelque peu réaliste : que se passerait-il aujourd’hui si M. Sarkozy avait été réélu ? Que, soudainement, le Conseil constitutionnel s’achète une conduite, on ne peut que s’en féliciter, pour autant qu’il n’y ait pas été incité parce que, justement, il n’était pas obligé de réclamer des élections générales anticipées. Mais la seule idée que la majestueuse institution n’a pas toujours été blanche comme neige soulève un doute quant à la rectitude de sa décision de jeudi dernier.

Victime expiatoire ?

Force est de constater que, plus le gouvernement devient impopulaire, plus on parle de Nicolas Sarkozy, lequel,  parce qu’il était membre du Conseil, n’ouvrait plus la bouche. Il n’y a pas de complot contre lui, mais nous assistons, depuis la victoire de la gauche à un redoublement du « Sarko bashing », un peu comme si l’ex-président devenait la victime expiatoire des revers essuyés par le président Hollande. Ou comme si se formait une convergence mystérieuse, autour de l’homme qui a pourtant perdu la présidentielle de 2012, des détestations que nourrit un pouvoir épouvanté par l’éventuelle résurrection de celui qui refuse d’être un has been, par des médias qui ne l’ont jamais aimé et par des juges qu’il a maltraités et qui se vengeraient en conséquence, même si cette pensée est sacrilège.
Cette conjonction des ressentiments donne des ailes à Nicolas Sarkozy. Le voilà qui peut en découdre avec ses détracteurs, en s’appuyant sur le soutien des militants de l’UMP (qui vont passer à la caisse pour combler le trou) et d’une forte partie de l’opinion publique. Le voilà, pratiquement, qui entre en campagne quelque 40 mois avant l’heure. Le voilà qui va rendre coup pour coup, dans un contexte où la crédibilité économique et sociale du pouvoir est chancelante. Il ne nous semble pas que cette précipitation des événements soit propice au redressement du pays, dont les plaies sont béantes et qui n’est toujours pas guéri. Nous avons moins besoin de politicailleries que d’une bonne gestion économique et sociale. Enfin, s’il est vrai que M. Sarkozy reste la star de ses partisans éblouis, il existe aussi contre lui, dans une large fraction de l’opinion qui regroupe toutes les gauches confondues et pas mal de gens au centre, une haine tenace, une antipathie viscérale, un rejet profond qui empêcheront peut-être son come back.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Sarkozy voit rouge

  1. bernard decraene dit :

    La règle en démocratie, c’est le respect du consensus, pas de la majorité ! C’est-à-dire que progressivement les passe droits, les excès des dirigeants ne sont plus possibles. Roland Dumas, qui s’en est permis bien d’autres, c’était hier, c’est-à-dire le siècle dernier. Il devient nécessaire de revoir la barre à ne pas franchir et surtout de respecter sa hauteur. Les révoltes dans les pays proches sont là pour nous préciser les seuils de tolérance des peuples. Sarkozy s’énerve car il sait que son temps est fini, il a été trop loin dans son mépris de la démocratie. La droite se trouvera un nouveau meneur, l’histoire nous l’a déjà prouvé.

  2. Patrick Cadot dit :

    « Nous avons moins besoin de politicailleries que d’une bonne gestion économique et sociale ».
    Une évidence, mais sommes-nous capables de reprendre la main ? Nous nous laissons continuellement berner, ou bien la grande majorité de nos concitoyens sont aveugles. Il y a toujours autant de moutons parmi nous, moi compris probablement.
    Alors nous devons mériter le mépris de toute cette caste, malhonnête sans s’en rendre compte en définitive car leurs règles ne sont pas celles que l’on nous oppose (voir toutes les dernières affaires).
    Ils vivent grâce à nous et à notre…laine.
    Allez, bonne journée de la part d’un toubib de campagne qui travaille encore un samedi matin.

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