Syrie : la sanction

Obama s’est résigné à intervenir
(Photo AFP)

Ce n’est pas de gaieté de coeur que les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne, avec le soutien de la Turquie et de l’Arabie saoudite, s’apprêtent à bombarder des cibles militaires en Syrie. Le souvenir des guerres passées au Proche-Orient, leurs conséquences catastrophiques, la complexité du chaos syrien, le risque de déclencher en Russie ou en Iran des réflexes agressifs, les limites d’une intervention militaire sous la forme probable de bombardements navals ou aériens ne les encourageaient guère à sauter le pas. Mais l’absence de toute réaction aurait privé les Occidentaux en général, et les États-Unis en particulier, de toute influence dans la région.

BARACK OBAMA a enfin décidé de lever l’obstacle principal à l’engagement américain : l’absence de preuves documentées d’attaques chimiques commises par l’armée syrienne loyaliste. Il ne fait pas de doute que des armes chimiques ont été utilisées, qu’elles ont fait des centaines de victimes, mais Bachar El-Assad continue à affirmer que ces armes ont été employées par les insurgés. Washington a décidé que Damas se livrait, comme d’habitude, à une manoeuvre dilatoire. La fameuse « ligne rouge » a donc été franchie, et il n’était pas difficile alors de renvoyer le président américain à de précédentes déclarations, dans lesquelles il avait pris l’engagement d’intervenir militairement en cas d’usage de gaz de combat par le pouvoir syrien.

Devoir d’ingérence ou conquête ?

L’autre obstacle, c’était le veto russe et chinois, qui a rendu impossible la légalisation de l’intervention. Les précédents d’engagements militaires non avalisés par le Conseil de sécurité de l’ONU sont cependant nombreux. George W. Bush a envahi l’Irak en 2003 sans mandat onusien. Auparavant, Bill Clinton avait fait bombarder Belgrade pendant plus de deux mois sans y être autorisé par la communauté internationale. La frontière entre le devoir d’ingérence et la conquête pure et simple n’est pas forcément claire et visible. Il sera en outre très difficile de contrôler les tensions supplémentaires que des bombardements de la Syrie apporteront au chaudron proche-oriental, déjà en proie aux violences de l’après-printemps arabe. Une recrudescence du terrorisme n’est pas à exclure.

Les États-Unis et leurs alliés n’avaient pourtant pas le choix. Le veto russe a fini par donner à Moscou une force d’inertie dans le conflit syrien qui devenait disproportionnée et ridiculisait l’Amérique et l’Europe. La perspective de la victoire pure et simple  du dictateur le plus couvert de sang de ces dernières années paraissait anachronique alors que les insurgés de Tunisie, de Libye, d’Égypte ont fini par avoir gain de cause, même si leur révolution reste inachevée pour le moment. L’ONU paralysée par Moscou a perdu tout crédit en tant qu’organisme international capable de faire respecter les droits de l’homme un peu partout dans le monde. Le peuple syrien ne devait pas payer le prix des mésaventures qui ont laissé un goût de cendre aux Américains. Barack Obama qui, dès son premier mandat, a montré sa volonté d’arracher l’Amérique à ses responsabilités coûteuses et excessives au Proche-Orient, est contraint de replonger dans son incessant chaos, au détriment de ses propres ambitions : tourner l’Amérique vers l’Asie en pleine croissance, prendre ses distances à l’égard d’une Europe pas encore unifiée, s’écarter une fois pour toutes des incendies jamais maîtrisés de monde arabo-musulman.

Il n’est pas question, bien sûr, d’envoyer des troupes en Syrie, ni de pilonner Damas jusqu’à ce que Bachar se rende. Il s’agit de rétribuer comme il se doit un pouvoir criminel qui n’a jamais voulu négocier et que chacun de ses revers conduit à redoubler de violence.  Dans sa folie meurtrière, le dictateur est chaque jour plus dangereux. Il sera tenté d’entraîner dans sa chute le maximum d’innocents et de faire payer ses adversaires de quelque manière. Il faudra énormément de prudence et de doigté à Obama, Hollande, Cameron et leurs alliés pour sanctionner Damas sans transformer le conflit syrien en guerre régionale.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Syrie : la sanction

  1. Massier dit :

    Je retiens votre dernière phrase: »Il faudra énormément de doigté pour éviter une guerre régionale ».. Moi, j’irai jusqu’à dire guerre mondiale.
    Enfin, je ne vois pas de meilleure solution que d’appeler chaque lecteur de quelque religion que ce soit à prier.

    • A3ro dit :

      La seule possibilité de guerre mondiale serait une escalade entre la Russie et les Etats-Unis. Or la Russie ne va pas risquer de se faire botter le derrière (et je reste poli) pour garder une malheureuse base sur la Méditerranée et un allié plus gênant qu’autre chose.

      • A3ro dit :

        Guerre froide, ce n’est pas arrivé. Quand à une guerre régionale… Celà voudrait dire Israël, Turquie, monarchies du golfe, et Occidentaux d’un côté, Syrie et Iran de l’autre. Le Liban entre deux feux, l’Égypte, l’Irak et la Jordanie hésitants. Cela ne finira pas bien pour l’Iran. Le seul moyen de pression qu’ils ont, c’est le détroit d’Ormuz : le fermer revient à couper les vannes du pétrole mondial. Ce ne serait pas une bonne nouvelle, mais ils faudrait un mois au maximum aux marines occidentales pour le dégager.

        Les seuls qui ont du souci à se faire, ce sont les civils de la région, en Syrie, au Liban. Mais à part dans le scénario d’une guerre civile générale et désorganisée, les forces aériennes et navales occidentales ont de quoi les protéger d’exactions lourdes.

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