L’ordre mou

L’orchestration des dissonances
(Photo AFP)

La querelle profonde, idéologique, apparemment irréductible entre Cécile Duflot et Manuel Valls à propos des Roms avait incité la majorité à lancer une forme d’appel étouffé à François Hollande pour qu’il départage le ministre de l’Intérieur et la ministre du Logement. C’est pourquoi le conseil des ministres de ce matin a été suivi avec attention. Le chef de l’État s’est bien gardé de prendre une mesure disciplinaire.

LE MINISTRE délégué à l’Agroalimentaire, Guillaume Garot, été le premier à commenter la réunion du gouvernement : « Cela a été clair, a-t-il dit, cela a été net, cela a été un président parfaitement dans son rôle (…) La vie d’un gouvernement, c’est de l’unité, de la solidarité et de la responsabilité ». Autrement dit, le président n’a désavoué ni Mme Duflot, qui avait accusé M. Valls d’avoir franchi les limites du pacte républicain, ni le ministre de l’Intérieur, qui avait déclaré que les Roms n’ont pas vocation à s’intégrer dans la société française et que le commentaire de sa collègue était « insupportable ».

M. Hollande n’est pas vraiment obligé de participer à la dramatisation de la séquence ouverte par ses deux ministres, car ils n’ont jamais fait que prononcer des mots, certes brutaux, mais suivis d’aucun acte. Il est néanmoins tenu de définir, tôt ou tard, sa politique d’immigration, laquelle ne peut être conduite par M. Valls qu’avec l’aval de l’exécutif.

Un feu vert à Valls ?

Sur ce point, dès lors que la ministre du Logement n’a pas obtenu le limogeage du ministre de l’Intérieur et qu’elle même n’est pas chargée de l’immigration, le président de la République semble avoir donné une sorte de feu vert à M. Valls. Il constate néanmoins que la prise de position du ministre a entraîné un concert de critiques chez tous ceux qui, comme Mme Duflot, dénoncent le sort réservé aux Roms dans notre pays, les évacuations, qui privent les enfants de toute éducation, et l’insuffisance des moyens nécessaires à leur sédentarisation. Bien entendu, le problème ne se pose qu’à ceux qui veulent intégrer les Roms, pas ceux qui envisagent sans état d’âme leur expulsion. En conséquence, l’appel à l’unité et à la solidarité lancé par le président Hollande tombe dans l’oreille de deux sourds. Un gouvernement n’est pas uni et solidaire parce que le président lui donne l’ordre de l’être, mais parce qu’il réunit des ministres que rien ne sépare. Quand la porte-parole Najet Vallaud-Belkacem affirme « qu’une polémique comme celle de ces derniers jours ne pourra plus se reproduire », on se demande si elle prend les journalistes pour des naïfs.

L’affaire des Roms montre donc l’ambiguïté de la gestion des affaires par M. Hollande. Il aime bien que Mme Duflot insiste sur le pacte républicain ; il aime aussi que, chaque jour, M. Valls démontre que les socialistes au pouvoir en ont fini avec l’ingénuité et la candeur qui ont entraîné la défaite de Lionel Jospin en 2002. Cela est vrai de tout ce qu’il entreprend, notamment dans le vaste champ des réformes. Il laisse Pierre Moscovici parler du « ras-le-bol » fiscal, fait courir le bruit d’une « pause » dans la hausse des impôts, mais décide exactement le contraire avec le budget de 2014. Il est l’ennemi de la finance, puis l’ami des patrons, augmente les impôts des entreprises avant de leur offrir le CICE, instrument de réduction de la pression fiscale. Son Premier ministre affirme un jour que cette pression épargnera 90 % des foyers, alors que chaque foyer se sent accablé. Il annonce une réforme historique des retraites, il se contente d’augmenter les cotisations. Et ainsi de suite, la liste est longue.

Voilà pourquoi la cacophonie gouvernementale provient moins des caractères des ministres ou de leurs différences politiques que de l’orchestration de ces différences par le chef de l’État. Il donne son onction à tous ses ministres, radicaux ou modérés, sociaux-démocrates ou gauchistes. C’est sa manière à lui de séduire les divers courants idéologiques qui traversent l’opinion publique ; mais comme chacun sait, les conséquences qui résultent de sa méthode sont négatives pour sa popularité.

RICHARD LISCIA 

 

 

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2 réponses à L’ordre mou

  1. phban dit :

    Le tandem François Hollande-Jean-Marc Ayrault me fait de plus en plus songer à l’alliance d’un aveugle et d’un sourd, pourquoi pas ? mais dans laquelle l’aveugle s’occuperait de guider la progression et le sourd de communiquer avec l’extérieur.

  2. Chambouleyron dit :

    Monsieur le président François Hollande est un grand artiste. Il n’a pas besoin de popularité pour exercer son mandat. La fausseté du candidat s’est transformée en machiavélisme indispensable lorsqu’on est au pouvoir.Vous aurez encore de quoi écrire pendant 4 ans.Vous verrez !

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