Le piège fiscal

Le délitement du pouvoir
(Photo AFP)

L’annonce de nouveaux impôts sur les produits d’épargne et de l’éco-taxe était en soi catastrophique : elle accablait des millions de foyers modestes qui, par les temps qui courent, ont plus que jamais besoin de se constituer un pécule pour des jours qui s’annoncent tempêtueux. Le retrait partiel de ces mêmes impôts est encore plus grave : il souligne l’amateurisme d’un exécutif qui semble progresser par ballons d’essai et n’adopte des mesures que si elles sont acceptées par l’électorat.

LA DÉROUTE du gouvernement est accompagnée par des commentaires ridicules : Harlem Désir préfère un pouvoir qui change d’avis à un pouvoir qui s’obstine. Personne, dans la majorité ne semble s’être posé la question de la faisabilité d’une hausse de la pression fiscale, alors que la cote d’alerte a été dépassée, que l’incertitude créée par un constant changement des règles du jeu rend impossible toute prévision raisonnable de l’avenir, que le gouvernement ne semble pas avoir compris qu’il doit maintenant lutter contre les déficits publics en diminuant les dépenses et non en augmentant encore les impôts. Pierre Laurent, du PCF, rappelle que le candidat Hollande avait promis une réforme de la fiscalité et que cet engagement n’a pas été tenu. Le secrétaire général du mouvement communiste pense évidemment à des impôts encore plus lourds sur les profits des entreprises et les revenus des ménages aisés. Mais la révolte n’aurait pas pris cette ampleur si des millions de foyers modestes n’étaient pas concernés.

Contenter tout le monde, donc personne.

On ne voit pas François Hollande se lancer, dans un contexte de délitement du pouvoir, dans une réforme de cette importance, lui qui, il y a peu, s’est contenté d’une réforme des retraites a minima, alors que la seule prolongation des carrières à 65 ans (c’eût été le statut quo ante) aurait permis des économies substantielles (des milliards d’euros) sur le coût des pensions. En réalité, le chef de l’État s’efforce de contenter tout le monde, les entrepreneurs, qui créent des emplois, les salariés, les retraités, la gauche de la gauche, les écologistes qui seraient nettement plus à l’aise dans l’opposition, ce qui le conduit, en toute circonstance, à rechercher le dénominateur commun le plus bas. Son dessein est tellement transparent, son manque de courage politique tellement évident, sa méthode tellement peu adaptée à la fonction qu’il occupe,  qu’il réussit, en définitive, à s’aliéner tout le monde.

Mais le destin des gens qui nous gouvernent n’est pas du tout la priorité. L’important, c’est le redressement économique et social du pays. On n’en prend pas le chemin. Dans le désarroi national, le rêve idéologique et la réalité sont entrés en collision. Des forces politiques, aux deux extrêmes, continuent à nous bercer de leurs chants oniriques. À la débâcle politique, il y aurait un remède et ce serait la table rase, un ordre économique et social nouveau qui serait instauré sans la moindre prise en compte du contexte européen et mondial. M. Hollande ne croit guère ces pythies. Il essaie seulement de leur donner des calmants. Elles psalmodient quand même.

Les éléments de la défaite.

Le bilan est consternant : il souligne l’ambiguïté du programme sur lequel le candidat a gagné l’élection présidentielle ; il dévoile son isolement actuel ; il montre la fragilité de ses décisions ; il contient les éléments structurels de la défaite, car les hausses d’impôt résultent d’une insuffisance des recettes fiscales, laquelle suggère d’autres hausses.  C’est un peu comme si le chef de l’État négligeait une autoroute et lui préférait une départementale pleine d’ornières et de virages dangereux. La France, pressée de prendre le plus court chemin, perd un temps précieux.

Une réforme ? Non, un moratoire fiscal assorti d’un effort sans précédent de réduction des dépenses. Ceux qui préconisent une dissolution et des élections anticipées ne défendent pas l’intérêt du pays. M. Hollande fait déjà trop de politique, il pense trop à améliorer sa cote de popularité. Un choc institutionnel ne ferait que retarder les mesures dont nous avons besoin.

RICHARD LISCIA 

 

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4 réponses à Le piège fiscal

  1. jolivet dit :

    Je suis encore une fois d’accord avec M. Liscia.
    Rappelons nous : Raymond Barre avait dit, en son temps: « À force de vouloir faire payer les riches, tout le monde sera pauvre et les pauvres encore plus pauvres ». Le pouvoir actuel, s’il veut durer, devrait intégrer cette phrase.

  2. Herodote dit :

    « Un moratoire fiscal assorti d’un effort sans précédent de réduction des dépenses. » Qui peut encore douter de cette absolue nécessité ? Quelles dépenses ? La réduction du train de vie de l’État en priorité. Une équipe de ministres double de celle de l’Allemagne pour des résultats aussi médiocres est un insupportable défi au bon sens. Le « gouvernement » est aujourd’hui contesté. Faute de soins, le malade ne passera pas les rendez-vous électoraux. On s’en remettra pour lui mais le réveil sera plus douloureux pour nous tous.

  3. A3ro dit :

    Le problème, c’est que les fonctionnaires d’Etat et territoriaux sont une force électorale bien trop grande (à peu près 2 millions chaque) et sensible pour que le gouvernement ose y toucher, surtout vu le courage évident dont il a fait preuve jusqu’à présent. Quant à réduire les aides sociales, c’est pareil. Aller expliquer aux malades, chômeurs et retraités que ce sont les marchés qui paient et qu’il faudra les rembourser, il n’auront toujours pas envie qu’on touche à leurs prestations, c’est humain.

    Du coup, l’impôt est la solution de facilité. Mais ses recettes sont régulièrement moins importantes que prévu, ce qui oblige à en créer d’autres et à ralentir l’activité économique. Un cercle vicieux qui ne peut être brisé que par des vraies réformes d’autant plus douloureuses qu’elles sont indéfiniment retardées.

    Je ne paie pas (encore) d’impôts, mais l’idée que l’État me prendra une sacrée partie de mes revenus parce qu’il n’ose pas se réformer me donne des envies d’exil fiscal précoce. C’est cela que Depardieu aurait dÛ dire : j’en ai marre de donner du fric qui sera de toute façon mal employé.

  4. Chambouleyron dit :

    Dans cette chronique, Richard Liscia a tout juste mais cela n’a aucune conséquence sur le cours des choses. Ses appréciations sur la manière d’être du Président François Hollande auraient eu un autre impact lorsqu’on était en période électorale et qu’il encensait le dit, alors candidat. Nous devrions tous avoir un peu plus de mémoire à terme et nous souvenir que nous avons élu le président pour cinq ans. Mangeons notre chapeau! La démocratie directe de quartiers et de blogs, l’hyper-prolifération des intérêts catégoriels et particuliers nous font complètement oublier le bien commun du haut en bas de la fameuse échelle sociale… et « libre soit cette infortune »

    Réponse : je mets M. Chambouleyron au défi de prouver que j’ai « encensé » le candidat Hollande. J’ai seulement prévu sa victoire, ce qui me semble confirmé.

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