Écotaxe et Écomouv’

Un portail en danger
(Photo AFP)

L’épisode de l’écotaxe constitue le marqueur d’une politique fiscale mal pensée, mal engagée et aux effets sociaux dévastateurs. Si l’écotaxe n’avait pas puissamment contribué à un désordre qui se répand en France et menace l’équilibre même du gouvernement, elle prêterait à sourire. Avec un art qui appartient exclusivement à la classe politique française, la majorité et l’opposition se déchirent maintenant sur leurs responsabilités respectives dans cette affaire. Ce qui augmente un peu plus encore la distance qui les sépare des préoccupations des Français.

LE GOUVERNEMENT semble avoir découvert, mais un peu tard, que la « suspension » de l’écotaxe allait lui coûter très cher parce que le gouvernement précédent, celui de François Fillon, avait conclu un marché avec une société italienne, Écomouv’, chargée de percevoir la taxe et de construire à cet effet les portails permettant son recouvrement. Les portails sont détruits un à un par les manifestants bretons et le mouvement risque de s’étendre au reste du pays : des inconnus en ont démoli un dans les Landes. De sorte que, dans les faits, la suspension de l’écotaxe risque de se transformer en abolition.

Je vote pour, mais je suis contre.

Le Premier ministre ne dit pas ce qu’il va faire, sauver les portails ou les abandonner à leur sort, parce que cela reviendrait à révéler ses intentions réelles au sujet de l’écotaxe, dont on dit parfois que c’est un bon impôt mais qu’il est tombé mal à propos. Mais la majorité tente de détourner la colère populaire vers l’opposition en tirant à boulets rouges sur le contrat avec Écomouv’ qui, effectivement, est léonin, puisqu’il accorde 20 % de la recette fiscale à la société et un dédit de 800 millions en cas de non-application de l’écotaxe. C’est sans doute que la droite y croyait dur comme fer, elle qui a pris de tels engagements, comme si les services fiscaux n’étaient pas capables de recouvrer l’impôt (Dieu sait qu’ils s’y entendent !).  Ce qui ne l’empêche pas, aujourd’hui, de jeter la pierre au gouvernement sous le curieux prétexte qu’il a osé appliquer une loi que l’ancienne majorité avait votée des deux mains.

Le ministre de l’Économie, Pierre Moscovici, entend réviser le contrat avec Écomouv’, ce qui, en effet, paraît urgent. Mais il réserve ses flèches les plus acérées à la droite. Laquelle n’est pas gênée pour dénoncer le contrat qu’elle avait conclu . Ce qui nous vaut un autre conflit entre Jean-François Copé, hostile au contrat, et Nathalie Kosciusko-Morizet, qui, elle, défend encore l’écotaxe, estime que l’accord avec Écomouv’ est « régulier et transparent » et rappelle que la Ville de Paris a signé un accord du même genre avec la même société. Façon de renvoyer dans les cordes son adversaire aux municipales, Anne Hidalgo.

Comment nous sommes gouvernés.

En définitive, l’écotaxe a créé de nouveaux clivages. Elle disparaît au moment où elle devait être appliquée avec une logistique coûteuse ; confronté à des émeutes en Bretagne, le pouvoir tente d’en faire porter la responsabilité à l’opposition ; à gauche et à droite, il y a ceux qui estiment que c’est une bonne taxe et ceux qui pensent le contraire. Nous, de loin, nous nous disons ceci : 1) Le gouvernement Fillon n’aurait jamais dû signer un tel contrat avec Écomouv’. 2) L’écotaxe est un impôt correct qui a seulement l’inconvénient d’arriver après une trombe d’impôts de toutes sortes. 3) Que ni à droite ni à gauche, on ne veut d’une « jacquerie » durable en Bretagne (ou, qui sait ? ailleurs) et que l’écotaxe est bel et bien condamnée pour des raisons qui ont tout à voir avec la politique et rien avec le fisc. 4) Que c’est de cette manière absurde, incompétente et affreusement coûteuse que la France est gouvernée.

RICHARD LISCIA 

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2 réponses à Écotaxe et Écomouv’

  1. A3ro dit :

    Je ne suis pas aussi tranché sur le contrat avec Ecomouv’. D’accord, il est assez moyen qu’une entreprise collecte l’impôt pour un Etat, mais dans la mesure ou l’administration n’a pas les compétences immédiates pour le faire, pourquoi pas, ça s’est déja vu. Par contre, il a été signé dans des conditions qui n’ont pas l’air particulièrement avantageuses pour l’Etat. Mais la aussi, ça s’est déja vu : rien que dans l’industrie de la défense, des entreprises privées comme DCNS tirent avantage du manque de bons juristes dans l’administration.

    La France est gérée, d’une façon minable parce que l’Etat veut intervenir sur tout, se croit légitime à tout promettre et tout faire, et le fait croire aux gens. Du coup, ses responsables élus suscitent spontanément des mécontents dès que quelque chose ne va pas, ce qui les force à agir ou reculer pour des questions électorales, rarement pertinentes.

    Le pays se comporterait nettement mieux s’ils se concentraient sur les questions régaliennes et les mécanismes de protection sociale. En un mot, intervenir lorsque la société ou l’économie n’évoluent pas globalement de façon satisfaisante. Mais à vouloir agir sur tout, dans la tradition jacobine, on finit par faire les chose mal (vous avez dit Sarkozy ?) ou ne plus rien faire du tout (tiens, ca me rappelle Hollande, ça).

  2. MOURAUX dit :

    L’enfer est pavé de bonnes intentions. Si l’écotaxe a rassemblé une telle unanimité lors de son élaboration, c’est qu’elle correspondait à un paradis de la bonne conscience.
    Mais, comme en médecine, ce qui est bon un jour risque d’être nocif un autre jour.
    En l’occurrence, la candeur angélique des signataires du contrat Ecoumouv s’appuyait sur un consensus avant que la vague d’impôts nouveaux ne survienne. Une taxe doit s’intégrer dans un schéma politique d’ensemble. Il est curieux de constater que ceux-là mêmes qui sont sensibles au non cumul des mandats ont oublié le non cumul des chèques fiscaux. Aujourd’hui, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Pas de bol !

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