Taubira : le pouvoir à la rescousse

Taubira isolée ?
(Photo AFP)

À deux reprises, dans les colonnes du « Quotidien » et dans ce blog, j’ai commenté les attaques racistes dont Christiane Taubira, ministre de la Justice, a fait l’objet récemment. Il me paraissait élémentaire de la défendre parce que l’orientation politique d’un personnage ne devrait jamais entraîner des remarques sur son apparence, son caractère ou ses origines. Mme Taubira se serait plainte de n’avoir pas trouvé de réponse chez ses amis aux expressions racistes particulièrement abjectes qui ont été déversées sur elle. On a donc assisté, quelque trois semaines après les faits, à une campagne en sa faveur.

LA PRESSE DE GAUCHE, essentiellement « Libération » et « le Monde », ont publié des textes nourris qui s’élevaient, comme il se doit, contre les comparaisons entre la garde des sceaux et un animal. L’Assemblée nationale, sauf la droite, lui a rendu hommage et elle l’a remerciée. La voilà donc vengée, non pas par un blog réservé aux médecins mais par des instances d’influence nationale. On peut toutefois se demander pourquoi le gouvernement n’a pas réagi quand une ancienne candidate du FN aux élections municipales l’a traitée de sauvage et a confirmé son aversion pour la ministre dans des propos insupportables ; ou quand une fillette, lors d’une manifestation contre le mariage homosexuel, criait : « C’est pour qui, la banane ? Pour la guenon ». Capable de se livrer, en public, à des attaques dévastatrices contre ses adversaires, Mme Taubira elle-même n’avait pas paru extrêmement offensée, ce qui est tout à son honneur : elle ravalait ainsi le racisme à un tel degré de bêtise qu’il en deviendrait insignifiant.

Un peu de solidarité.

Elle n’en avait pas moins besoin d’un peu de solidarité. Il a fallu qu’elle aille la chercher. La lecture du « Monde » est à cet égard édifiante. Des socialistes ont reconnu que le gouvernement préférait étouffer l’affaire pour l’unique raison que, à quelques mois des élections municipales, il ne fallait surtout pas contribuer au renforcement du Front national. J’en déduis donc que la majorité veut perdre le moins de voix possible chez les racistes de tout bord. Autrement dit, le pouvoir veut réaliser un si grand écart qu’il risque l’écartèlement : prendre des voix  d’où qu’elles viennent, de Mélenchon à Marine Le Pen et même chez ces électeurs qui, sans se livrer à d’aussi horribles provocations, ne souhaitent pas que l’on fasse la leçon à ceux qui les profèrent. Il en va de même de l’opposition qui a refusé d’applaudir Mme Taubira après son discours de remerciements à l’Assemblée, comme s’il était impossible de la combattre sur son programme et, simultanément, de respecter sa personne.

Double constat.

Ce qui me conduit à ce double constat : il faut que la droite classique soit bien malade pour ne pas prendre la défense d’un pur produit de notre république sous le prétexte qu’elle est à gauche, ce qui la disqualifierait ; et il faut que la gauche elle-même soit en fâcheuse posture pour qu’elle en arrive à mettre dans sa poche toutes ces belles vertus qu’en temps normal elle porte en bandoulière et n’hésite plus, pour de minables raisons électorales, à balayer la poussière sous le tapis. La gauche se complaît à dire, habituellement, qu’aucune autre idéologie ne la concurrence vraiment dans l’exaltation des « valeurs » républicaines. François Hollande a pratiquement axé toute sa campagne électorale sur le thème d’un Sarkozy ridicule qui courait après le Front dans le vain espoir de lui grappiller des voix. Voilà que, aujourd’hui, si on comprend bien, les socialistes font exactement ce pour quoi ils se moquaient de la droite en 2012.

J’ai regardé quelques débats télévisés où les meilleurs analystes nous expliquaient que, s’il y a des racistes en France, la France n’est pas raciste. S’ils sont si peu nombreux, pourquoi fait-on, dans les deux camps, comme si leur vote était décisif ?

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Taubira : le pouvoir à la rescousse

  1. DANIEL dit :

    Est-ce que les vertueux députés de gauche se sont levés pour la défense de Nadine Morano, injuriée publiquement par un « humoriste » qui dit ne rien regretter?

  2. Jeffery dit :

    Bravo ! vous dites avec un peu d humeur et beuaocup de talent qu il faut du courage. Et d autant plus qu avec l ensemble des leviers en main, le PS serait historiquement coupable de continuer e0 louvoyer ainsi. Les mains sales ? et alors ! au travail et du courage

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