De l’usage d’une réforme

Mosco fait de la résistance
(Photo AFP)

La réforme fiscale décidée par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault est, d’abord et avant tout, un acte politique. Le chef du gouvernement affirme qu’il ira au bout de la réforme et, dès ce matin, il a engagé une concertation avec les syndicats. Il n’empêche qu’il s’est servi de ce projet pour empêcher son départ et pour convaincre le chef de l’État qu’il était capable de donner un coup d’arrêt au mécontentement social.

LA RUSE du Premier ministre est décelable dans ce dont il ne parle pas, par exemple sa décision de licencier deux hauts fonctionnaires du ministère de l’Économie, dont Ramon Fernandez, directeur du Trésor, nommé par Nicolas Sarkozy. L’intention de M. Ayrault est de remettre de l’ordre dans un énorme paquebot gouvernemental qui compte sept ministres aux caractères bien trempés et qui s’entendent rarement. Pierre Moscovici, théoriquement grand patron de Bercy, ne semble pas avoir exercé sur cette volière une autorité efficace. Il suffit de voir que, en toute occasion, Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, fait ce qu’il entend, ne rend jamais compte à M. Moscovici, et rarement au chef du gouvernement, avec lequel il a eu parfois des relations particulièrement tendues, notamment à propos d’une nationalisation de Florange qu’il a annoncée mais qui n’a jamais eu lieu.

Moscovici riposte. 

M. Moscovici s’est affiché avec Ramon Fernandez pour exprimer sa solidarité avec un collaborateur loyal qui a servi le gouvernement actuel comme le précédent. Après 17 mois de docilité et d’imperméabilité aux mauvaises manières, le ministre de l’Économie, humilié, tente de riposter. Il croit si peu en sa propre étoile qu’il est prêt à quitter le gouvernement pour devenir membre de la Commission européenne, dont la composition sera renouvelée après les élections européennes de 2014. Encore un projet difficile à réaliser car Ségolène Royal briguerait le poste.

M. Ayrault se défend néanmoins de ne songer qu’à restaurer sa propre autorité. Il affirme qu’il va refondre le système fiscal et qu’il le fera à prélèvements constants. Il n’est pas sincère. La recette sera la même mais les diminutions d’impôts consentis aux classes les moins favorisées seront payées par les classes moyenne et supérieure. La fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG est un casse-tête qui terrifie nos meilleurs spécialistes. L’idée de prélever l’impôt sur le revenu (IR) à la source ne peut être appliquée que si le contribuable ne paie pas l’IR dû au titre de l’année précédente, ce qui est impensable, ou qu’il paie deux fois au cours de la même année, ce qui est encore plus impensable.

De la TVA à l’IR restructuré.

Nous soulignons ces difficultés tangibles parce que le Premier ministre a fait de son idée de réforme fiscale l’alpha et l’oméga de sa survie politique. Il est indiscutable que, dans un premier temps, il a écarté le danger de son limogeage. Mais, quand il entrera dans le vif du sujet, avec les résistances somme toutes bien naturelles que la réforme va faire naître, il risque d’accroître le mécontentement populaire au lieu de le réduire. Son problème ne réside pas dans la perception des impôts, mais dans le matraquage fiscal massif auquel il s’est livré, alors même que M. Moscovici, très maladroit dans cette affaire, a cru bon, au mois d’août dernier, de parler de ras-le-bol fiscal, comme si le gouvernement était prêt à geler les prélèvements obligatoires.

Peut-être M. Ayrault pense-t-il que son ministre de l’Économie a déclenché la jacquerie bretonne et les divers mouvements anti-impôts des professions, depuis les artisans jusqu’à l’équitation en passant par les restaurateurs. Mais ce n’était pas une bonne idée de modifier la structure de la TVA à la faveur d’une hausse globale, qui aurait dû être la même pour toutes les catégories professionnelles. C’en sera une encore moins bonne de changer les taux de fiscalisation des ménages selon leurs revenus tout en disant hypocritement que l’IR n’augmente pas.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à De l’usage d’une réforme

  1. A3ro dit :

    Deux problèmes :
    – avec les impôts et prélèvements à leur niveau actuel, il y a très peu de marge de manoeuvre pour tenter une réforme qui ferait forcément des heureux et des moins heureux
    – augmenter la redistributivité n’est clairement pas souhaitable pour les finances publiques, et ce pour une raison simple et cynique : les impôts sur les pauvres rapporteront toujours nettement plus que les impôts sur les riches, beaucoup moins nombreux. Ou bien il faut confisquer à 100 % la part des revenus au dessus du SMIC.

    On retrouve aussi un argument bien absurde dans le débat sur le prélèvement à la source : Bercy n’aime pas car ça rendrait inutiles les fonctionnaires chargés d’encaisser les chèques, qui pourraient protester. Donc on continue d’employer et de payer des gens avec de l’argent public à faire un travail en partie inutile. Et on s’étonne de ne pas arriver à faire de réformes.

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