Le chômage sonne l’exécutif

Moscovici, exégète de la courbe
(Photo AFP)

Le gouvernement n’avait pas besoin des statistiques de février sur le chômage. Révélées hier, elles indiquent une hausse de 31500 du nombre de demandeurs d’emplois. Tous les secteurs sont touchés, jeunes, seniors, intérimaires. Du coup, l’espoir d’un sursaut de la gauche au second tour des municipales disparaît. Face à l’irrémédiable, le président de la République annonce en conseil des ministres un remaniement dont il ne sait pas encore s’il inclut le remplacement de son Premier ministre.

LE COMMENTAIRE d’un chiffre accablant n’est facile pour personne, mais, en l’occurrence, nos ministres feraient mieux de se taire. Le ministre de l’Économie, Pierre Moscovici, s’est lancé dans une exégèse talmudique en vertu de laquelle l’inversion de la courbe aurait été suivie par une inversion contraire mais qui serait temporaire. Le ministre du Travail, Michel Sapin, tente de tenir bon sur le front de la sémantique. On comprend que les membres du gouvernement ne peuvent pas s’auto-accuser. Mais ils devraient refuser les interviews.

Hollande hésite encore.

François Hollande ne cache même plus son jeu ; et si des incertitudes demeurent sur ce qu’il va être obligé de faire dès le début de la semaine prochaine, c’est parce que, fidèle à lui-même, il hésite encore. Une baisse de la fiscalité pour les classes moyennes est déjà prévue à l’horizon 2015. C’est loin pour tous ceux qui ne peuvent pas joindre les deux bouts. Quant au remaniement, M. Hollande est sensible à l’argumentaire de Jean-Marc Ayrault qui fait valoir qu’il risque d’y avoir un autre désastre électoral pour la gauche lors des européennes et que le président ne peut pas changer de Premier ministre tous les trois mois.

À l’incertitude du chef de l’État sur ce point capital s’en ajoute une seconde : par qui remplacer M. Ayrault ? Pourtant le choix de l’homme ne devrait dépendre que du programme : si le président de la République veut satisfaire quelques revendications populaires, il faut un chef de gouvernement qui fasse marcher la planche à billets. Si, au contraire, il veut comprimer la dépense publique et poser les bases solides d’une relance industrielle, il faut un homme ou une femme qui ne soit pas aveuglément favorable à la redistribution.

2012, le péché originel.

Le bilan effroyablement négatif de deux ans de gestion entraîne l’affaiblissement de l’autorité pour tous, président, Premier ministre, ministres, l’incohérence du discours et une perte d’énergie telle qu’on se demande où ils iront chercher la force de mettre en place un plan de redressement du pays. Ce chaos, plutôt rare dans les annales, résulte de la campagne électorale de 2012, qui a balisé  la conquête du pouvoir de mensonges et d’erreurs de diagnostic. On compare la situation actuelle à celle de 1983. Mais François Mitterrand, à l’époque, a su choisir entre l’aventure, loin de l’Europe, que lui proposait Jean-Pierre Chevènement et la sage orientation que lui indiquait Jacques Delors. En d’autres termes, Mitterrand a mis fin à la casse en deux temps trois mouvements. François Hollande est-il capable d’envoyer aux pelotes les mauvais conseilleurs qui s’agitent autour de lui avec des idées qu’ils semblent brandir avec d’autant plus de vigueur qu’elles ont été laminées par la réalité des faits ?

Ce qui est terrible, dans cette conjoncture épouvantable, c’est que le plus facile à faire, c’est-à-dire l’apaisement du peuple par le recours aux placebo, est toujours plus tentant que le plus difficile, c’est-à-dire la reconstruction des fondations de notre économie qui  produira des résultats différés. Il ne nous faut pas seulement un nouveau gouvernement, resserré ou pas, pas seulement un Valls à la place d’un Ayrault, pas seulement un Hollande enfin galvanisé, autoritaire, tranchant, décidé. Il nous faut des femmes et des hommes décidés à se sacrifier sur l’autel de l’impopularité au nom du salut du pays.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Le chômage sonne l’exécutif

  1. Dr Jérôme Lefrançois dit :

    Malheureusement, nous avons découvert à nos dépens que le président Hollande est un indécis incorrigible, un forcené des tergiversations du type IVe République, et incapable de décisions autres qu’en paroles. Or nous sommes arrivés dans une phase d’urgence et de nécessité de sauvegarder l’essentiel, la survie du pays et de ses habitants.
    Pendant ce temps, les socialistes discutent du sexe des anges.
    C’est dramatique.
    M. Hollande fait de façon itérative la démonstration de son incompétence à gérer le pays, à diriger ses troupes, à mettre en route les réformes indispensables, en disant aux Français la vérité (qu’ils sont prêts à entendre, puisqu’ils la connaissent et la vivent tous les jours).
    Il n’y a plus que la classe politique (et même la droite, qui devrait faire profil bas, rester modeste, car elle a eu beaucoup d’années de pouvoir pour agir, et qu’a-t-elle fait pour réformer le pays?) pour croire aux sornettes socialistes, en choeur avec quelques syndicats complètement ringards, eux aussi!
    La solution est peut-être de fuir ce pays, quitter le bateau avant qu’il coule.

    • Herodote dit :

      Notre cher vieux pays mérite bien qu’on y reste ! Simplement, il faut des idées neuves et des hommes (femmes) nouveaux pour les appliquer sans états d’âme. A l’exemple de l’Italie peut-être. La classe politique au pouvoir est en effet dépassée.

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