Borloo va nous manquer

Un homme qui a de la classe
(Photo S. Toubon)

Atteint d’une pneumonie, puis d’une septicémie tenace, Jean-Louis Borloo a décidé de renoncer à tous ses mandats politiques, y compris à la présidence de l’UDI. Cette nouvelle n’est pas bonne, car M. Borloo a su, après une belle carrière de ministre, ressusciter le centre et en faire une force politique avec laquelle il faut compter, d’autant qu’il a su rallier à lui le MoDem et son président, François Bayrou, au sein de L’Alternative.

JEAN-LOUIS BORLOO n’est pas un centriste comme les autres. Il a engagé son mouvement carrément à droite, contrairement à François Bayrou qui, à force de louvoyer entre les deux camps, a fini par voter pour François Hollande au second tour, ce qui lui a valu une nouvelle traversée du désert de presque deux ans. M. Bayrou n’a pu conquérir la mairie de Pau que grâce à l’UMP et au soutien personnel d’Alain Juppé, de sorte que l’on a cru deviner que les deux hommes préparaient, pour la droite, une alternative à Nicolas Sarkozy. Rien de tout cela chez M. Borloo qui a créé l’UDI au lendemain de la défaite de 2012, mais sans essayer le moins du monde de se présenter prématurément comme un candidat à la présidence ou de se rapprocher de la gauche. Il est vrai que, François Hollande, alors engagé dans la réalisation de ses imprudentes promesses électorales, croyait avoir une majorité à toute épreuve.

Un bon maire de Valenciennes.

Jean-Louis Borloo est très différent des autres hommes politiques. Par son comportement quelque peu désordonné, mais d’une simplicité extrême, qui ne correspond guère aux critères actuels de la communication ; par une pensée politique qui allie l’engagement à l’humanisme ; par un centrisme qui associe les techniques de gestion économique au souci d’en faire profiter les salariés. Il a été un inoubliable maire de Valenciennes, ville où il a fait ses premières armes politiques et qu’il a tirée durablement du marasme. Il a été ministre de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy. Il a fait beaucoup plus pour l’écologie que Cécile Duflot. Il ne lâche pas un projet tant qu’il n’a pas abouti. Il est sincère sans porter son humanisme en sautoir. Il est plus à gauche que les gouvernements pour lesquels il a travaillé, plus prudent que ceux qui sont prêts à lancer le pays dans des expériences économiques et sociales dangereuses.

Presque Premier ministre.

Il n’avait pas vraiment besoin de quitter ses fonctions. Il est malade mais tout le monde dit qu’il va guérir. Il a donc sacrifié 25 ans de vie politique sur l’autel de l’éthique. Ce que n’ont fait ni Pompidou ni Mitterrand quand ils étaient pourtant à l’article de la mort. Du coup, on voudrait le retenir par un pan de sa veste, lui demander de se soigner mais de rester disponible pour la vie publique, qui a tellement besoin d’hommes de sa trempe, humains et entêtés, acharnés sans jamais oublier l’objectif de leur démarche, affectifs et actifs tout à la fois. C’est avec la même grâce que, pressenti par M. Sarkozy pour remplacer François Fillon, il a appris en dernier ressort qu’il n’y aurait pas de changement de Premier ministre. Il aurait pu en concevoir de la colère, de l’amertume et de la rage. Mais, malgré son trouble évident, il a fait preuve de la plus grande discrétion après que le cruel procédé lui fut infligé. Il n’a pas, comme d’autres ministres qui ont fait fortune en racontant les coulisses du pouvoir et en trahissant des secrets, déversé des tonnes de sarcasmes sur les deux présidents qu’ils a servis.

M. Borloo représente donc un espoir pour ceux qui, pour atténuer leur désarroi, souhaitent citer quelques exemples en faveur de la classe politique. On lui souhaite un prompt rétablissement, tout en lui rappelant que, s’il va mieux, il peut revenir à la politique, c’est-à-dire dans le sérail où l’annonce de son départ a été unanimement regrettée.

RICHARD LISCIA

 

 

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5 réponses à Borloo va nous manquer

  1. guinard dit :

    Votre article est émouvant et vous rendez un bel hommage à J-L. Borloo.

  2. Louvari dit :

    Non, il ne reviendra pas sur la scène politique ! D’abord parce qu’il l’a dit et c’est un grand homme et qu’il a donc pris conscience de la gravité de son état
    Il lui faudra un an pour récupérer et, pendant ce temps-la, personne ne peut préjuger de quoi que ce soit.
    Il faut lui dire bravo et qu’on l’aime pour tout ce qu il a fait et cet espoir niché au fond de nous que, oui, le chômage peut disparaître.
    Le maire de ma ville m’a dit récemment : « Créer des emplois n’est pas si facile ». Et créer des chômeurs, ça s’appelle comment ?
    Jean-Louis Borloo, lui, a su.
    Je suis médecin, j’ai 62 ans ; la médecine suit le mouvement du curseur : nous avons changé de siècle ! Lui, il était précurseur
    Bravo.

  3. Vous avez souvent su, M. Liscia, vous aussi vous démarquer des courants journalistiques identiques aux vols d’étourneaux ou à la nage des sardines. Tous dans le même sens et accomplissant en même temps un renversement soudain puis un autre encore.Cce qui donne souvent une impression de réflexion et de distance à vos éditoriaux. Votre salut au courage et à l’élégance de Jean-Louis Borloo me fera un peu oublier et pour une fois m’éloigner du terrible aphorisme de Chateaubriand : « Pour entrer en politique, il ne faut pas prendre de qualité,il suffit d’en perdre. »
    Merci.

  4. CARDOSO dit :

    Encore une fois, un excellent commentaire
    Clovis de Moraïs

  5. M. Borloo est un homme bien. Il représente ce centre auquel la plupart des Français aspirent, parfois sans le savoir : honnêteté, bon sens, retenue et élégance du coeur.On lui souhaite une meilleure santé, car la France a besoin d’hommes comme lui.

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