Faible espoir pour l’Ukraine

À Genève, l’Américain Kelly et l’Ukrainien Deshchytsya
(Photo AFP)

Qu’est-ce qui a bien pu amener Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, à accepter un plan de désescalade pour l’Ukraine qui comble de bonheur Américains, Européens et Ukrainiens ? La réunion, hier à Genève, des diplomates semblait vouée à l’échec. Il en est sorti un accord inespéré. Aussi bien Barack Obama, pourtant renforcé dans l’idée qu’une négociation vaut mieux qu’une guerre, s’est-il montré extrêmement vigilant et même sceptique sur les intentions de Vladimir Poutine.

LA RUSSIE s’est engagée à retirer les factions, milices et gros bras qui ont envahi les bâtiments publics des villes de l’Est de l’Ukraine sans que l’armée ukrainienne, dont quelques soldats sont passés à l’ennemi, aient pu les en déloger. Le pessimisme général n’était pas seulement alimenté par les provocations de Poutine, annexion en bonne et due forme de la Crimée, invasion de l’Est par des miliciens, humiliations infligées aux troupes restées fidèles au gouvernement de Kiev, présence de 40 000 soldats russes à la frontière de l’Ukraine, mais par l’indigence du gouvernement provisoire ukrainien. Lequel avait annoncé une mise au pas des miliciens pro-russes, appelés malencontreusement « terroristes », par les forces ukrainiennes qui, hélas, n’ont pas fait le poids face aux nervis de Poutine.

Une démarche à la syrienne. 

Tout laissait penser que l’homme du Kremlin, qui réclamait (et réclame encore) que l’Ukraine soit fédéralisée, c’est-à-dire morcelée ou dépecée, ne se contentait pas de la Crimée mais qu’il voulait ramener dans le giron russe la moitié pro-russe ou russophone du pays. Et voilà que, tout à coup, M. Lavrov se montre raisonnable. Après avoir accablé de quolibets les sanctions économiques adoptées par les États-Unis et l’Union européenne, Poutine a-t-il été effrayé par les conséquences de ces sanctions ? Sa démarche du type douche écossaise ressemble un peu à celle qu’il a accomplie en Syrie : il a soudainement brandi un plan imparable pour priver Bachar Al-Assad de ses armes chimiques, ce qui a été salué comme une contribution formidable à la paix, mais qui a aussi permis à Bachar de continuer à exterminer son peuple en toute tranquillité.  Aujourd’hui, le sentiment général est que le dictateur sanguinaire de Syrie est en train de gagner la guerre civile. Poutine pense-t-il que l’esprit de Maïdan fait long feu et que les dirigeants ukrainiens actuels, qui n’ont peut-être pas une stature politique adaptée à la gravité de la crise dans laquelle leur pays a sombré, finiront par quitter la scène politique?

L’option militaire est inexistante.

L’Union européenne et l’Amérique doivent prendre ce que Poutine leur offre. De toute évidence, malgré la brutalité russe, il n’a jamais été question de protéger l’Ukraine par les armes et de s’offrir un conflit militaire dévastateur au coeur de l’Europe. De ce point de vue, les critiques adressées au président Obama sont injustes. On lui reproche d’être « mou du genou », notamment en France, alors que personne ne souhaite se substituer aux Américains et faire le sale travail à leur place. Qui ignore encore les conséquences épouvantables d’un conflit armé qui opposerait les deux plus grandes puissances nucléaires du monde ?

Il est possible de prendre Poutine à son jeu. Il parle de désescalade ? Demandons-lui de faire reculer ses soldats postés à la frontière. Proposons-lui un statut politique pour l’Ukraine qui protège les droits des minorités plus attachées à la Russie qu’au pays où elles vivent. Rassurons-le sur l’accès de la Russie aux mers chaudes. Rappelons-lui que, quand il s’est emparé de la Crimée, rien ne menaçait la présence de la flotte russe sur la mer Noire. Car il n’y a pas de solution militaire. Et si la diplomatie apporte un progrès, il faut l’amplifier.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Faible espoir pour l’Ukraine

  1. A3ro dit :

    Personne ne veut de conflit armé, Poutine compris. C’était un jeu de poker menteur, pendant lequel il a compris qu’il avait plus à perdre qu’à gagner à imposer sa loi en Ukraine. Tout les pays de la région voient maintenant l’OTAN d’un bon oeil et encouragent ses déploiements, pour ne pas subir le même sort que l’Ukraine. La Russie a donc perdu de l’influence. A trop vouloir manier le bâton et pas assez la carotte…

    Ce plan est finalement la seule issue possible pour que les Russes limitent les dégâts et sortent de cette crise par le haut.

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