L’oracle Hollande

Méthode Coué ?
(Photo AFP)

Dès qu’il a annoncé au « Journal du dimanche » un « retournement économique », le président de la République a été bombardé de quolibets. Pourtant, la croissance repart : elle était de 0,3 % l’année dernière, elle sera de 1 % cette année, au moins 1,7 % en 2015. Cette progression ne suffira pas à faire le bonheur des Français, surtout les chômeurs. Mais cette fois M. Hollande gagnera son pari.

CE QU’ON lui reproche en réalité, c’est de continuer à faire des prédictions, alors que son « inversion de la courbe du chômage » ne s’est jamais produite. Son immense échec sur le front de l’emploi aurait dû le conduire à plus de prudence et à attendre enfin un bon résultat avant d’annoncer des lendemains qui chantent. Le président est placé dans une position particulièrement dangereuse : sa popularité ne dépasse pas les 18 % quand celle de son Premier ministre atteint 60 % ; il a subi une défaite historique aux élections municipales ; il ne peut plus compter sur sa majorité et, dorénavant, chaque vote à l’Assemblée donnera lieu à des comptages interminables et des explications infinies ; la durée trop courte du quinquennat l’empêche de procéder à une dissolution et il aura du mal à brandir le 49/3. Il se prépare à une nouvelle défaite aux élections européennes.

Pas de majorité alternative.

Il n’est donc pas impossible que M. Hollande soit assez désespéré pour appliquer la méthode Coué. Mais il est plus vraisemblable qu’il affiche son optimisme par tempérament, comme il n’a cessé de le faire pendant les deux premières années de son mandat. On critique son « déni de réalité », mais, pense-t-il, si je reconnaissais la réalité dans toute son horreur, quel message livrerais-je aux électeurs? Il participe donc, à sa manière, à la campagne électorale pour les européennes en tentant de rassurer ses concitoyens, avec l’espoir qu’il n’affaibliront pas encore davantage le parti socialiste, miné, certes, par un bon nombre de dissidents,  mais en dehors duquel la recherche d’une majorité alternative (par exemple au moyen d’un rapprochement avec le centre) est vaine.

Pas de redistribution.

Cependant, François Hollande ne peut pas s’attendre à un recul du chômage dans l’immédiat. L’idée qu’il va, après une phase de redressement, passer à une phase de distribution n’est pas seulement fausse, elle est dangereuse à cause des faux espoirs qu’elle soulève. Un plan piloté par Manuel Valls a été mis en place.  Rien ne permet de croire ou de ne pas croire qu’il va produire les résultats escomptés : il faut d’abord réaliser vraiment les économies prévues ; dans l’idéal, il serait préférable de réduire encore plus la dépense publique pendant les trois à venir de manière à accélérer le retour à l’équilibre budgétaire d’autant que la commission européenne a émis aujourd’hui des doutes quant à la capacité de la France à atteindre les 3 % de déficit en 2015. En outre, l’abaissement du coût du travail n’entraînera qu’à long terme l’amélioration de notre compétitivité industrielle et le recul du chômage. On se demande où le chef de l’État, dans un tel contexte de pénurie, pourrait trouver de l’argent à redistribuer.

L’horizon de M. Hollande, c’est 2016. On a beaucoup commenté la petite phrase qu’il a prononcée récemment et dans laquelle il déclarait qu’il ne serait pas candidat à un second mandat si le chômage ne reculait pas. Mais, le moment venu, il fera exactement comme aujourd’hui : il annoncera que tout va bien et que le succès de sa politique l’autorise à se présenter. Car, aussi peu populaire qu’il soit et qu’il risque de rester, l’opposition, à l’heure qu’il est, donne plus le spectacle de ses divisions que le sentiment d’une force unie dotée d’un leadership fort. L’irrésistible ascension du Front national gêne la droite autant que la gauche. M. Hollande est dans une position extrêmement faible, mais le jeu reste ouvert pour le moment.

RICHARD LISCIA 

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2 réponses à L’oracle Hollande

  1. A3ro dit :

    L’oracle a sa boule de cristal en mille morceaux, on dirait.
    Pendant la campagne, les prévisions de croissance de Hollande, c’était :
    -0.5 en 2012
    -2 en 2013
    -2.5 en 2014 et+
    Du grand n’importe quoi. Avec ces hypothèses, facile de tout promettre !

    Celles de Sarkozy n’était pas beaucoup mieux, je crois (0.5, 1.5, 2).
    Les seules réalistes étaient celles de Bayrou (0,0.5,1.5, c’est à dire à peu près ce qui est observé aujourd’hui).

    Les prophéties auto-réalisatrices, Hollande a déja tenté le coup au dernier 14 juillet. Si c’est tout ce qu’il lui reste, on est pas sorti du sable.

  2. Jean Lecru dit :

    Votre analyse paraît fondée mais la conclusion de tout cela est que M. Hollande n’a pas l’étoffe d un chef d’État et qu’il n est pas à sa place ; les relations entre lui et M. Valls s’apparentent plus à une cohabitation et on peut penser que leurs divergences ne feront que s’accentuer ; d’autant plus que leurs ambitions ne peuvent déboucher que sur une situation conflictuelle. Alors, qui tuera l’autre ?

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