C’est l’euro qu’il nous faut

L’euro ou la haine d’un avantage
(Photo AFP)

La campagne pour les élections européennes a fini par démarrer cette semaine et elle a donné lieu à d’intéressants débats. Néanmoins, elle aura été courte et, même si le grand public commence à lui accorder un peu d’intérêt, le taux d’abstention risque de dépasser tous les records précédents. La non-participation de l’électorat est redoutée par tous les partis, y compris les extrêmes. Exemple : le Front national, qui espère arriver en tête et se glorifier d’être devenu « le premier parti politique français », craint que l’indifférence ou l’hostilité à l’égard de la construction européenne lui coûte des voix.

ON NE SAURAIT assez insister sur la nécessité de voter. L’idée que l’Europe est inutile ou malfaisante n’enlève rien au rôle qu’elle joue désormais dans notre vie quotidienne. Ne pas choisir son député européen, c’est se tirer une balle dans le pied. L’enjeu des européennes n’est pas moins important que celui des législatives ou de la présidentielle. Il n’est pas question ici d’ignorer les multiples dérives de l’Union, qui a sans doute été élargie à un trop grand nombre d’États, qui n’a toujours pas d’exécutif indépendant, qui est tirée à hue et à dia par des intérêts divergents. La leçon qu’il faut tirer de cette déplorable situation n’est pas que l’Union doit changer de nature, mais qu’elle doit être achevée.

Démystifier le procès fait à l’euro.

Car, en réalité, elle est au milieu du gué. Elle a besoin d’un gouvernement économique fort et d’un président à la fois doté d’une vision politique et libre de la traduire dans les faits. Pour y parvenir, il faut au moins démystifier le procès qui est fait à l’Union et à l’euro. L’UE existe, et c’est déjà un miracle. Si elle disparaissait, nous serions renvoyés au Moyen Âge, avec des frontières, des taux de change, une concurrence effrénée entre les nations qui la composent, un protectionnisme suicidaire. L’Union a résisté à la crise, on ne le dit pas assez. Non seulement l’euro a cimenté la cohésion de l’UE, mais c’est une monnaie forte qui inspire plus la confiance que le dollar. Hier, sur France 2, j’ai vu un reportage qui démontrait, chiffres à l’appui, que l’euro n’a pratiquement entraîné aucune hausse des prix autre que celle qui est liée à l’inflation. Les Européens seraient masochistes s’ils se débarrassaient d’une monnaie qui leur rend, en définitive, d’immenses services.

Quant à la force de l’euro, elle ne résulte pas d’un tour de passe-passe, mais d’un pouvoir d’achat de 30 % supérieur à celui du dollar et d’une balance des comptes européenne globalement excédentaire. Elle constitue peut-être un handicap pour nos exportations, mais des pays comme l’Allemagne ou l’Autriche ont prouvé qu’ils peuvent produire un excédent commercial substantiel avec un euro fort. Lequel, par ailleurs, réduit le coût de nos importations, ce qui n’est pas négligeable alors que nous devons acheter notre énergie à l’étranger. Il ne fait pas de doute qu’un pays comme la Grèce n’aurait jamais dû adopter l’euro. Mais la France ou l’Italie ne sont pas la Grèce. Nous souffrons d’un déficit d’adaptation. L’euro exigeait de nous que nous renoncions à la dévaluation. Nous le savions et c’est pourquoi nous aurions dû, dès la mise en place de la monnaie unique, procéder à ces réformes économiques et sociales qui permettent à l’Allemagne d’avoir près de 200 milliards d’excédent commercial et la plus forte croissance du continent.

L’euro est une chance.

L’euro est donc une chance, pas une catastrophe. Ceux qui affirment le contraire sont incapables de nous présenter une politique qui garantirait l’essor de notre économie en dehors de l’euro. Ils nous jetteraient dans une aventure d’où nous ne serions pas certains de revenir. Une dévaluation compétitive nous apporterait un soulagement éphémère et superficiel. Elle réduirait d’au moins 30 % notre pouvoir d’achat et nous appauvrirait tous massivement. Elle rendrait insupportable le prix de l’énergie importée. Hors de l’euro, nous perdrions toute influence politique ou diplomatique. Démunis, nous ne pourrions pas financer notre défense et notre sécurité. Nous poursuivrions dans la voie du déclin.

Le malheur, c’est que, aujourd’hui, seuls le MoDem et l’UDI ont adopté cette ligne ferme. La droite est rongée par le doute. La gauche et les Verts mettent dans leur vin européen beaucoup d’eau idéologique. L’extrême droite et l’extrême gauche font de l’Europe et de l’euro les responsables d’une crise interminable. C’est facile, c’est démagogique, cela repose sur des mythes toujours plus attrayants que la dure confrontation aux réalités de l’époque.

RICHARD LISCIA

 

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4 réponses à C’est l’euro qu’il nous faut

  1. guinard dit :

    Beau plaidoyer en faveur de l’Europe ! Bravo M. Liscia

  2. Edrei Yves dit :

    A mon humble avis, bien que je ne sois pas hostile à l’existence même de l’euro, j’estime que nous manquons cruellement d’informations au sujet des débats et des décisions prises en haut lieu ; ce qui donne l’impression que rien ne bouge.
    Souvent à la fin des infos, je me dis que les médias nous embrouillent avec des évènements de peu d’intérêt au détriment d’informations capitales.Et c’est également valable pour ce qui se passe à l’étranger.

  3. drpb dit :

    C’est bien le problème, l’euro, quoi qu’on en pense et quoi qu’on en veuille, est dans nos vies. Le vrai problème, ce n’est pas l’euro, c’est l’euro imposé par Merkel. Cet euro néolibéral incontournable qui justifie l’imposition forcée du traité de Lisbonne, l’opacité des lieux décisionnaires, les politiques à la schlague imposées par la troïka CE-BCE-FMI, le clivage Europe du Sud-Europe du nord. Le problème, ce n’est pas la monnaie, c’est le modèle et son montage adossé sur le seul horizon -presque démocratiquement obligatoire ?- du néolibéralisme triomphant, mondialisation oblige.

  4. Dr Jérôme Lefrançois dit :

    Tout à fait d’accord.
    En résumé, l’Europe nous préserve de la guerre, c’est le plus important.
    L’administration européenne doit progressivement se nettoyer des travers de l’administration…française, c’est-à-dire d’un excès d’administration et de paperasseries.
    Et il faut aller vers une vision intelligemment fédéraliste, associant des positions aussi variées et intelligentes que celles du MoDem, de Daniel Cohn-Bendit, et quelques autres.
    Les vieux partis, ringards par leurs archaïsmes, leurs divisions, les ambitions personnelles de leurs leaders,etc…, je pense à l’UMP et au PS, ne sont plus dans la course ; comme trop souvent en France, ils ont une guerre de retard.
    Et, bien sûr, méfions-nous au maximum des véritables fauteurs de guerre que sont aussi bien le Front National que le Parti de Gauche et autres NPA. Ils surfent sur les craintes et souffrances de beaucoup de Français (très légitimes et liées à l’inefficacité totale et ancienne de l’UMP et du PS).
    Sachons hiérarchiser les priorités.
    Et votons et faisons voter pour les priorités : la paix et la prospérité dans la vieille Europe.

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