SNCF : la chienlit

La galère, bien sûr
(Photo AFP)

Hier soir, on s’attendait à une sortie de crise et à une reprise progressive du travail à la SNCF. Patatras ! Si la CFDT, puis l’UNSA semblaient prête à un accord avec le ministre des Transports, Frédéric Cuvilier, Sud-Rail et la CGT refusaient de mettre fin à la grève. Celle-ci risque donc de durer et de menacer, entre autres, les lycéens qui se présentent lundi au baccalauréat.

LE PROJET de réforme de la SNCF, qui sera discuté dès ce mois-ci à l’Assemblée, même en l’absence de tout accord avec les syndicats, n’est pas simple. Il consiste à remplacer les deux entités actuelles, le SNCF et RFF (réseau ferré de France), nées en 1997, par trois établissements publics à caractère industriel, ou Epic, avec un Epic « mère », la SNCF, et deux Epic « filles », SNCF mobilités et SNCF réseau. L’idée est de rationaliser le système ferroviaire pour faire des économies, d’ailleurs modestes (1,5 milliard d’euros par an), et de stabiliser la dette ferroviaire, qui atteint 44 milliards. La CGT réclame un cadre social unique pour que les salariés de la SNCF continuent à bénéficier de leur statut particulier, dont chacun sait qu’il est très avantageux. UNSA et Sud Rail demandent que la dette soit « reconnue comme dette publiqe », ce dont le gouvernement, déjà accablé par un fardeau de près de 2 000 milliards ne veut pas.

Le coût du voyage.

Le contenu de la réforme est compliqué et ses objectifs ne traduisent pas une folle ambition. Cependant, les syndicats ont été rassurés par le gouvernement sur le sort des cheminots. Le financement de la dette n’est pas vraiment du ressort des organisations sociales, c’est un problème qui relève de la responsabilité nationale et, dans le contexte d’endettement que nous connaissons tous, il est impossible de laisser filer des dépenses qui ne sont pas compensées par les recettes. La SNCF, à elle seule, illustre parfaitement le mal français : nous avons mis au point un réseau très performant, moderne, confortable, rapide, relativement bon marché, mais, pendant des décennies, nous ne nous sommes jamais posé la question de son coût. Sur le rail, comme ailleurs, nous vivons au-dessus de nos moyens. S’il fallait rembourser la dette de la SNCF en augmentant le prix des billets, les Français prendraient tous leur voiture.

Une réformette.

Dans ces conditions, la grève constitue-t-elle la bonne réponse à la crise de la SNCF ? Les syndicats hostiles à la réforme nous renvoient à 50 ans en arrière, quand la croissance autorisait toutes les revendications, celles-là même qui, une fois satisfaites, ont rendu prohibitive l’exploitation du réseau ferroviaire. Il suffit de comprendre que le nombre de cheminots actifs qui a diminué des deux tiers en 50 ans, ne permet pas de financer des retraites qui commencent à l’âge de  55 ans. Les syndicats prolongent donc une grève au sujet d’un endettement dont ils sont en partie responsables. Le dialogue social, sur lequel mise le gouvernement, aurait dû suffire à éviter un conflit dont les effets économiques et sociaux seront ravageurs s’il se poursuit.

On note d’ailleurs que le président de la République n’a pas plus de succès dans ses relations avec les syndicats que ses prédécesseurs. Ils le toisent avec les mêmes soupçons et lui adressent le même défi. Ce matin, François Hollande a lancé un appel à la reprise du travail. Nous sommes dans un pays où la grève est devenue un instrument de lutte totalement anachronique, mais qui demeure l’unique façon de dialoguer pour certains syndicats indifférents aux changements du monde. Si l’on examine l’affaire avec sérieux, on s’aperçoit qu’une  réforme édulcorée, peu susceptible de régler le problème ou d’assurer l’avenir de la SNCF, donne lieu à un conflit social de première grandeur. Que serait-ce si on alignait les retraites des cheminots sur le régime général ! Pourtant, ce ne serait que justice.

RICHARD LISCIA

 

 

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5 réponses à SNCF : la chienlit

  1. Dr Jérôme Lefrançois dit :

    Tout ce que vous dites est juste, et la surenchère de la CGT et du syndicat Sud est particulièrement écoeurante, surtout dans le contexte actuel et vis-à-vis des Français (dont je fais partie), usagers du train pour leur vie de tous les jours, ces Français qui subissent à divers niveaux les conséquences de la conduite de ces syndicats qui ne représentent plus qu’une caste d’ultra-privilégiés.
    Puisque, au plus haut niveau de l’État, il y a une vacance totale d’autorité et de leadership, d’intelligence de gestion, de prise de décision, de courage, va-t-il falloir que les « Français moyens », dont je fais partie, de plus en plus exaspérés, prennent les armes et décident des actions violentes contre les fauteurs de troubles comme les deux syndicats extrémistes de cheminots du jour?
    Attention, danger. Nous n’en sommes plus loin du tout : l’exaspération atteint son comble, de la part des contribuables qui sont empêchés d’aller travailler et de vivre, alors même que ce sont eux, par leurs impôts et leur contribution à la vie économique du pays, qui font vivre les syndicats (grassement subventionnés par l’État, encore une spécificité et un archaïsme bien français) et leurs affiliés et bénéficiaires.
    Entre prendre le maquis et prendre « les armes » (actions violentes), il ne reste plus grand-chose d’autre d’envisageable pour s’en sortir.

  2. Delteil christian dit :

    Et la SNCM, alors? 7 mois de congés payés, la retraite à 55 ans, sans parler des sommes astronomiques que les contribuables ont payées à fonds perdus pour soutenir cette entreprise, sans parler non plus des trafics auxquels se livrait le personnel au détriment des passagers. Qu’elle soit vite privatisée pu qu’elle ferme ses portes.

  3. geyl dit :

    Entièrement d’accord avec le Dr Jérôme Lefrançois.

  4. Dr Delahousse dit :

    La maison France a besoin d’un homme d’Etat, fort et déterminé sachant prendre des décisions parfois douloureuses pour le bien de tous, quitte à compromettre son propre avenir politique.
    Nous n’avons que faire d’un président « normal », pusillanime et incapable de trancher.
    Que dirait-on d’un chirurgien hésitant à drainer un abcès, au prix d’une douleur immédiate mais avec pour résultat un soulagement rapide, préférant temporiser et conduire à la gangrène?

  5. Dr.Edrei Yves dit :

    Certes les politiques actuels de tout bord se sentent débordés par ces nombreux problèmes devenus chroniques.
    La SNCF a parcouru un long chemin émaillé de divers progrès et à une certaine époque cela pouvait justifier l’existence des avantages acquis.
    Mais le monde a changé et pour les usagers la SNCF est devenue un lieu de privilégiés qui défendent âprement leurs privilèges.
    Et les syndicats y perdent un peu de leur efficacité et donc de leur crédibilité : eux aussi devront évoluer.
    Il y a beaucoup de progrès à faire !

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