Sarkozy dans la nasse

Toujours invulnérable ?
(Photo AFP)

Nicolas Sarkozy est en garde à vue depuis ce matin, dans l’affaire de trafic d’influence à laquelle sont également mêlés son avocat, Thierry Herzog, le magistrat Gilbert Azibert et un autre magistrat. La police le soupçonne d’avoir violé le secret de l’instruction en demandant des informations sur l’évolution de l’affaire Bettencourt à M. Azibert, qui les aurait fournies.

L’ACHARNEMENT judiciaire contre l’ancien président ne fait aucun doute. Il n’est aujourd’hui en garde à vue que parce que ses conversations téléphoniques ont été écoutées pendant plus d’un an bien qu’il ait bénéficié d’un non-lieu dans l’affaire Bettencourt. En conséquence, la polémique entre la droite et la gauche se poursuit sur ce qui inspire la justice, recherche sincère de la vérité ou volonté d’abattre un ex-président qui n’a jamais eu avec la magistrature du pays des relations affectueuses. Mais la ligne de défense adoptée par ses partisans est de plus en plus ténue. La question ne porte plus sur le harcèlement excessif dont il fait l’objet mais sur ce qui va rester des multiples investigations policières et judiciaires qui sont conduites contre lui dans le cadre d’affaires tout aussi multiples.

Le jeu du chat et de la souris.

La mise sur écoutes d’un ancien chef de l’État pendant un temps aussi long est sans doute suspecte. L’engagement à gauche de certains juges n’est plus à démontrer. Rien ne peut empêcher le public d’apercevoir un lien entre politique et justice dans tout ce qui a trait aux mésaventures de Nicolas Sarkozy. Lui-même aurait dû être plus conscient des risques qu’il courait, depuis qu’il a comparé les juges français à des « petits pois ». Il aurait dû reconnaître la vulnérabilité nouvelle à laquelle l’exposait la fin de son mandat présidentiel, redoubler de prudence, et consentir enfin à ne plus rien tenter qui ne fût parfaitement licite. Le seul fait que, craignant d’être écouté, ou averti qu’il l’était, il ait acquis un téléphone cellulaire sous un nom d’emprunt, suffit à augmenter la suspicion dont il est l’objet. Il a résisté à des attaques d’une force inouïe et risque maintenant de tomber sur des facéties, sur une sorte de jeu du chat et de la souris, dont ses partisans les plus indulgents voudraient l’absoudre, mais dont la justice fait sa meilleure arme.

L’UMP à l’agonie.

La série des déboires de l’UMP est catastrophique. Il n’est pas impossible que M. Sarkozy soit politiquement discrédité à la faveur de cette nouvelle affaire qui, lorsqu’elle fut révélée il y a quelques mois, contenait les germes d’une plus vaste infection.  Les dirigeants du parti essaient de s’extraire d’une responsabilité qui, selon eux, ne devrait reposer que sur les épaules de M. Sarkozy et de Jean-François Copé, d’autant que l’ex-président ne traversera pas indemne la crise provoquée par les dépenses inconsidérées et illicites de sa campagne électorale. Le séisme est cependant plus général et assez violent pour tout emporter dans ses secousses, les bons et les méchants. Ceux qui, à l’UMP, voient dans les mésaventures de MM. Sarkozy et Copé leur propre chance de s’emparer de la direction du parti ne sauraient sous-estimer les ravages causés à leur camp et la difficulté qu’il y aura à reconstruire, en moins de trois ans, une UMP ou une formation d’un autre nom enfin débarrassée des tares qui l’ont affaiblie au point qu’elle est mourante aujourd’hui.

RICHARD LISCIA

 

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7 réponses à Sarkozy dans la nasse

  1. Dr Ivana Fulli dit :

    Les écoutes ont été décidées dans le cadre de l’affaire Karachi par deux magistrats dont le juge René Grouman qui ne sont pas intervenus dans l’affaire Bettencourt.
    Le nombre élevé d’affaires judiciaires auxquelles Nicolas Sarkozy est mêlé fait qu’il y a de quoi se perdre même pour un journaliste de votre talent et de votre expérience. C’est sans doute par erreur que vous choisissez celle où il a fait l’objet d’un non-lieu.
    Pour éviter le risque de l’extrême-droite au pouvoir dans les années qui viennent en France, il est temps que les Français aient un peu confiance dans leur justice et que des très hauts magistrats puissent avoir été accusés de trafic d’influence devrait vous faire comprendre que l’affaire est grave et que toute la lumière est nécessaire.

  2. Dr Ivana Fulli dit :

    Il est sans doute préférable de préciser que je ne saurais croire que vous penseriez que le fait que le président Sarkozy ait obtenu un non-lieu dans l’affaire Bettencourt l’empêcherait d’être coupable, le cas échéant, de trafic d’influence s’il était établi qu’il avait bien obtenu du très haut magistrat Azibert -entretenant des espoirs d’être nommés à Monaco et souhaitant l’appui du président Sarkozy pour le recommander officieusement à des amis influents- que ce dernier intervienne auprès de ses confrères de la cassation responsables de décisions dans l’affaire Bettencourt afin soit de leur fournir des renseignement biaisés en faveur du président, soit obtenir des informations sur leurs raisonnements juridiques, etc.

    Réponse à vous deux messages.
    Merci pour votre condescendance, mais vous faites erreur. Les écoutes des conversations téléphoniques de Sarkozy (et de son avocat) ont été installées dans le cadre de l’affaire Kadhafi (et non pas dans le cadre de l’affaire Karachi). Dans ces conversations, M. Sarkozy aurait cherché à savoir s’il avait une chance de récupérer ses agendas personnels saisis par la justice dans le cadre de l’affaire Bettencourt où il a obtenu un non-lieu. La justice, plus tard, a refusé de lui rendre ses agendas. Il me semble que l’on n’est plus coupable quand on a fait l’objet d’un non-lieu, ou alors il faut avoir un curieux sens de la justice.

  3. Edrei Yves dit :

    Ce qui à mon avis semble être le plus choquant, c’est d’apprendre qu’un ancien président puisse être mis en garde à vue.
    Au cours de mon service militaire, j’appris qu’un officier n’était jamais mis en prison mais était soumis aux arrêts de rigueur.
    J’aurais souhaité qu’il existe dans le civil une mesure analogue,comme une mesure de respect pour la fonction qu’il a occupée, mais aussi vis-à-vis du pays dont il a été l’élu!
    Je vis un peu cela comme ce que j’avais ressenti quand j’ai vu les menottes de DSK.
    Autant de mesures vexatoires inutiles et dispendieuses!

  4. Edrei Yves dit :

    En l’espèce cette garde à vue me semble être inutile et vexatoire.
    Et dispendieuse de surcroit !
    Mais ne s’agit il pas d’une affaire politique ?

  5. Dr Lambert dit :

    Mme Fulli je pense que vous devriez économiser votre clavier devant un tel parti pris pour un sinistre personnage aux casseroles innombrables. Si M. Liscia pense devoir soutenir un tel individu, le silence condescendant s’impose à mon sens.

  6. A3ro dit :

    Sarkozy paye son mépris des magistrats, c’est entendu. Et pas dur de s’imaginer que la chancellerie voit tout ça d’un très bon oeil.

    Ceci dit, même si la fumée est un peu épaisse, il y a quand même du feu derrière. C’est à dire quelqu’un qui a tendance a prendre des raccourcis, à justifier les moyens (trafic d’influence, financement de campagne, etc.) par la fin, qui est en l’occurence son unique intérêt politique. Un peu comme Copé et son hold up de l’UMP, ou le directeur de campagne de Sarkozy qui triche sur les comptes avec la bienveillance de Bygmalion. L’intérêt général, ça fait longtemps qu’on le voit plus. Tout ça ne m’inspire pas, mais alors pas du tout l’envie de le voir revenir. Peu importe les performances du gouvernement.

  7. Doc Holliday dit :

    Je ne pense pas qu’un homme politique, quel que soit son bord, ait pu longtemps garder son pucelage. L’affaire DSK en son temps était destinée à déstabiliser un candidat potentiel au pronostic très favorable ; ses failles ont donc été bien exploitées. M. Sarkozy s’étant accroché de nombreuses casseroles judiciaires, cela fait beaucoup de bruit lorsqu’il se met en route, et il reçoit ainsi le prix de l’arroseur arrosé. Ces deux personnages ne sont pas vierges, on le sait. Mais de là à cet acharnement, ce harcèlement malsain, ces procédés de Moscou faisant suite aux écoutes de type Stasi ordonnées par des juges tachés de rouge indélébile et abusifs! Basta! Je ne défends pas les accusés, mais je considère les façons de faire qui me font douter de tous ces gens de robe et de pouvoir sans contrôle, juges et parties à la fois. M. Liscia est un parfait honnête homme dans ses conclusions.

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