Une infection française

Fin de carrière ?
(Photo AFP)

Nicolas Sarkozy a été remis en liberté, après une garde à vue de plus de 18 heures et après une mise en examen. Son avocat, Thierry Herzog a également été mis en examen, ainsi que le magistrat Gilbert Azibert. Contrairement à ce que l’on dit sur l’indépendance de la justice, l’égalité de tous les citoyens devant le droit et le strict respect des procédures, cette nouvelle affaire va empoisonner un peu plus la vie politique du pays et produira des effets négatifs qui ne laisseront personne indemne, ni la droite, ni la gauche, ni les juges.

TOUT CONCOURT à exonérer la police et la justice. Elles n’ont commis aucun excès de procédure. Les juges expliquent leur acharnement par la multiplicité même des affaires dans lesquelles M. Sarkozy est impliqué. Ils n’auraient pas pris le risque de mettre l’ancien président en examen s’ils ne disposaient pas d’indices solides. Ils n’ont pas à se préoccuper des conséquences de leurs poursuites, même si elles sont dévastatrices pour le principal mis en examen, pour son avocat, pour M. Azibert et, surtout, pour l’UMP. Ils ne sont pas responsables des fautes commises par un parti politique.

Contenir ses émotions.

On ne peut pas cependant ignorer que certains des juges divers auxquels M. Sarkozy a été confronté jusqu’à présent éprouvent pour lui une aversion qu’ils ont parfois manifestée dans des prises de position. Quelques-uns appartiennent au Syndicat de la Magistrature, engagé à gauche et qui a exposé son propre florilège des hommes ou femmes à abattre sur ce qu’il a délicatement appelé le « Mur des cons », un panneau recouvert des portraits des personnalités qu’il réprouve. Personne ne peut demander à un juge de renoncer à ses convictions. C’est à lui de s’assurer que ses passions ne dictent pas son comportement professionnel. Enfin, la justice ne peut pas être exercée dans une sorte de vide intersidéral, elle doit tenir compte du contexte politique et social. Elle peut aussi, si elle parvient à contenir ses propres émotions, recourir à une procédure qui n’humilie pas forcément le suspect avant qu’il soit condamné.

L’effet unique de la garde à vue infligée à l’ex-président, c’est sa disqualification politique. Il ne pourra pas être candidat s’il passe son temps à répondre à des convocations qui effaceront tout ce qu’il a à dire sur l’avenir du pays. La garde à vue et la mise en examen ont déjà abouti à ce résultat, quel que soit le degré de culpabilité de M. Sarkozy. Or il n’appartient pas à la justice d’éliminer des candidats politiques potentiels, surtout si des doutes subsistent quant à l’instruction dont ils font l’objet. Il a quand même été décidé d’écouter Nicolas Sarkozy pendant plusieurs mois, durée tout à fait exceptionnelle pour quelqu’un qui n’est pas un malfrat.  Il a été décidé d’écouter ses conversations avec son avocat, ce qui nous semble une atteinte au droit et devrait suffire à annuler la procédure. Il a été décidé de mettre son avocat en examen sous le seul prétexte qu’il a aidé son client dans ses démêlés avec la justice, ce qui est pourtant sa vocation. Auxiliaires de justice, les avocats sont très inquiets de ces pratiques dites légales mais qui apparaissent comme exorbitantes du droit. Ils craignent une dangereuse évolution de leurs rapports avec la police et les juges, pour ne pas dire une soumission de leur activité à la toute-puissance judiciaire.

Un préjudice avant l’heure.

Je ne crois pas que l’affaire de trafic d’influence se terminera par une condamnation. Je ne pense pas non plus que M. Sarkozy puisse être candidat. Parmi tous les dossiers établis au sujet de l’ancien président, le plus grave, à mon sens, est celui de Bygmalion. En supposant même que tel ou tel juge ait voulu la peau de cet éternel suspect, il n’y avait aucune raison de soumettre MM. Sarkozy, Herzog et Azibert à une procédure dont la simple publicité suffisait à leur infliger avant l’heure un lourd préjudice.  En revanche, l’opinion va se diviser à propos d’un système qui ne module pas la force de ses coups et acquiert de la sorte un pouvoir d’autant excessif qu’il ne parvient pas à confondre le suspect, comme cela a été le cas dans l’affaire Bettencourt. Il est déjà infiniment regrettable que tous les commentaires de la droite soient défavorables à la justice et que tous ceux de la gauche lui soient favorables. C’est la preuve accablante que ces affaires ne sont pas judiciaires, mais politiques.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Une infection française

  1. Nicolas Sarkozy a-t-il eu raison de soutenir la candidature de DSK au FMI ? N’était-ce point du donnant-donnant, en toute connaissance de cause ? Boomerang, semble-t-il. Certaines dames ont bien du courage, et cela leur réussit fort bien car elles montrent l’exemple.

  2. Dr. JOHNSON Raymond Messanvi Psychiatre - Psychanalyste à Lomé au TOGO dit :

    L’infection française serait le régicide. Car un acharnement judiciaire avec garde à vue, comme un vulgaire malfrat dont on craignerait l’évasion, serait appliqué à l’endroit d’un homme d’état et ses défenseurs, ne relèverai que de la politique. C’est regrettable, qu’en France, les acteurs de la justice colorent leur fonction avec leur tendance de droite ou de gauche pour amuser la galerie. La mémoire de la décapitation d’un roi demeure encore dans les esprits.

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