Sarkozy : la meilleure défense ?

Fidèle à lui-même
(Photo AFP)

Fidèle à son comportement habituel, Nicolas Sarkozy, hier soir, a riposté à sa mise en examen pour corruption active et trafic d’influence, par une attaque en règle contre les deux juges qui lui ont signifié leur décision mercredi matin à 2h30. Il ne s’est pas trop expliqué sur la complexe procédure engagée contre lui, mais il a affirmé imprudemment qu’il était victime d’un complot organisé par le pouvoir politique et la justice.

« JE N’AI RIEN À ME REPROCHER », a déclaré l’ancien président en regardant ses interlocuteurs de TF1 et d’Europe 1 droit dans les yeux, oubliant que Jérôme Cahuzac, en son temps, avait fait le même serment et préparé ainsi sa propre déchéance. Comme argumentation, c’est un peu mince. Qu’ensuite, il ait réaffirmé qu’il ne renonçait à rien, c’est-à-dire à sa candidature à un second mandat présidentiel, était le moins que l’on pût attendre de lui. Comment il franchira les innombrables obstacles judiciaires et politiques qui seront érigés sur sa route est une autre affaire.

Riposter sur le plan judiciaire.

M. Sarkozy n’a pas fait autre chose, hier, qu’essayer de rassurer son électorat potentiel sur sa détermination et sa probité. Il n’avait pas besoin de s’en prendre aux deux juges, même s’il a d’excellentes de raisons de penser qu’elles sont partiales. L’une des deux au moins a milité publiquement contre lui. Comme le dit Nathalie Kosciusko-Morizet, elle aurait dû d’emblée « se déporter », c’est-à-dire se récuser. Mais justement, le problème, pour M. Sarkozy, c’est qu’il inspire autant d’aversion chez ceux qui le combattent que d’enthousiasme chez ceux qui le soutiennent. Il aurait donc dû donner de lui-même, et en dépit de circonstances particulièrement dramatiques, une image plus apaisée. Rien ne lui interdit en effet d’apporter aux décisions de justice qui l’accablent une contradiction juridique : il peut, par exemple, demander l’annulation d’une procédure (des écoutes téléphoniques qui ont violé le secret du colloque entre un avocat et son client) ou même un dépaysement de son dossier dans une région où les passions seraient moins intenses et les juges moins engagés politiquement.

La justice elle-même doit s’alarmer des conséquences de cet affrontement violent entre un justiciable et ses juges. La présidente du tribunal de grande instance de Paris, Chantal Arens, a réaffirmé ce matin, dans un communiqué, que « l’indépendance juridictionnelle des juges est une condition essentielle de la démocratie ». Or, si le parquet ouvre l’information judiciaire, c’est le président du tribunal qui choisit les juges. Il n’est pas difficile de s’assurer de l’impartialité d’un juge. M. Sarkozy aurait été privé de quelques-uns de ses arguments s’il n’avait été interpellé aux aurores et déféré devant les juges à 2h30 du matin, comme un bandit de grand chemin. La procédure n’est pas en cause,  la méthode l’est. Cela ne signifie pas non plus qu’il y aurait nécessairement une collusion entre le gouvernement et la justice. Un tel complot, de toute façon, serait bien plus difficile à prouver que la culpabilité de M. Sarkozy dans l’affaire de corruption.

Trois tâches.

M. Sarkozy a apporté, sur l’affaire Pygmalion, une version qui, si elle était confirmée par les enquêteurs, l’exonèrerait complètement. Selon lui, il n’ y a pas eu double facturation pour payer sa campagne de 2012, il y a eu tout simplement des fausses factures et l’agence Pygmalion aurait donc commis une escroquerie à grande échelle. Il a dit de nouveau qu’au terme de chaque instruction il serait blanchi, comme cela a été le cas avec les affaires Karachi et Bettencourt. Il a en tout cas devant lui trois tâches immenses à accomplir : slalomer sans cesse entre les affaires tout en gardant suffisamment de crédit auprès de son électorat ; éliminer ses concurrents au sein de son propre parti et reconquérir l’UMP; préparer un programme de gouvernement crédible et à la mesure de la crise dont souffre le pays. On peut craindre que chacun de ces grands travaux absorbera toute son énergie au détriment des deux autres.

RICHARD LISCIA

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4 réponses à Sarkozy : la meilleure défense ?

  1. MARBOUTIN dit :

    Une simple réaction de contribuable.
    L’ensemble de toute la procédure lancée à l’encontre de Nicolas Sarkozy nous coûte combien?
    Nombre impressionnant de juges, magistrats et autres fonctionnaires mis à l’écoute de ce qu’il a dit ou aurait pu dire…Aie, Bygmalion,ça a coûté trop cher, c’est sur. Mais ça aussi, ça nous coûte beaucoup trop cher, et à nous tous (contribuables).
    Ce d’autant que l’on se dit que « trafic d’influence » et président de la République, c’est presque un pléonasme. Les enjeux de pouvoir et à tous les niveaux. Alors, le « plus haut personnage de l’État »…
    La plupart des journalistes n’avaient qu’un seul credo en 2012 : « il faut virer Sarkozy ». Trafic d’influence ?
    Et les magistrats ? Beaucoup d’histoires restent gravées dans nos mémoires, en particulier des nôtres, humbles médecins, celle du Dr Gubler.
    L’heure est venue de demander aux journalistes du travail d’investigation et non du commentaire d’opinion !
    De plus en plus de gens ont un ressenti de mauvaise ambiance dans notre pays, c’est malsain (foi de médecin) et en plus on la paye très cher.

  2. JMB dit :

    Plus de 577 000 gardés à vue en 2008, plus de 900 000 en 2009 en comptant ceux des délits routiers, à la suite de l’intauration d’une prime de résultats exceptionnels instaurée en 2004 par le ministre de l’Intérieur de l’époque. Mais un seul a pu, dans l’immédiateté, donner son point de vue, ab irato, sur sa mise en garde à vue dans un journal télévisé du soir. Désormais, chaque personne dans la même situation devrait pouvoir donner le sien dans un journal télévisé. Cela les meublera.
    Durant le dernier quinquennat, les magistrats ont été, à l’occasion de faits divers exceptionnels, désignés à la vindicte populaire pour cause de laxisme. « Des petits pois » ayant « la même couleur, le même gabarit et la même absence de saveur ». Ainsi les reproches qui leur sont faits aujourd’hui prendraient quelque sel si l’on oubliait qu’ils sont laxistes pour autrui (par exemple Villepin classé dans l’ensemble des coupables avant d’être jugé) et tracassier pour soi-même. Le monde est simple, binaire, comme dans l’air du temps.

  3. JMB dit :

    Dans un téléfilm diffusé cette saison, le personnage principal, une avocate interprétée par Josiane Balasko, est aidée d’un associé et d’un stagiaire. Vers la fin du téléfilm, elle divulgue au stagiaire l’homosexualité de son associé. Quand celui-ci l’interroge sur la raison ce coming out, elle déclare: « Il faut qu’il sache qu’un avocat dit parfois la vérité ! ». Parfois, tout est dit.

  4. JMB dit :

    Après la mise en garde à vue de l’ancien président de la République, des journaux italiens ont fait la comparaison avec leur propre Berlusconi, qui a fait de la persécution par les juges l’alpha et l’oméga de sa politique. La comparaison est incomplète.
    Car il y a la même énergie, le même volontarisme, les mêmes manières délicates, le même langage châtié, le même souci de l’indépendance des députés et des magistrats que chez Poutine. Certes, en Russie, on ne mettrait pas en garde à vue un ancien président de la République. S’il y a lieu, le juge se déplacerait à son domicile et ferait coïncider conversation (interrogatoire) et disponibilités de son emploi du temps.
    L’élection de François Hollande a brisé la comparaison.
    En France comme en Russie, le président de la République ne peut effectuer plus de deux mandats consécutifs. En 2017, un président de la République française réélu en 2012 pouvait demander, dans son parti, à un émule de Medvedev, de se faire élire président de la République et devenir ensuite Premier ministre. Le “premier collaborateur” serait redevenu effectivement celui qui “détermine et conduit la politique de la nation”.

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