Une gifle au racisme

Arrogance, mépris et haine
(Photo AFP)

Ex-tête de liste du FN aux municipales, à Rethel (Ardennes), Anne-Sophie Leclère a été condamnée, pour racisme, par un tribunal de Cayenne à neuf mois de prison ferme, cinq ans d’inéligibilité et 50 000 euros d’amende. Le Front national est condamné solidairement à 30 000 euros. Sur son site, Mme Leclère avait comparé la ministre de la Justice, Christiane Taubira, à un singe. Elle avait été exclue du FN le 3 décembre dernier.

BIEN ENTENDU, les condamnés estiment que la peine décidée par le tribunal de Cayenne, qui avait été saisi de la plainte d’un mouvement politique guyanais auquel Mme Taubira appartient, est « grotesquement (sic) disproportionnée », comme l’a affirmé Florian Philippot, numéro 2 du Front, qui estime en outre qu’en droit français une personne morale ne peut pas être condamnée dans une affaire de liberté d’expression. Il n’empêche que la disproportion est plutôt du côté des racistes qui se livrent tous les jours à des provocations de plus en plus scandaleuses. De sorte que les associations antiracistes  trouvent, pour leur part, que le tribunal guyanais, qui a appliqué des peines supérieures à celles requises par le parquet, s’est contenté de donner un coup d’arrêt à une dérive dont les conséquences sont graves : elle met diverses communautés sur la défensive, elle empoisonne le climat des relations sociales en France, elles freinent ou annulent les efforts d’intégration.

Ce qui est scandaleux.

Mme Leclère et le FN vont faire appel du jugement qui pourrait donc être révisé dans le sens d’une moins grande sévérité. Ce qui pose une question non pas subsidiaire, mais importante, quant à l’arsenal législatif dont la justice française dispose pour réprimer le racisme : le président de la Licra, Alain Jacubowicz, pense en effet que « ce qui est scandaleux, c’est l’habitude qu’ont prise un certain nombre de juridictions de prendre des décisions de justice qui ne sont pas à la hauteur du trouble à l’ordre social ». Car ce qui vaut pour le racisme anti-Noir vaut aussi pour les actes antisémites, lesquels ne cessent de se multiplier et sont parfois commis, hélas, par des minorités elles-mêmes en butte à l’intolérance. Dimanche dernier, une manifestation pro-palestinienne s’est transformée en attaque contre une synagogue parisienne. M. Jacubowicz rappelle les amendes répétitives infligées à Dieudonné, que celui-ci porte « comme une décoration ».

Mettre le holà à des comportements indécents.

Dans l’opinion, d’aucuns feront remarquer que Mme Taubira s’est livrée à un tour de passe-passe en laissant une association guyanaise porter plainte contre le FN et donc en donnant au procès toutes les chances d’aboutir à une peine sévère. Mais il serait trop facile d’ignorer l’agression inouïe dont elle a fait l’objet. Elle a donc eu raison de se donner toutes les armes possibles pour riposter à l’arrogance, au mépris, à la haine et à l’insondable ignorance de Mme Leclère.  On peut certes affirmer qu’une répression brutale du racisme n’améliorera pas les relations entre les communautés ;  que le mal est dans la crise économique et sociale, dans la crispation des Français face aux minorités, dans l’échec de la politique d’intégration. Il est logique d’observer avec lucidité les racines du fléau. Mais, en attendant qu’elles soient extirpées, ce qui prendra énormément de temps, il est bon de mettre le holà à des comportements indécents qui jettent des groupes contre d’autres groupes.

Et cela est valable pour tout le monde en France, notamment pour ceux qui, souffrant de la discrimination, croient qu’ils peuvent se soigner en la pratiquant à leur tour, ou projettent leurs passions communautaires dans le contexte sociologique français. N’importe qui a le droit d’être pro-palestinien. Personne n’a le droit de rendre les Français juifs responsables de ce qui se passe au Proche-Orient, d’autant que le fanatisme masochiste du Hamas ne mérite peut-être pas toute la sollicitude que les manifestants de dimanche ont cru bon de lui accorder. Soutenir les uns sans haïr les autres, est-ce possible ? Apparemment, non. Mais, dans ce cas, il faut que la loi s’applique dans toute sa sévérité.

RICHARD LISCIA

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4 réponses à Une gifle au racisme

  1. A3ro dit :

    Au vu des faits, de la prison ferme est peut-être un poil disproportionné dans l’absolu, mais pour un responsable public, c’est finalement normal – et ça aura au moins valeur d’exemple. Cela fait trop longtemps qu’on se contente de traiter ces actes avec une simple mise au pilori médiatique, ce dont les auteurs se gargarisent en prétendant lutter contre la « pensée unique ». Le racisme met en danger la société, il est juste qu’il soit puni, point barre.

  2. Richard HANLET dit :

    « Agression inouïe » ! Allons M. Liscia, redescendez sur terre… Mme Taubira semble s’en être bien remise. Vous savez comme tout le monde que pour qu’un primo délinquant soit condamné à 9 mois ferme dans notre pays, il faut en général qu’il ait commis des violences volontaires physiques sévères, ayant entraîné des semaines d’arrêt de travail pour sa victime. En fait cette magistrature guyanaise en uniforme soviétique nous rend un grand service : elle achève de ruiner le peu de crédit dont la justice française bénéficiait encore chez les plus indulgents ou les plus aveugles.

  3. Dr Delahousse dit :

    Une condamnation pour une (mauvaise) blague de potache plus lourde que pour un homicide par imprudence sur la voie publique, c’est quand même cher payé.
    Mais au moins cela a le mérite de détourner pour un temps l’attention de l’opinion sur les vrais problèmes du pays…
    Et si nos dirigeants prenaient des décisions aussi sévères pour lutter contre le chômage, la baisse du pouvoir d’achat, voire la précarité, les privilèges de toutes sortes dans une économie drastiquement à la dérive?
    Chiche!
    Après tout on peut rêver…

  4. Dr;Pirame Yves dit :

    Pour moi, chers confrères, je vois surtout une raclée inouïe à l’égalité de traitement que tout citoyen est en droit d’attendre d’une juridiction de notre pays.

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