Mistral, ou le crève-coeur

Un contrat de 1,2 milliard
(Photo AFP)

Le gouvernement a décidé de « suspendre » la livraison de deux navires de guerre Mistral à la Russie. Il se laisse donc la possibilité de les vendre un jour si Vladimir Poutine revient à de meilleurs sentiments au sujet de l’Ukraine. Mais sa décision, saluée par les Américains et par nos partenaires de l’OTAN, pose de très gros problèmes financiers et risque de priver d’emplois des centaines de salariés de la société STX.

FRANÇOIS HOLLANDE a beaucoup hésité avant de renoncer à livrer les Mistral à Moscou. La France risque de devoir payer un milliard d’euros d’indemnités à la Russie. Quatre cents marins russes sont en France pour se former à l’usage du navire, dont le premier exemplaire est en voie d’achèvement. Pour une fois, le pouvoir aurait raison de rappeler qu’il n’est pas responsable d’un contrat de ventes d’armes signé en 2011 par Nicolas Sarkozy. L’ex-président, animé par le désir de sauvegarder les chantiers navals français, a pris un risque considérable : il y a trois ans, Vladimir Poutine n’était pas plus recommandable qu’il ne l’est aujourd’hui. D’autant que le contrat est un cauchemar. S’il est honoré, il aura sauvé des emplois. Mais s’il est dénoncé, la parole de la France en matière de ventes d’armements cessera d’être crédible. Il existe d’autres projets, notamment la vente de plus d’une centaine de « Rafale » à l’Inde, qui pourraient bien être remis en question.

Une contradiction insupportable.

Les partisans de la livraisons sont nombreux. On les trouve au Front national comme dans les syndicats. De sorte que M. Hollande, dont le geste a été applaudi par l’OTAN, peut s’attendre à de nouvelles attaques contre lui, au moment précis où il ne sait plus comment échapper aux critiques qui pleuvent de toutes parts sur sa politique. Néanmoins, il n’avait pas le choix : quelles qu’aient été les pressions atlantistes dont elle a fait l’objet, la France ne pouvait pas s’enferrer dans la contradiction et dénoncer les menées de M. Poutine en Ukraine tout en lui livrant des navires dont le monde entier vante l’efficacité tactique. Le chef de l’État espère sans doute que le conflit russo-ukrainien s’apaise, ce qui lui permettrait, ultérieurement, de livrer les deux Mistral. La décision de suspendre la livraison accroît le poids des sanctions prises contre la Russie et peut contribuer au début de détente que l’on constate depuis hier : M. Poutine a annoncé un accord de cessez-le-feu, probablement parce que l’économie russe est gravement menacée par la chute du rouble et l’évasion de capitaux.

La faute à pas de chance.

Malheureusement, un mauvais contrat ne peut pas être amélioré en fonction des circonstances : les ventes d’armements à l’étranger sont utiles à l’emploi en France et à la balance de notre commerce extérieur ; elles posent la question de l’acheteur qui peut, selon la conjoncture géopolitique, devenir un adversaire. À ce jour, la Russie ne présente aucune des garanties qui feraient d’elle un bon client. M. Poutine ne cache pas ses visées expansionnistes, ni son mépris pour le dialogue et la démocratie, ni des ambitions qui font bon marché de la volonté des peuples de l’ancien bloc soviétique qu’il voudrait de nouveau asservir. La vente d’armes à Poutine n’est pas une option sérieuse et Nicolas Sarkozy aurait dû s’en souvenir. Que M. Hollande doive gérer ce dossier explosif, c’est vraiment la faute à pas de chance.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Mistral, ou le crève-coeur

  1. Galex dit :

    Eh oui, la faute à pas de chance. C’est la faute de l’autre.
    Il faut dire aussi que depuis 2012 François Hollande en cherche, des pas de chance.

  2. A3ro dit :

    Personnellement, et bien que je regrette que la décision ait été prise si tard, je suis quand même heureux que l’on suspende cette vente.
    Peu importent les contrats, les emplois : c’est sûr que ce n’est pas terrible de les perdre, mais je préfère ça à ce que des navires fabriqués par la France servent un jour à une invasion de l’Ukraine ou autre chose du même genre. A vrai dire, en tant que contribuable, ça ne me dérangerait pas que l’Etat aide les ouvriers de STX si ça peut nous éviter l’humiliation de voir nos bateaux faire des choses auquelles la France s’oppose. Sans même parler des dégâts humains, politiques, économiques, etc, qu’une invasion de l’Ukraine ou autre laisserait dans ce pays.

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