Tout est relatif


Mauvaise cause
(Photo AFP)

Dans la description un peu apocalyptique que font les médias de la crise de confiance qui règne en France, il y a une part d’exagération liée à divers facteurs, notamment la frénésie des superlatifs censés rendre plus attrayante la lecture des événements. Et surtout l’absence de comparaison entre l’état de la France et l’état de divers pays plongés dans des guerres civiles qui font des milliers de morts dans des conditions atroces, ou d’autres, confrontés, même en Europe, à des difficultés économiques et sociales pires que les nôtres ou à des épidémies, comme celle d’Ebola.

LA COLÈRE de l’opinion française tient d’ailleurs moins à l’absence de croissance et à la montée du chômage qu’aux erreurs de gouvernance que multiplient nos dirigeants. Ils n’ont pas su, jusqu’à présent, affronter les problèmes avec assez de détermination, confrontés qu’ils sont à des frondes et dissidences qui minent la majorité et la réduisent comme peau de chagrin. Cependant le président Hollande et ses ministres doivent combattre non seulement les remèdes illusoires que propose la gauche de la gauche et qui, loin de nous guérir, nous achèveraient, mais aussi l’inversion généralisée des valeurs à laquelle nous assistons chez nos concitoyens.

Ceux qui ne croient pas que la liberté autorise toutes les outrances, en particulier la résurgence du racisme et, surtout, d’un antisémitisme abject, parce qu’il veut à tout prix transformer en bourreaux les victimes de naguère, assistent médusés à des déviances incompréhensibles. Par exemple, le recrutement sur Internet de djihadistes parmi des jeunes gens ou jeunes filles de notre pays qui s’en vont combattre en Syrie au nom d’un idéal pervers qui prône la violence, le crime et la décapitation des « ennemis ».

Quelques principes de base.

Et ce n’est pas tout. La moitié des analyses publiées au sujet du conflit ukrainien défendent le point de vue de la Russie, nation puissante et sur-armée qui souffrirait néanmoins d’une sensation d’encerclement par les pays de l’OTAN et d’une paranoïa avancée, qui aurait des droits historiques sur les pays que l’URSS dominait il y a peu, qui nous propose en outre un modèle, différent de la démocratie, mais, selon ces experts, plus efficace. On a bien envie de leur rappeler quelques principes de base, comme le droit des peuples à l’autodétermination, comme la volonté majoritaire du peuple ukrainien de ne pas rester dans le giron russe, comme la transparence d’un gouvernement ukrainien par rapport au régime russe, champion de la propagande mensongère, de la manipulation, du coup de force militaire, de la résolution des problèmes par le bombardement massif des populations qui osent envisager un autre destin que celui que leur propose le satrape de Moscou.

Je veux bien que nos sociétés occidentales soient corrompues, éminemment blâmables pour leur individualisme et leur besoin effréné de consommation, pour la corruption qui y règne, pour l’affaiblissement de tous leurs gouvernants sans exception, pour leur désarroi face à la crise. Mais, avec une constance remarquable, elles veillent à introduire un minimum d’éthique dans leurs décisions. Je me permets de rappeler que l’Union européenne a été construite pour empêcher toute guerre civile entre Européens. M. Poutine, qui se moque de la morale occidentale, qu’il attribue à des états d’âme de dirigeants efféminés (ça commence par la virilité et ça finit par les chars), bouscule avec allégresse les objections que les Européens osent exprimer.

Le temps des sauvages.

Il en va de même pour le djihadisme, qui compte des milliers d’adeptes sur Internet et qui a trouvé dans la décapitation de journalistes innocents l’instrument efficace d’une justice dite religieuse mais qui renvoie l’humanité à ses plus obscurs débuts. Comment peut-il y avoir autant de personnes favorables à une forme de reconquête du monde qui s’identifie à l’absolutisme fanatique le plus cruel et le plus injuste ? Moi, je voudrais qu’on appelle les choses par leur nom, par exemple la barbarie, la sauvagerie, l’ivresse de la haine, la multiplication des atrocités, l’épaisseur du mal qui détruit tant de vies, torture tant de corps, exile tant de familles, plonge dans l’obscurantisme tant de sociétés. Même dans la violence des interventions qui ont eu la peau de Kadhafi ou fait reculer l’État islamique en Irak, il y avait quand même un message de tolérance pour la diversité humaine : anti-Kadhafistes de Cyrénaïque, chrétiens arabes ou yazidis, tous méritaient d’être défendus contre la menace d’annihilation. Voilà pourquoi il y a des forces qu’il vaut mieux combattre qu’essayer de comprendre, qu’il s’agisse des petits calculs cyniques du petit tzar de Russie ou de ces abrutis couverts de sang qui font de l’Irak et de la Syrie un champ de ruines et de cendres.

RICHARD LISCIA 

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3 réponses à Tout est relatif

  1. bondil pierre dit :

    Merci pour ce commentaire humaniste et de bon sens. Toutes les bonnes volontés doivent rappeler l’importance des valeurs et de l’éthique, domaines où l’Europe n’a pas à rougir, loin de là, par rapport aux autres parties du monde.

  2. Pierre Jean Carré dit :

    Cher éditorialiste libre et indépendant, merci encore de susciter la recherche du bonheur des hommes qui en sont responsables pour eux comme pour leur proche et prochain. Qu’ont-ils fait de cette quête et pourquoi espèrent-ils encore ne l’avoir que des autres plutôt que de se nourrir de le donner aux autres ?
    Addictés au plaisir de la consommation et ignorants que la douleur mène, elle seule, au bonheur… des autres.

  3. Robert SAINT-JACQUES dit :

    Il est tout aussi dramatique que problématique que, depuis la nuit des temps, les douleurs et les problèmes des autres soient, au fond, ceux que l’on tolère le mieux…
    Il est tout aussi dramatique que répugnant que, depuis bien longtemps, la sensiblerie tende à être confondue avec la sensibilité…
    Il est tout aussi dramatique que nauséabond que, depuis longtemps, d’aucuns se servent des fragilités et des peurs pour transformer des malheureux voire des victimes en bourreaux…
    Il est tout aussi dramatique que récurrent que, dès que le stade du clan est dépassé, nos possibilités à analyser et à relativiser les choses se délitent…
    Il est heureux que l’UE ait été fondée et il est capital qu’elle perdure, se développe et se fédère. Les pères de l’UE avaient énormément souffert et c’est de cette souffrance qu’est née leur détermination; puissent leurs fils s’en souvenir et continuer leur œuvre, à l’heure où le réveil, symptomatique, de nationalismes et autres crises identitaires confortent un malaise qui, à défaut d’être pris en compte, analysé et traité puis prévenu, pourrait lui être fatale.
    Il est, à l’identique, tout aussi nécessaire que l’esprit fondateur de l’ONU soit ravivé pour qu’enfin, le monde dispose d’une structure bienveillante et capable, par la force si besoin, d’assurer la paix.

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