Moscovici : fan ou arbitre

« Mosco » doit oublier sa nationalité
(Photo AFP)

Pierre Moscovici a été nommé commissaire européen à l’économie, ce qui fait de lui le contrôleur numéro un, à la commission de Bruxelles, des engagements français en matière de déficit, de dette, d’inflation et de commerce extérieur. Son rôle consiste à s’assurer que les pays membres de l’Union, donc la France, respectent les critères de Maastricht. Les Allemands et d’autres sont dubitatifs.

L’ANCIEN ministre français de l’Économie dans le gouvernement Ayrault n’a pas, en effet, brillé par son énergie, sa sévérité ou son inventivité dans la réduction des déficits et de la dette de la France. Il s’insurge contre tout soupçon de partialité en faveur de son pays, alors que François Hollande a tout fait pour le faire nommer, contre l’avis de quelques gouvernements qui estiment que Pierre Moscovici représente plus le laxisme que la rigueur. « J’appliquerai les règles », affirme le nouveau commissaire qui devra pourtant, s’il s’en tient à cet engagement, affronter le gouvernement de Manuel Valls, lequel vient d’annoncer que, en définitive, aucun des objectifs de réduction du déficit budgétaire français ne sera tenu d’ici à 2017.

Recours épuisés.

Or la France a épuisé tous les recours, tous les aménagements possibles du contrat moral qu’elle avait signé avec l’Union (et qui fut rédigé notamment pas ses soins), tous les délais qui lui ont été accordés. Elle est le pays qui a fait le moins d’efforts pour réduire ses dépenses, celui dont la part des prélèvements obligatoires dans le produit intérieur brut est la plus élevée en Europe (57 %), celui dont l’endettement public est proche de 100 % du PIB. Rien ne permet donc à M. Moscovici, dans ses nouvelles fonctions, d’avoir la moindre indulgence pour le gouvernement de son pays d’origine. La tension est si vive entre Paris et Bruxelles que Michel Sapin, ministre de l’Économie, a été contraint de dire que les 21 milliards d’économies sur la dépense publique en 2015 auxquels il avait renoncé il y a quelques jours seraient réalisés.

Mais on ne sait pas bien comment cet exploit sera accompli. M. Sapin accuse la déflation, qui freine la consommation intérieure et réduit en conséquence les recettes fiscales. Mais la diminution de la dépense publique n’a rien à voir avec le niveau des impôts. Il est temps, pour les Français, de renoncer à quelques projets publics, notamment au niveau des collectivités locales, dont les dépenses et la fiscalité augmentent pendant que l’État, lui, s’efforce péniblement de les réduire.  La situation est d’autant plus dramatique que les classes pauvre et moyenne ploient sous les impôts qu’elles n’arrivent plus à payer, que les retraites ont été gelées et que l’État envisage de couper dans les prestations maladie. Le pire de nos paradoxes, c’est que jamais nous n’avons autant dépensé pour le social et que jamais les bénéficiaires des indemnités sociales de toutes sortes n’ont été aussi mécontents. C’est bien la preuve d’un gaspillage et de la nécessité d’une réforme de l’État, toujours pas commencée.

Grands équilibres.

Sans faire le procès de M. Moscovici, qui a tout le loisir de démontrer ses qualités et sa sincérité, personne n’ignore que les postes importants ont été répartis en fonction de l’influence de chaque pays. Le Premier ministre polonais, Donald Tusk,  a été nommé président de l’Europe en remplacement de Herman Von Rompuy, ce qui permet de penser que Vladimir Poutine trouvera à Bruxelles un interlocuteur décidé à lui tenir tête, même si la nouvelle « ministre des Affaires étrangères », Federica Mogherini, imposée par Rome, n’a pas l’expérience requise et serait plutôt pro-russe. Jean-Claude Juncker, président luxembourgeois de la commission, n’a pas le profil d’un grand réformateur. La commission continue à résulter du poids de chaque nation au sein de l’Union, ce qui risque de réduire son indépendance. On veut seulement espérer que ses membres, en ces temps terribles, seront capables de se dépasser aux-mêmes.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à Moscovici : fan ou arbitre

  1. A3ro dit :

    A force de prendre les Européens pour des imbéciles, parce qu’aucun de nos politiques n’est capable d’expliquer ses réformes ou d’affronter l’impopularité, on passe pour des idiots sans gêne et on va peut-être bien finir par tirer l’Europe vers le bas. C’est dans ces moments-là qu’on n’est pas particulièrement fier d’être français. Peu importent les interventions militaires ou autres.

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