Un peuple sans courage

Une autre politique ?
(Photo S. Toubon)

Que dit l’affaire des « frondeurs » sinon que la France ne consent à aucun sacrifice pour sortir de l’ornière ? La popularité de « solutions » dites alternatives à la crise économique et sociale montre surtout un attachement viscéral à des coutumes et pratiques qui nous ont pourtant conduits dans le mur. Le débat, en France, n’oppose pas la politique de l’offre à celle de la demande, il porte sur la dénomination socialiste que Manuel Valls ne mériterait plus mais qui se dresse dans le paysage français comme l’oriflamme d’Arnaud Montebourg ou de Martine Aubry.

POUR CALMER le jeu avant le vote de confiance qui aura lieu ce soir et dont l’issue ne fait pas de doute (M. Valls l’obtiendra), Bruno Le Roux, chef de la majorité socialiste à l’Assemblée, a juré que les propositions du Medef que je signalais hier dans cet espace, ne verront jamais le jour. En réalité, il n’en sait rien. La question ne porte nullement sur la volonté du gouvernement de faire telle chose ou de ne pas la faire. Elle porte sur des nécessités inéluctables que M. Valls, loin de les mentionner, enveloppe dans l’expression maintes fois énoncée de « discours de vérité ». En fait, c’est une grande partie du peuple qui se livre à un déni de réalité, c’est l’extrême gauche ou l’extrême droite qui prônent des remèdes catastrophiques, comme la sortie de l’euro, pour être en mesure de présenter des politiques susceptibles de renforcer l’espoir des Français de surmonter la crise par des méthodes qui ne leur coûteraient rien.

Un profil introuvable.

Le chef du gouvernement, une fois qu’il aura obtenu la confiance, pourra-t-il engager une politique de réformes drastiques ? Quand on sait avec quelle minutie, avec quelle patience, avec quel souci hollandien il a tenté d’apprivoiser son opposition interne, quand on sait son degré d’impopularité, quand on connaît les mille pièges qu’il lui faudra contourner pour réduire implacablement la dépense publique, on se demande s’il est l’homme de la situation et même si un homme existe en France qui ait ce profil introuvable.

Non, nous n’avons pas tout essayé. Non, nous n’avons pas engagé encore de politique d’austérité. Non, nous ne sommes pas assez alarmés par notre épouvantable endettement. Non, nous ne croyons pas que d’avoir vécu pendant des décennies au dessus de nos moyens nous contraigne à opter maintenant pour un changement salutaire. Non, nous n’avons fait aucun effort pour accroître notre productivité ; et nous continuons à célébrer notre merveilleuse capacité à produire beaucoup (plus que les autres ?) en 35 heures. Non, nous n’avons pas admis que notre système social si coûteux, peut-être le plus coûteux du monde, est de moins en moins performant. Non, nous ne voulons pas croire que l’issue, certes lointaine, de la crise réside dans le renforcement constant des petites entreprises, dans leur capacité à exporter, puis à embaucher.

À tous ces non, produits d’une illusion collective, nous ajoutons l’espoir insensé d’une résolution indolore de la crise. Ce n’est pas parce que le système capitaliste est tellement imparfait qu’il nous laisse le choix d’une aventure à la mode du siècle dernier. Ce n’est pas parce que les banques sont peuplées de personnages accrocs au profit que nous pouvons démondialiser la France. Ce n’est pas parce que la croissance a disparu chez nous que la mondialisation n’a pas sorti de la misère des milliards d’Africains et d’Asiatiques, pour lesquels nos dirigeants socialistes les plus protectionnistes n’ont en définitive aucun égard. L’histoire des frondeurs, c’est celle d’une ambition ramenée à une vision étroite, hexagonale, affreusement dangereuse, de l’avenir français.

RICHARD LISCIA

 

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3 réponses à Un peuple sans courage

  1. Delteil christian dit :

    Trés bon Valls dans sa réponse aux députés qui lui ont donné leur confiance. Sincère, pugnace, sur de soi, bien meilleur que lorqu’il lit péniblement le texte concocté par l’un de ses conseillers avec des accents hollandiens. Mais le problème n’est pas de savoir s’il est convaincant ou pas, il est de savoir s’il peut vraiment vraiment faire quelque chose. Quelqu’un le peut-il d’ailleurs vraiment ? Les Français accepteraient-ils des mesures drastiques? Je ne le pense pas. Habitués à la facilité, comment se résoudront-ils à l’austérité? Nous continuerons inexorablement à nous enfoncer et bientôt nous serons le tiers monde. Qu’on se le dise!

  2. Galex dit :

    Excellent article. Merci de cette mise en perspective … funeste !

  3. JMB dit :

    En 1800, les pays asiatiques assuraient 70% des produits manufacturés et l’Europe 30%. Ils n’étaient pas dans la misère.
    Cent ans plus tard, la proportion était quasi inversée. Outre la révolution industrielle, la politique de la canonnière et le colonialisme utilisés par les puissances occidentales étaient passés par là. Les causes géopolitiques participaient à leur chute dans la misère. Ces pays, en particulier la Chine, reprennent une place qu’ils n’avaient perdue que depuis deux siècles. Juste retour des choses.
    Leur sortie de la misère tient aussi au fait que la faiblesse de leur coût de production les rend attractifs pour les dirigeants d’entreprises occidentaux.
    Ainsi 70 % des produits proposés par Walmart sont fabriqués en Chine. Celle-ci en compensation achète des bons du Trésor américains: la boucle est bouclée.

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