Sarko : longue marche

Un homme, un projet
(Photo AFP)

Tout d’abord, il faut reconnaître la capacité de Nicolas Sarkozy à réunir autour de sa prestation télévisée huit millions et demi de spectateurs ; à exprimer des idées fortes et souvent justes, notamment au sujet de la gestion actuelle du pays ; à se faire entendre bien mieux que la plupart des hommes et des femmes politiques du pays ; à faire de son intervention un événement. Mais l’ancien président n’a pas changé. Il prend sa revanche. Il contourne habilement les questions qui le gênent et auxquelles il ne répond pas. À part le recours au référendum, qui ne séduira pas tout le monde, il n’a pas émis beaucoup d’idées neuves.

M. SARKOZY a été contraint par les circonstances à sortir du bois bien plus tôt qu’il ne le croyait ; il envisageait une sorte de retour de l’île d’Elbe, il en est réduit à respecter les règles adoptées par l’UMP et à passer deux fois par les primaires, celles de de la présidence du parti dans les semaines qui viennent, et dont on imagine qu’il sortira largement victorieux, et celles de la présidence de la République qui impliquent une marché forcée de plus de deux ans. Deux ans pendant lesquels beaucoup d’événements se produiront qui l’obligeront peut-être à changer de stratégie, surtout si, pendant le parcours, une affaire judiciaire l’affaiblit politiquement ou même le disqualifie. Il se sent tellement innocent, dit-il en substance, tellement vierge de tout ce dont on l’accuse qu’aucune procédure n’entravera sa quête de pouvoir. Ou bien espère-t-il que les foules qui accourront vers lui, les vivats, la joie et l’enthousiasme de ses partisans encore nombreux le protègeront contre les poursuites ?

Une force centrale.

Il n’est pas allé chez France 2 sans son baluchon. Il veut « désidéologiser » le pays, néologisme qu’il a renoncé à prononcer mais que, pour ma part,  j’ai fort bien entendu car je crois nécessaire ce qu’il signifie. Il veut créer une force alternative qui s’insérerait dans le combat mal engagé entre la gauche qui échoue et le Front national qui nous condamne à l’isolement. Il est à peine candidat à l’UMP, il n’est presque plus de droite, il veut fédérer un large mouvement rassemblant presque tout le monde, de la droite au centre et même plus loin. Une alliance des bonnes volontés pour assurer la croissance et l’emploi sans accepter le moindre frein idéologique aux mesures utiles et efficaces. C’est magnifique, c’est vraiment ce dont nous avons besoin, mais ce n’est pas avec M. Sarkozy que le centre veut travailler, c’est avec Alain Juppé. Ou, pour être plus exact, l’ancien président, qui a creusé les divisions entre Français pendant son mandat, n’est pas considéré comme l’homme le plus apte à incarner le rassemblement. En 2012, il a été décrié comme un succédané du lepénisme qui ne valait pas l’original; il risque d’être vu en 2017 comme un ersatz du centrisme.

Magie et pouvoir.

Ce qu’il a pour lui, et qui est très fort, ce n’est pas seulement son énergie, sa conviction, ses formules ou la qualité de certaines de ses idées, c’est son talent. Il connaît à merveille le métier de leader. Ses adversaires ou ses détracteurs répètent à l’envi que nous n’avons pas besoin d’un sauveur (et d’ailleurs, il a pris soin de récuser ce terme), mais il apparaît soudain à l’écran comme le mécanicien qui a trouvé la cause de la panne, le médecin qui a à la fois le bon diagnostic et le remède dans sa trousse, l’ombudsman qui va ramener la paix dans le village. Aussi divisée qu’elle soit, l’UMP ne manque pas de compétences. Alain Juppé, François Fillon, Xavier Bertrand, Bruno Le Maire, Laurent Wauquiez, Valérie Pécresse, Nathalie Kosciusko-Morizet ont de l’expérience, ou une bonne connaissance des dossiers, ou des idées, ou une analyse juste de ce qui se passe en France. Mais Sarkozy, c’est autre chose. C’est un chef naturel capable de galvaniser une bonne partie du peuple, même si l’autre partie éprouve pour lui de l’aversion. Il reste à voir s’il bénéficiera de la magie qui l’a porté au pouvoir en 2007.

RICHARD LISCIA

 

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8 réponses à Sarko : longue marche

  1. phban dit :

    Hélas, j’ai bien peur que l’énergie et le talent de Sarkozy ne servent qu’à emballer une fois de plus le barnum médiatique, pour le plus grand soulagement de François Hollande qui ne sera plus le souffre-douleur exclusif et au grand détriment de notre avenir, faute d’un projet vraiment réfléchi et fédérateur.
    Je compte sur Juppé et, peut-être Fillon, pour opposer une véritable force de proposition et d’action aux atermoiements de la gauche, à la roublardise haineuse du FN et aux rodomontades du Revenant.

    • lionel dit :

      Sarkozy n’a réussi qu’une seule chose dimanche soir : ressouder une gauche moribonde. Cet homme nous a fait perdre du plus petit village en passant par les départements, les régions, le sénat, la présidence de la République et de facto l’Assemblée nationale. Malgré son énergie et quelques bonnes idées, par son comportement, il réussit à cristalliser un dégoût voire une haine d’une importante partie de la population. Son parcours n’est que le reflet de sa vanité : peu importe la terre brûlée autour de lui tant que cela sert son dessein. Son retour à l’UMP n’est que pour en changer les statuts et ainsi éviter les primaires (qu’il perdrait face à Alain Juppé). Du pain bénit pour les socialistes car si l’UMP explose il pourrait y avoir quatre candidats de droite plus un centriste au premier tour en 2017. D’ici un mois, grâce aux interventions médiatiques de Sarkozy, Hollande va passer de 13 % à 2 0% dans les sondages et finir à 30 % en 2017. A ce moment-là, pourquoi pas ?
      Comme vous l’avez sûrement compris je suis un grand amateur de pommes, je ne suis donc peut-être pas des plus objectifs avec Sarkozy malheureusement : et son parcours politique (et non pas médiatique) et son bilan en tant que président de la République ne parlent pas pour lui…

  2. LECRU JEAN dit :

    Votre analyse est subordonnée à la comparaison des prestations de l’ancien president et de cellle de jeudi dernier, de celui qui aurait mieux fait d’écouter celle de son predecesseur, dimanche soir, car, comme le lui a suggéré M. Sarkozy, le président, c’est lui ; en effet 30 minutes après la fin du journal de la 2eme chaine, sur BFM, un bandeau nous faisait savoir de l’Élysée que le président Holllande n’avait pas regardé l intervention de son prédécesseur. Vrai ou faux, qu’importe mais cette réaction de mépris et de haine montre bien le caractère profond du président et de l’incompétence de sa cellule de communication. Merci pour ce moment, M. Sarkozy.

  3. Delteil christian dit :

    Sans doute n’est- il pas convaincant sur tout et des réserves sont évidemment à faire sur ce qu’il veut représenter et faire. Mais tout de même, franchement, ne doit- on pas préférer un meneur, un chef, un décideur, qu’une chiffe molle incapable de prendre une décision, un louvoyeur qui ne voulant froisser personne mécontente tout le monde ? Rien que dans la façon de s’exprimer, la différence saute aux yeux. Un bégayeur ânonnant d’un côté, de l’autre, un homme décidé qui va sur les obstacles le fer à la main. Entre les deux, il n’y a pas photo comme l’on dit et, pour ma part, le choix est évident.

    • lionel dit :

      Entièrement d’accord avec vous si le choix se pose entre Hollande et Sarkozy : je vote Sarkozy sans hésiter(comme je l’ai déjà fait). Malheureusement ça ne servira à rien parce qu’il perdra…
      La droite mérite mieux que lui pour l’incarner.

  4. JMB dit :

    Deux faits peuvent illustrer l’action de l’ancien président de la République.
    On n’évoquera pas son passage au ministère du Budget sous le gouvernement Balladur qui creuse en deux ans et demi la dette de 700 milliards de francs. Un record.
    Ministre de l’Intérieur, il ferme Sangatte. Sonnez trompettes, roulez tambours. Rapidement, des communes le long de l’autoroute A 26 voient s’installer des immigrants dans des conditions déplorables, que des associations essaieront d’atténuer. La maire de Calais demande encore maintenant l’aide de l’État pour gérer l’afflux d’immigrants dans sa commune.
    Président, il intervient en Libye en soutenant les rebelles contre Kadhafi. Résultat : ce pays est un des plus anarchiques et des plus dangereux du monde. À un déjeuner avec des historiens, il se pose alors en héritier de Lawrence d’Arabie. Ce qui fait écrire à la revue “L’Histoire”: « On ne doute pas qu’il ait revu le film en boucle. On est moins sûr qu’il se soit attelé à la lecture des Sept Piliers de la sagesse » .
    Un homme politique habile au faire savoir plutôt qu’au savoir faire.

  5. danvy dit :

    voici quelques années, M. Liscia,après une période enthousiaste; fortement admirative, envers celui « quittait la vie politique » en 2012, concluait ainsi un de ses billets : » M. Sarkozy n’est pas un homme d’État ».
    Analyse aussi juste que lucide. Aujourd’hui, M. Liscia , curieusement, nuance…

    Réponse
    Il n’y a rien de curieux. M. Sarkozy est assez compliqué pour que l’analyse de son action conduise à des réflexions nuancées. Ce que vous me reprochez, c’est mon objectivité, d’ailleurs contenue dans cet article où je dis à la fois du bien et du mal de M. Sarkozy.

    • danvy dit :

      Soyons clairs : je ne vous reproche rien. Que vous soyez objectif, ou pas, n’est pas mon problème.
      Et je partage (citation) votre analyse : M. Sarkozy n’est pas un homme d’État.
      Mais (citation) : « dire à la fois du bien et du mal » n’est pas une preuve d’objectivité ou alors sur une conception abusivement rustique, compte tenu de vos responsabilités.

      Réponse
      Ce qui s’appelle avoir le dernier mot.

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