Le lâchage d’Air France

Avions cloués au sol
(Photo AFP)

L’événement de la semaine est sans doute ce sursaut des musulmans de France contre la violence djihadiste auquel je consacrerai ma chronique dans le « Quotidien du médecin » de lundi prochain. Je voudrais ici revenir sur la crise d’Air France qui révèle une faiblesse, une de plus, du gouvernement de Manuel Valls, lequel a contraint le P-DG, Alexandre de Juniac, à abandonner son projet de Transavia-Europe, une compagnie low cost.

LE GOUVERNEMENT s’est littéralement couché devant les pilotes grévistes, comme si la panique l’incitait, avant toute chose, à mettre un terme à une grève qui, certes, est en train de ruiner Air France et d’affaiblir une économie déjà mal en point avant ce nouveau coup dur. Las, M. Valls n’a pas été récompensé de sa magnanimité. Les pilotes n’ont pas repris le travail et ne le reprendront, peut-être demain, que s’ils obtiennent des garanties sur leur statut, façon de dire qu’ils veulent être sûrs qu’ils continueront d’être bien ou mieux payés à l’avenir. C’est un aveu : leur niveau de vie est plus important à leurs yeux que tout le reste, à commencer par celui de leurs propres collègues, commerciaux ou personnels au sol. Ce qui permet de douter de leur aspiration à co-gérer Air France, lorsqu’ils ont signifié à son patron comment ils envisageaient l’avenir de la compagnie.

Usée par les deux bouts.

Il est sombre. Alexandre de Juniac doit renoncer, au moins dans l’immédiat et alors que le temps presse, à concurrencer ses rivaux sur le marché low cost. Air France est usée par les deux bouts : dans le luxe, business ou première, elle est dépassée par les compagnies moyen-orientales ou asiatiques ; dans le marché bas de gamme, elle est supplantée par des compagnies comme Easy Jet et Ryan Air qui, d’ailleurs, se félicitent de la grève à Air France. Dans l’intransigeance des pilotes, on a d’abord vu émerger la pâle réplique de la co-gestion, à un moment de l’histoire économique où elle devient anachronique. Les grévistes ne savent pas que piloter, ils savent absolument tout : comment on fait d’Air France une compagnie rentable en maintenant des statuts caducs ; comment on dégage des parts de marché en augmentant les prix ; comment on aborde la compétition sans faire le moindre effort.

Un précédent détestable.

Mais le pire est que le gouvernement de Manuel Valls, qui se présente à l’opinion comme un réformateur à tout crin, ne semble pas avoir réfléchi une seconde avant de céder au chantage des pilotes. Constatant qu’ils disposent d’un pouvoir exorbitant puisque, sans les pilotes, il n’y a pas de trafic, il leur a accordé exactement ce qu’ils voulaient, au mépris du  dialogue social tel qu’il devrait être, c’est-à-dire une marche vers le compromis. Si M. Valls cède dès la première grève, on est en droit d’imaginer que, lorsqu’il devra réduire les dépenses des collectivités locales, il se pliera aux volontés des fonctionnaires territoriaux, que, lorsqu’il voudra réformer les retraites, il adoptera les positions des syndicats et que, lorsqu’il faudra favoriser l’emploi, il ne touchera à aucun de ce avantages qu’il est convenu d’appeler « acquis ». Dans l’affaire d’Air France, il a donc créé un précédent détestable qui ne cadre guère avec sa volonté affichée d’engager le pays dans ces réformes dont on parle depuis des décennies mais qu’on ne réalise jamais.

Sans vouloir me livrer au moindre amalgame, je suis impressionné par la détermination exprimée par François Hollande et son gouvernement à propos de l’insécurité que crée le terrorisme, et je les approuve. J’ai du mal à comprendre que les pouvoirs publics puissent avoir le courage de mettre au défi des assassins professionnels et qu’ils ne l’aient plus lorsqu’une infime minorité de salariés prend le pays en otage.

RICHARD LISCIA 

 

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2 réponses à Le lâchage d’Air France

  1. JMB dit :

    Les pilotes d’Air France sont-ils le seul lobby qui se mobilise pour enrayer toute réforme ?

    Réponse.
    Très bonne remarque. Non, ils ne sont pas les seuls. Mais dans l’art d’enrayer, ils excellent.

  2. Robert SAINT-JACQUES dit :

    Toute cette affaire est symptomatique et symbolique de l’inconséquence, devenue banale, d’une partie de nos concitoyens, fussent-ils plus ou moins diplômés et/ou plus ou moins à plaindre socialement. Être plus soucieux de ses intérêts immédiats que de l’intérêt de son outil de travail et de la collectivité, dont on semble oublier que l’on fait partie, relève du déni, voire du sabordage.
    Elle est également symptomatique et symbolique de l’inefficacité et du manque de sens politique, pour ne pas dire de manque de dignité politique, de nos gouvernants.
    Il est impératif de retrouver ensemble, rapidement et démocratiquement, la probité nécessaire pour porter notre avenir collectif car, dans le cas contraire, il sera remis en question de l’une ou l’autre façon que l’histoire nous enseigne.

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