La révolte des familles

Manif’ hier à Paris
(Photo AFP)

En pleine crise économique et sociale, la France s’offre, avec « le mariage pour tous » et ses conséquences, un formidable débat existentiel. On voudrait ne pas accabler un peu plus  François Hollande, qui n’en peut mais. Il n’empêche qu’en tenant cette promesse électorale, plutôt que d’autres, il a encore soulevé un lièvre qui non seulement l’éloigne davantage de l’électorat mais apporte de l’eau au moulin du Front national.

CAR la droite, dans cette affaire, est divisée. Les défenseurs de la famille classique, déjà outrés par le mariage des homosexuels (un millier de ces noces auraient été célébrées depuis que la loi a été adoptée), constatent que la Cour européenne de justice exige l’adoption en France d’un enfant né à l’étranger par GPA (gestation pour autrui) et redoutent que la PMA (procréation  médicalement assistée) soit autorisée pour les couples homosexuels. Le gouvernement s’en défend et Manuel Valls a juré dans « la Croix »  la semaine dernière qu’il n’autoriserait jamais la GPA. Les Français le croient si peu qu’ils ont ont été nombreux, hier, aux manifestations anti-mariage pour tous de Paris et Bordeaux.

Entre tolérance et abrogation.

L’UMP ne rejoint pas en bloc le groupe hostile à la loi Taubira. Nicolas Sarkozy a été évasif sur la question et n’a pas envisagé d’abroger la loi. D’autres ténors du parti soulignent ce que le texte contient de novateur et de libéral, au sens américain du terme. Des maires UMP ont célébré des mariages homosexuels. Ceux qui rejettent le nouveau statut des homosexuels proposent un contrat d’union libre (sorte de PACS amélioré) qui n’assurerait pas la parfaite égalité entre hétéros et homos. Le problème vient de ce que la droite est en pleine recomposition, que l’UMP va bientôt élire son président et que les candidats seront sommés avant le scrutin de fournir leur position sur ce dossier. M. Sarkozy va être bien embêté : les militants de l’UMP ne sont pas des succédanés du centrisme. Ils risquent d’exiger de lui un engagement qui lui aliénera des électeurs lors des confrontations politiques suivantes. Si Hervé Mariton, deuxième candidat à la présidence de l’UMP, a clairement pris position pour l’abrogation de la loi, Bruno Le Maire, autre candidat, est de l’avis de M. Sarkozy : impossible de revenir en arrière.  Comme pour tout le reste, c’est le FN qui pourrait bénéficier des indécisions de l’UMP, a fortiori si elle s’élargit un jour aux centristes.

Forcer la main du gouvernement.

Pour la gauche, c’est pire : le Premier ministre a voulu apaiser l’opinion en se prononçant contre la GPA. Il a vu aussitôt se lever les « ultras » de gauche pour qui tout doit être possible. À leurs yeux, rien de ce que la science médicale propose ne doit être interdit aux homosexuels. Ils ont balayé d’un revers de main le problème de la commercialisation de la grossesse qui devrait pourtant les troubler, eux qui haïssent tout ce qui évoque l’argent. Mais ils veulent surtout forcer la main du gouvernement, lequel est obligé de dire, par la voix de la secrétaire d’État à la Famille, Laurence Rossignol, que « bien entendu », on ne va pas ignorer ces malheureux enfants nés de GPA aux États-Unis pour le compte d’un couple homosexuel vivant en France. Ce qui, forcément, fait hurler les opposants à la loi Taubira sur le mode « on vous l’avait bien dit » : au début, il ne s’agissait que du mariage entre homosexuels, à la fin, on accepte toutes les dérives y compris celles que la gauche n’a pas l’habitude de cautionner.

Pour ma part, je n’ai pas milité contre la loi Taubira. Dans l’absolu, il est logique de donner aux homosexuels des droits identiques à ceux dont bénéficient les hétérosexuels. Je n’oublie pas néanmoins que Mme Taubira, louée par M. Hollande parce qu’elle a mené son affaire tambour battant, a péché par triomphalisme en présentant l’adoption de sa loi comme un événement qui accompagnait le mouvement inéluctable de l’histoire. Ce qui a humilié et donc solidifié les Français opposés à la loi. Aujourd’hui, la victoire d’hier de la gauche est moins sûre et moins durable. Le président de droite qui aura été élu en 2017 pourrait bien être obligé de défaire ce qui a été fait en la matière, un peu comme M. Hollande n’a su, en gros, que défaire ce qu’avait fait M. Sarkozy.

RICHARD LISCIA 

 

 

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Une réponse à La révolte des familles

  1. JMB dit :

    Les Pays-Bas, premier pays à accorder le mariage aux homosexuels, sont aussi ceux qui ont accueilli les marranes expulsés par les rois ibériques, les protestants chassés par la révocation de l’Édit de Nantes, qui accordèrent en 1986 le droit de vote aux immigrés non communautaires aux élections locales, date à laquelle la France envoyait ses premiers députés du Front national. Le type de manifestation observée dimanche en France suscite l’étonnement de nos voisins belges. Les Anglais ont accepté aisément le mariage des homosexuels. Les pays scandinaves avant eux.
    Le Robert indique pour tolérance: « Attitude qui consiste à admettre chez autrui une manière de penser ou d’agir différente de celle qu’on adopte soi-même » . Claudel, en son temps, déclarait: « La tolérance, il y a des maisons pour cela ». Comme elles ont disparu depuis la loi Marthe Richard, aux jeux Olympiques de la tolérance, la France n’est pas prête de disputer une médaille aux Pays-Bas, et aux pays scandinaves. Et cela ne date pas d’aujourd’hui.

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