Bourdes au sommet

Jouyet : amateurisme
(Photo S. Toubon)

Que François Fillon aille à un rendez-vous avec Jean-Pierre Jouyet, secrétaire général de l’Élysée, pour parler des affaires judiciaires où l’UMP et Nicolas Sarkozy sont impliqués, que M. Jouyet consente à évoquer le sujet, qu’il en parle ensuite à deux journalistes, qu’il accepte l’enregistrement de la conversation, qu’il nie que le sujet ait été mentionné, puis qu’il se ravise et admette enfin qu’il en a été question, tout cela donne l’impression d’un amateurisme politique incroyable, d’un manque de prudence élémentaire, d’une impéritie aux conséquences incalculables.

LA TENTATIVE de la majorité pour démontrer que ce « scandale d’État » tourne à l’avantage du pouvoir est dérisoire. La preuve aurait été fournie que, durant le mandat de François Hollande, il n’existe aucune ingérence du pouvoir dans les affaires de justice. Cette attitude fait bon marché des inconséquences surprenantes de M. Jouyet, qui fut, faut-il le rappeler, secrétaire d’État aux Affaires européennes dans le gouvernement Fillon, ce que M. Hollande a fini par lui pardonner en l’appelant à ses côtés. M. Jouyet ne tient pas sa langue. En mai 2012, il a été le premier à annoncer la nomination de Jean-Marc Ayrault comme Premier ministre, alors que c’est un privilège du chef de l’État. Quand le gouvernement faisait tout pour sauver Florange, il en avait parlé comme d’un « canard boiteux ». Doté par le président de la République, son ami depuis le service militaire, de fonctions importantes, il accepte un déjeuner hasardeux avec son ancien Premier ministre alors qu’il aurait dû, par respect pour M. Hollande ou simplement au nom du devoir de réserve, s’en tenir à l’écart. Il nie ce qu’annoncent les deux journalistes du « Monde », à savoir que, le 24 juin dernier, il a vu M. Fillon qui l’aurait entretenu des difficultés judiciaires de M. Sarkozy et lui aurait même demandé d’intervenir pour que les poursuites contre l’ancien président soient accélérées. Puis, au grand dam de M. Fillon qui, maintenant, menace de le poursuivre, il change d’avis et reconnaît que les problèmes judiciaires de M. Sarkozy et de l’UMP ont été évoqués.

M. Jouyet va-t-il démissionner ?

Comment un tel comportement pourrait-il rassurer les Français sur le sérieux avec lequel ils sont gouvernés ? Il n’est pas impossible que M. Jouyet soit forcé de démissionner dans les heures qui viennent. Et que M. Fillon, en dépit de son vigoureux démenti, qui risque d’être annihilé par l’enregistrement de l’entretien que les deux journalistes du « Monde » ont eu en septembre dernier avec M. Jouyet, soit placé lui aussi dans une position extraordinairement inconfortable : il l’a dit lui-même dimanche, ce dont on l’accuse est « infâme ». Christian Estrosi, soutien inconditionnel de M. Sarkozy, lui demande d’ « assumer » le paiement par l’UMP de la dette de M. Sarkozy sur ses comptes de campagne. M. Fillon a téléphoné à M. Sarkozy pour lui jurer qu’il n’a pas demandé sa peau au pouvoir en place.

Un comportement infantile.

Mais le seul fait qu’il ait évoqué l’affaire Bygmalion avec M. Jouyet est en soi étrange, alarmant, déplacé, dangereux. L’enregistrement de la conversation avec les deux journalistes confirme en outre que, selon M. Jouyet, M. Fillon lui a demandé de « taper vite » sur M. Sarkozy. L’ancien Premier ministre exige la copie de cet enregistrement et s’apprête à porter plainte contre le secrétaire général de l’Élysée. Bien entendu, on ne saura jamais avec précision ce que se sont dit les deux hommes et M. Fillon peut maintenir sa version des faits. Il est donc dans une situation moins défavorable que celle où se trouve son interlocuteur du 24 juin dernier.

On ne sait qui est le plus irresponsable, de ceux qui trempent dans des affaires suspectes et ceux qui en parlent avec une légèreté inouïe. Quant aux explications fournies par la gauche, elles représentent le triomphe de la litote et de l’euphémisme. Le député PS Alexis Bachelay reconnaît la « maladresse » de M. Jouyet là où tout le monde décèle un comportement infantile. Bruno Le Roux, chef du groupe socialiste à l’Assemblée, dénonce pour sa part « l’hystérisation de la violence interne à la droite ». Moi, je vois plutôt dans ce vaudeville aux conséquences délétères l’insoutenable légèreté de la gouvernance socialiste.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Bourdes au sommet

  1. drpb dit :

    Mais que c’est passionnant ! « Moi, je vois plutôt dans ce vaudeville aux conséqunces délétères l’insoutenable légéreté du tous pourris ». Mais rien de grave dans tout çà. Cela fait bien longtemps que le vrai pouvoir n’est plus détenu par le politique. Leur seul pouvoir ? Pouvoir faire gagner (beaucoup) d’argent à leur proche cousin de la presse.

  2. Oj dit :

    Même s’il est évident que M. Jouyet a fait preuve d’un amateurisme hors norme pour un secrétaire général de l’Elysée, n’est pas Talleyrand ou Machiavel qui veut, on peut se demander ce qu’est allé faire M. Fillon dans cette galère. Il est au mieux naïf, au pire amateur. Pourtant, il n’est pas né de la dernière couvée.
    On sait que la politique peut mener à des stratégies de bas étage mais, bon sang, par pitié, épargnez-nous cet étalage international : quand ce n’est pas le vaudeville, on a droit aux manœuvres mediocres d’une élite qui se croit tout permis. Quant il faut prendre le taureau par les cornes, c’est autrement plus compliqué.

  3. Delteil christian dit :

    Pourquoi M. Fillon est-il allé déjeuner avec M. Jouyet? Pourquoi celui-ci a-t-il donné aux journalistes une version dont il ne peut prouver la réalité ? Coups montés par l’un ou l’autre ? Au profit de qui ? Jeu de dupes. Tout le monde se ridiculise. On ne sait, mais l’effet est lamentable sur le citoyen lambda et surtout à l’étranger. Pauvre France, dirait Clemenceau.

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