À l’Est, rien de nouveau

Hollande à Notre-Dame de Lorette
(Photo AFP)

Pourquoi ne pas s’arrêter un instant sur les commémorations de la guerre 14-18, même si l’actualité impose quotidiennement ses sujets ? La Grande guerre fut un carnage sans précédent qui précédait de vingt ans une conflagration mondiale encore plus sanglante. Qu’avons-nous appris des guerres que nous avons faites ? Très peu. Les nazis voulaient leur revanche sur la défaite allemande de 1918, ils l’ont eue.

NOTRE MÉMOIRE nous incite au pacifisme. On ne peut pas se rappeler la folie de la guerre des tranchées, capable de tuer dix mille ou vingt-mille hommes dans une seule journée, sans penser que rien, sauf peut-être la défense du droit ou des libertés, ne vaut une telle déshumanisation du monde. Aujourd’hui encore, chacun de nous est partagé entre le désir de riposter à des comportements sanguinaires qui menacent la dignité humaine et l’abstention, d’autant que nous avons fait l’expérience d’interventions qui nous ont fait plus de mal qu’elles n’ont repoussé le mal. Après l’invasion de l’Europe par Hitler, les Anglais, sinon les Américains, n’avaient pas le choix. Ils devaient résister ou périr. Le souvenir de la guerre de 14-18 était encore dans tous les esprits, mais le monde, deux décennies plus tard, s’est offert une guerre encore plus atroce, avec une tentative d’exterminer un peuple et les deux bombardements atomiques contre le Japon.

Le rôle de l’Europe.

Le seul moyen d’éviter un nouveau conflit en Europe, c’est l’Union. Celle-là même que les peuples boudent et contestent, s’ils n’exigent pas qu’elle soit démantelée. Des partis politiques réclament sa disparition au nom d’idées qui ont abouti à l’avènement du nazisme. C’est exactement comme si nous n’avions aucune mémoire, comme si ce que nos parents ou grands parents ont combattu jadis devenait aujourd’hui vérité d’Évangile, comme si nous étions incapables de partager les inexprimables souffrances de nos aïeux. Je ne crois pas que François Hollande ait perdu son temps en allant saluer les morts des deux camps tombés au champ d’honneur ; je ne crois pas que le bonhomme qui a fait voler une banderole réclamant la démission du président dans le ciel de Notre-Dame de Lorette possède une once d’intelligence ; je crois que, plus que jamais,  les Européens, qui ont la capacité de surmonter les haines du passé, doivent maintenant s’unir et même accélérer l’intégration européenne, parce qu’elle constitue la seule garantie concrète d’un retour durable à la paix. J’enrage de voir que nous avons les moyens de cette intégration, mais que les peuples européens continuent à hésiter, au nom de je ne sais quelle souveraineté nationale dont le culte nous a tous conduits  en enfer.

Le démon qui nous tourmente.

Mais la guerre reste le démon qui nous tourmente encore. Les menées de Poutine en Ukraine entraînent chez beaucoup d’entre nous le réflexe d’aller combattre sa forme subtile et perverse de totalitarisme. Boko Haram et Daech bafouent les droits de l’homme et la vie tout court, on brûle de rétribuer leur violence, leur inhumanité, leur cynisme, leur monstruosité. Le pire, dans cette affaire, c’est que des guerres ont été livrées qui n’avaient pas de raison d’être, comme l’invasion de l’Irak par George W. Bush et que d’autres, clairement indispensables, comme celle qui aurait protégé les Syriens contre leur dictateur sanguinaire, n’ont pas eu lieu. Le pacifisme n’est sûrement pas la solution. Mais la guerre est très souvent le produit du nationalisme, que Romain Gary décrivait comme le « cancer du patriotisme ». Avant de livrer bataille contre un autre État, songeons à combattre chez nous le nationalisme.

RICHARD LISCIA

 

 

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Une réponse à À l’Est, rien de nouveau

  1. Dr Jean GERNEZ dit :

    Originaire du Nord-Pas de Calais, région dévastée au sens le plus littéral du terme par la (les) guerre(s), je mesure toute l’importance de l’Europe et la paix durable qu’elle nous a apportée. Je devine l’immense courage politique et le sens visionnaire de ses créateurs. Je peste contre sa dérive bureaucratique et ses failles, en partie à l’origine du rejet de l’Europe par beaucoup de nos concitoyens.
    Oui, vous avez raison, le devoir de mémoire est nécessaire, et il est au-delà des clivages politiques. Oui, le nationalisme doit être combattu. Et cela ne peut passer que par plus d’Europe (et non pas moins) : une Europe qui ne crée plus de dumping fiscal ou social entre état par exemple, un exécutif et un parlement européens avec des pouvoirs véritables, élus directement par les peuples avec en parallèle une diminution des pouvoirs de la commission technocratique de Bruxelles.

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