Le pouvoir grippé

Duflot veut la peau de Valls
(Photo S. Toubon)

Non seulement le gouvernement ne trouve pas le rythme d’une gouvernance capable d’apporter aux gens un peu d’espoir, mais il passe plus de temps à défendre sa politique qu’à se concentrer sur les réformes ou la lutte contre le chômage. Après la mort de Rémi Fraisse, jeune homme tué par une grenade de la gendarmerie près du barrage de Sivens, et après les révélations sur un déjeuner désormais célèbre qui a réuni François Fillon et Jean-Pierre Jouyet, secrétaire général de l’Élysée, ministres et porte-parole sont littéralement assiégés par de multiples questions qui les laissent sans réponses.

UN RAPPORT publié hier montre que les gendarmes étaient parfaitement au courant de ce qui s’est passé à Sivens ; ils savaient qu’un jeune manifestant avait été tué par une de leurs munitions ; ils auraient dû en informer aussitôt leur hiérarchie et le ministre de l’Intérieur mais ils ne l’ont pas fait tant ils étaient occupés à se couvrir. Dès la mort de Rémi Fraisse, Cécile Duflot, patronne des Verts, a exercé sur le gouvernement une pression énorme, en dénonçant notamment le temps mort (deux jours) observé par le président de la République et par le ministre de l’Intérieur ; en exigeant à l’Assemblée une minute de silence à la mémoire du disparu, qu’elle n’a pas obtenue ; en se présentant comme la seule, avec son parti, EELV, à défendre les écologistes, même quand leurs manifestations tournent à l’émeute, ce qui est presque toujours le cas, comme on l’a vu à Notre-Dame des Landes.

Duflot veut forcer la main de Hollande.

Il ne fait pas de doute que le Premier ministre, Manuel Valls, a demandé de la fermeté à Bernard Cazeneuve au sujet de Sivens et que, malheureusement, cette fermeté s’est traduite par un décès. Mais l’enjeu dépasse l’environnement. Il s’agit d’une lutte entre Mme Duflot et M. Valls. La députée écologiste a un projet, celui d’incarner toute la gauche, et de mettre le gouvernement en minorité pour contraindre François Hollande à changer de politique. Elle est passée dans l’opposition et compense, par ses banderilles lancées contre le pouvoir, l’affaiblissement de Jean-Luc Mélenchon.  La mort de Fraisse aura été pour elle une occasion unique de prouver l’essence droitière et répressive du vallsisme et d’en devenir l’opposante numéro un. D’ailleurs, elle vient de dire qu’elle sera candidate d’EELV à la présidence de la République en 2017.

M. Cazeneuve a beau dire qu’il ne disposait pas de toutes les informations au moment où Mme Duflot attendait de lui qu’il exprimât sa compassion, Ségolène Royal a beau jurer que toute la lumière sera faite, le ministre de l’Intérieur, homme de modération, de précision, de prudence, se retrouve sur la défensive. M. Hollande a tout à fait raison de ne pas donner suite aux exigences formulées par les Verts, qui réclament la démission de M. Cazeneuve. À entendre les diverses oppositions de ce pays, il faudrait que, à chaque dérapage involontaire, le président de la République sacrifiât un ministre ou un très proche collaborateur, comme c’est le cas pour Jean-Pierre Jouyet, qui n’a pas démissionné.

Le mensonge de Jouyet.

Pourtant le secrétaire général de l’Élysée, c’est clair, a menti, au moins dans sa première version des faits, qu’il a dû démentir quand les journalistes du « Monde », qui l’avaient interviewé, ont rappelé qu’ils disposaient de l’enregistrement de leur conversation. Il apparaît donc que M. Fillon aurait demandé que la justice accélérât ses procédures contre Nicolas Sarkozy. M. Jouyet et, peut-être M. Hollande, espéraient-il, non sans machiavélisme,  administrer la preuve des déchirements internes de la droite ? Comme à Sivens, la grenade leur a sauté à la figure. Je ne sais pas si on saura un jour ce qui s’est passé lors de ce déjeuner. Mais ce qui est sûr, c’est qu’un lourd soupçon pèse désormais sur M. Fillon, dont les espoirs présidentiels sont durablement compromis. Et que beaucoup de citoyens, médusés par cette affaire incroyable, se demandent aujourd’hui si l’Élysée n’a pas voulu instrumentaliser les difficultés de la droite en recourant à des méthodes dignes des Borgia.

RICHARD LISCIA

 

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Une réponse à Le pouvoir grippé

  1. phban dit :

    « Méthodes dignes des Borgia », vous y allez un peu fort, on n’a encore empoisonné personne 😉

Répondre à phban Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.