Grèce : la victoire de Mélenchon

Alexis Tsipras
(Photo AFP)

Syriza, le parti de la gauche radicale dirigé par Alexis Tsipras, a remporté les élections grecques en s’adjugeant 149 sièges (la majorité absolue est de 151), ce qui change le rapport de forces entre la Grèce et l’Europe, qui lui a imposé un programme économique d’austérité en échange de prêts dont le montant s’élève à quelque 300 milliards d’euros. Syriza réclame un effacement d’une partie de la dette. Il entend bien adopter un salaire minimum et une revalorisation des petites retraites et des bas salaires.

M. TSIPRAS a remporté une victoire absolue qui relègue le Pasok, le parti socialiste, dans les camp des partis ultra-minoritaires. Le triomphe de Syriza ne doit pas inquiéter excessivement les Européens. M. Tsipras ne souhaite pas l’abandon de l’euro par la Grèce et il veut négocier des modalités de remboursement plus confortables, assorties d’un effacement supplémentaire de la dette. Il n’est pas en position de force : il lui faut de l’argent frais dans l’immédiat, sinon, il ne pourra pas payer les fonctionnaires grecs à partir du mois de mars. L’enthousiasme populaire masque une réalité irréfragable : les Grecs sont encore dépendants de l’Europe. En outre, M. Tsipras ne renoncera pas aux acquis obtenus grâce aux réformes : le budget grec serait excédentaire si le poids de la dette n’existait pas. Le pays a redressé son commerce extérieur et le chômage commence à baisser. S’il n’y a pas d’accord avec Bruxelles, si la Grèce finit par quitter l’euro, la dévaluation de la monnaie nationale produirait des effets plus graves que ceux des réformes.

L’Europe mieux préparée.

Par ailleurs, la situation de l’Union européenne n’est plus celle de 2008. La crise grecque risquait, par un mécanisme systémique, d’entraîner toute l’UE dans la catastrophe. Aujourd’hui, grâce aux dispositions prises depuis six ans, les banques privées et publiques sont beaucoup mieux armées contre un défaut grec. La gauche française qui se réjouit tant du succès de Syriza oublie que la France est exposée à la dette grecque à hauteur de 40 milliards d’euros. Une somme que nous risquons, si des méthodes fantaisistes sont appliquées en Grèce, de ne plus jamais revoir.

Le plus intéressant, dans l’affaire, c’est la réaction de la classe politique en France. Jean-Luc Mélenchon se réjouit de ce que « la toute-puissance arrogante des libéraux » se soit « fracassée en Grèce ». Les Verts, les communistes, les écologistes, les frondeurs applaudissent et rêvent de constituer une gauche alternative qui supplanterait le parti socialiste et s’emparerait du pouvoir (quand, comment ?). L’aversion pour l’euro et l’Europe est devenue telle que les frontières idéologiques s’écroulent : Marine Le Pen (« une gifle monstrueuse (sic) pour l’Europe »), Nicolas Dupont-Aignan,  Hervé Mariton, tous applaudissent M. Tsipras et se retrouvent, curieusement, dans le camp de l’extrême gauche.

Marchands d’illusions.

Faut-il s’en étonner ? Ils sont les uns et les autres des marchands d’illusions. Ils voient en M. Tsipras le foudre de guerre, le révolutionnaire qu’il n’est pas. Ils parlent de la Grèce comme un pays mis délibérément au supplice, alors qu’elle a été incapable en sept ans de réaliser des réformes essentielles, par exemple celles du cadastre, de l’Église orthodoxe et de la marine marchande. Si ces réformes avaient été mises en oeuvre,  il aurait été possible d’alléger le fardeau fiscal qui écrase les classes pauvre et moyenne. La Grèce est un cas social. Elle reste livrée au bon vouloir des oligarques, ce qui ne diminue pas pour autant la responsabilité de la troïka (UE, BCE, FMI) dans la tragédie qui se déroule dans ce pays, même si les Allemands n’ont pas tout à fait tort de s’inquiéter pour les 300 milliards d’euros qui lui ont été prêtés. Au lieu de refuser de rembourser, les Grecs seraient plus avisés d’exiger que leurs riches commencent à faire des sacrifices. Après tout, si M. Tsipras est de gauche, il est bien placé pour une tâche de cette nature.

Les Grecs (et beaucoup de Français) croient que, grâce à leur vote, ils ont guéri le mal qui les ronge. Non. Leurs tourments ne sont pas terminés. Ils ne pourront survivre que si, dans les négociations avec Bruxelles,  Alexis Tsipras fait des concessions. S’il renonce à les faire, la Grèce sortira de la zone euro. Mme Le Pen, qui propose la même démarche pour la France, pourra alors en mesurer les effets dévastateurs sur l’économie grecque, cela lui servira d’avertissement. Je ne souhaite pas aux Grecs une telle expérience. Elle aurait néanmoins un énorme effet de dissuasion sur le reste de l’Europe et sur la France en particulier.

RICHARD LISCIA 

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Une réponse à Grèce : la victoire de Mélenchon

  1. Chambouleyron dit :

    D’accord à 100% avec vous. Que l’Eglise et les armateurs remboursent la dette grecque. Je vous avoue entre nous que la logorrhée mélenchonienne fort médiatique est déplaisante, car qu’a-t-il fait, après tout, de positif ? Au moins Chevénement, lui, a été ministre .

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