Justice multitâches

DSK, entre justice et morale (Photo AFP)

DSK, entre justice et morale
(Photo AFP)

Les deux procès, celui du Carlton et celui de Bernard Tapie, ne sont pas vraiment concluants. Dans le cas de Dominique Strauss-Kahn, on a traîné en justice un homme qu’il n’est pas question de condamner parce qu’il n’a rien fait de répréhensible sur le plan judiciaire, et dans celui de M. Tapie, le tribunal a décidé l’annulation de l’arbitrage qui lui a permis de toucher 403 millions d’euros, mais le verdict ne le contraint pas à rembourser la somme, sans doute parce que les juges ne savent pas de quelle manière ils pourraient le contraindre à la restituer.

SI ON ABORDE en premier l’erreur manifeste qui a permis à M. Tapie d’obtenir une telle somme, on observe que la procédure lancée contre lui ne pouvait avoir de sens que si elle rendait aux contribuables l’argent qu’une autre justice lui a versé. Son procès était donc en quelque sorte celui de la procédure d’arbitrage qui n’aurait pas été appliquée avec toute la rigueur requise, surtout s’agissant d’un montant aussi astronomique, ou qui, tout simplement, ne devrait pas exister. Ce qui sous-entend qu’une réforme du droit des affaires est nécessaire, question que personne, ne semble-t-il, ne s’est posée, tant les uns étaient voués à faire rendre gorge à M. Tapie et tant les autres cherchaient à démontrer que l’arbitrage représentait la solution la plus rationnelle, la plus logique, la plus transparente. Il n’en fut rien vérité, parce que toute l’affaire plonge ses racines dans la politique.

En rire ou en pleurer.

M. Tapie étant classé, à tort ou à raison, dans le camp de Nicolas Sarkozy et ses détracteurs dans celui du peuple qui exige que l’argent lui revienne, un tribunal ne risquait pas de contenter l’un ou l’autre camp. On a donc organisé un procès où l’on a beaucoup bavardé mais qui n’a pas abouti au retour des 400 millions dans les caisses de l’État. Tout le monde est déçu car il manque un dénouement au spectacle, ce qui signifie peut-être qu’il faudra un autre procès pour parachever le précédent et donc exiger un nouvel effort d’une justice qui n’en peut mais. Je ne sais pas s’il faut en rire ou en pleurer, mais ce dont je suis sûr, c’est que Bernard Tapie n’est pas du tout inquiet. Il a eu la patience d’attendre quelque quinze ans (ou plus) pour obtenir satisfaction, il sait donc que, compte  tenu de la lenteur de la justice, elle ne parviendra pas à récupérer l’argent qu’il aura dépensé entre-temps ou qu’il aura envoyé vers de lointains rivages. Dans ce cas, à quoi bon le poursuivre et est-ce le rôle de la justice de résoudre un problème que la classe politique a créé de toutes pièces ?

Relaxe demandée.

Dans le cas de Dominique Strauss-Kahn, un juge a estimé que son comportement avec les femmes relevait de la correctionnelle, contrairement au parquet qui pensait que la justice n’avait rien à faire dans cette galère. On a donc vu des malheureuses éplorées qui nous ont décrit avec tous les détails les horreurs de leur condition, comme si nous ignorions ce qu’est la prostitution. Elles ont d’ailleurs reconnu que, aussi désagréable que fût leur profession, elles avaient trop besoin d’argent pour refuser certaines « missions ». En quoi le comportement de DSK était-il différent des millions de clients de la prostitution ? En rien, sinon qu’il a reconnu que son comportement sexuel est plus « rude » que celui de la moyenne des hommes. Et alors ? Les dames ont admis que, si elles avaient voulu, elles auraient pu arrêter « l’expérience ». Le procureur a demandé la relaxe de DSK. Entre-temps, avec l’aide de médias décidément peu soucieux de l’éthique, le public a eu droit, s’il était intéressé, ce qui, souvent, est hélas le cas, à des récits graveleux qui n’ont rien à faire dans une enceinte judiciaire.

Ainsi va la vie de la justice de nos jours, ce qui ne grandit guère l’institution, car, si, derrière les procédures, il n’y avait pas chez certains le désir de s’offrir l’un ces héros maudits de la politique que sont Tapie et DSK, on serait plus rassuré sur l’objectivité et l’impartialité des magistrats.

 

RICHARD LISCIA

 

 

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Une réponse à Justice multitâches

  1. Oj dit :

    Dans l’affaire Tapie, c’est à n’y rien comprendre. Pourquoi s’acharner à annuler le jugement du tribunal arbitral si l’on ne sait pas comment récupérer l’argent ? On va encore faire marcher la machine judiciaire, comme vous l’écrivez, pendant des années pour rien ou trois fois rien. Il en va toujours de même dans ces histoires dont la politique se mêle. On est face à la bêtise d’un président adolescent qui veut démasquer les manœuvres politiques de ses adversaires.
    Dans l’affaire DSK, l’indépendance du juge est probablement la raison de la tenue de son procès. Ne peut-on pas avoir une concertation au préalable entre juristes pour déterminer si les charges sont fondées? Car, le voyeurisme journalistique évident ne saurait masquer le fait que depuis le début on reconnaissait en marge du procès que les charges ne tenaient pas.

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