Russie : le crime de trop

Boris Nemtsov (Photo AFP)

Boris Nemtsov
(Photo AFP)

L’assassinat de Boris Nemtsov, opposant à Vladimir Poutine, ancien vice-Premier ministre de Boris Eltsine, vendredi dernier à Moscou a montré la nature du régime russe à tous ceux qui continuent de penser que le maître du Kremlin ne fait que défendre les positions de son pays. Aussitôt après le crime, M. Poutine a juré que les assassins seraient recherchés et arrêtés, comme s’il n’avait rien à voir avec cette tragédie. Mais, même s’il n’est pour rien dans l’assassinat, il en est responsable, car sa propagande nationaliste n’a cessé d’enflammer les esprits et d’alimenter la haine contre les dissidents.

BORIS NEMTSOV se promenait à Moscou, à quelques dizaines de mètres du Kremlin, en compagnie d’une jeune Ukrainienne, quand il a été abattu de quatre balles dans le dos. Âgé de 55 ans, il s’est illustré par son combat permanent contre la politique nationaliste de Poutine. Sa disparition fait penser à celle d’Anna Politkowskaia, une journaliste qui a été tuée en 2006 dans sa cage d’escalier, sans doute parce qu’elle critiquait la politique tchétchène de Poutine. Lors de ce précédent, le président russe, loin d’exprimer sa consternation, avait cru bon de déclarer que Mme Politkowskaia ne représentait pas grand monde, comme si sa faible influence sur l’opinion méritait qu’on l’assassinât.

Pouvoir illégitime.

Dans le cas de Boris Nemtsov, un pas a été franchi : il s’agit d’une mise en garde à tous les opposants russes. Mais le premier effet du meurtre aura été de déclencher une manifestation monstre à Moscou et une autre, moins importante, à Saint-Petersbourg, ainsi que des rassemblements en province et à l’étranger. Il est peu probable, néanmoins, que le peuple russe se ressaisisse, tant l’Ukraine a déclenché des passions nationalistes durables qui, d’ailleurs divisent la dissidence elle-même, laquelle s’interroge encore sur la Crimée, ukrainienne ou russe. La question ne porte pas sur les chances des opposants d’inverser la politique russe ; elle porte sur l’attitude des pays occidentaux qui hésitent à sanctionner Poutine parce qu’il aurait une certaine légitimité. Il n’en aura pas tant qu’il se fera élire en prenant toutes les mesures pour museler l’opposition ; il n’en aura pas tant que la presse russe ne sera pas libre ; il n’en aura pas tant que des opposants seront assassinés par des hommes de main payés par le régime ou ses partisans.

Un faux mystère.

Les ambitions nationalistes de Vladimir Poutine seraient légitimes s’il ne voulait pas les satisfaire par la force. L’ONU indique que, à ce jour, la guerre en Ukraine a fait 6 000 morts et des dégâts énormes. Pourtant, tous les jours sur les ondes, on entend des journalistes se demander ce que veut Poutine, comme s’il était le plus mystérieux et le plus énigmatique des chefs d’État. C’est pourtant simple : il veut renvoyer l’Ukraine à l’âge de pierre de manière à ce qu’elle ne représente plus rien et qu’elle cède à son bon vouloir. Il veut étendre le territoire russe à la Crimée et, si possible, ouvrir un couloir terrestre qui réunirait celle-ci à la Russie. Il veut créer dans l’Est de l’Ukraine une ou plusieurs petites républiques séparatistes, comme il l’a fait déjà avec la Géorgie.

L’assassinat de Nemtsov montre que, avec ou sans l’aval de Poutine, le régime ne tolère aucune forme d’opposition. Il ne supporte pas l’énoncé de la vérité. Il craint la dissidence parce que, même si elle n’est pas forte en nombre, elle dit tous les jours des choses qui jettent une lumière crue sur la nature du régime, cynique, ne croyant qu’à la force, paranoïaque, affligé du complexe de l’encerclement et prompt à dénoncer la démocratie parlementaire à l’occidentale comme le plus mauvais des systèmes. Bien entendu, si la liberté est un fardeau, il faut s’en débarrasser. Il ne nous reste plus qu’à adorer ce président à vie qui ne serait pas moins ridicule que le chef d’une république bananière s’il ne disposait de la bombe atomique.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Russie : le crime de trop

  1. Chambouleyron dit :

    Merci de ce que vous écrivez, M. Liscia. Merci. Il serait temps que Poutine ne fasse plus peur à la « communauté internationale ». Mais n’allons-nous pas en procession chez le monstre syrien? Ce serait de la haute politique. Notre président attaque les djiadistes du Mali mais se démène pour éviter la guerre avec Poutine qui existe déjà depuis la Tchétchénie. Allez on arrête. Bonne journée quand même.

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