À l’assaut du FN

La "peur" de Valls (Photo S. Toubon)

La « peur » de Valls
(Photo S. Toubon)

En déclarant : « J’ai peur pour mon pays, qu’il se fracasse contre le FN », Manuel Valls a déclenché à droite et à gauche un tollé qui brise l’élan de son assaut contre le Front national. C’est une fatalité. Tous les efforts fournis par les uns ou par les autres pour discréditer l’extrême droite, pour convaincre ses électeurs de changer de choix, pour leur décrire l’apocalypse annoncée se noient dans des bagarres entre l’UMP et le PS, et les membres des deux formations ont leur responsabilité dans cet échec.

LE PREMIER MINISTRE n’a pourtant pas d’autre choix que le verbe, s’il veut faire barrage à Marine Le Pen. Le Front a, selon nos institutions, une totale légitimité et ses électeurs disposent d’une liberté de choix absolue. Le seul moyen de faire reculer l’enthousiasme que le FN inspire, c’est de montrer qu’il trompe ses propres électeurs en leur annonçant des mesures qui, loin d’apporter des remèdes aux maux de la société française, ne feraient que les aggraver. M. Valls ne s’est d’ailleurs pas contenté de dénoncer le Front. Dans le différend idéologique qui l’oppose aux « frondeurs », il rappelle sans cesse que, sans l’unité de la gauche, il n’y a pas de salut. Mais chacune de ses analyses est combattue avec une force telle qu’elle détruit la charge portée contre le FN. Des voix, celles du courage indomptable, s’élèvent partout pour dire qu’elles n’ont pas peur de lui. Pourtant, là n’est pas la question. Ne pas en avoir peur et retrouver Marine Le Pen à l’Élysée en 2017, la voilà, la question. Le Premier ministre, explique-t-on, n’aurait pas dû exprimer son émotion, ses tourments, ses craintes. Mais pourquoi pas, à la fin ? Comment dénoncer un danger sans le définir ?

Oublions le passé.

Et puis, on fait de l’histoire. Il ne fait aucun doute que le premier à légitimer le Front quaed il n’avait encore qu’un rôle marginal et qu’il était possible de freiner son ascension, ce fut François Mitterrand qui, en changeant le mode de scrutin des législatives, a permis à une flopée de députés FN d’entrer à l’Assemblée. Puis, la droite a repris le pouvoir et rétabli le scrutin majoritaire à deux tours. Mais il ne s’agit pas de répartir les responsabilités de manière équitable. Il s’agit aujourd’hui d’empêcher des résultats électoraux qui accorderont au Front un statut irréversible, obtenu dans des conditions parfaitement démocratiques. Il fera alors du pouvoir l’usage que l’on sait et qui transformera la France en pays répressif, appauvri, isolé, dans une Europe en pleine décomposition.

Une stratégie pour un péril imminent.

Quand François Bayrou et Rama Yade donnent une mauvaise note au Premier ministre, quand Nicolas Sarkozy parle de FN-PS, quand Henri Guaino regrette qu’on « fasse son jeu » en parlant du Front, ils semblent préférer les querelles de bac à sable au champ de bataille. Cesser d’en parler ? C’est accepter son triomphe sans coup férir. Proposer une politique économique et sociale capable de satisfaire les classes moyenne et pauvre qui souffrent le plus de la crise, c’est assurément reporter la stratégie thérapeutique de quelques années, un laps de temps suffisant pour que le FN s’empare des commandes du pays. Traiter Manuel Valls de « crétin », comme l’a fait le philosophe Michel Onfray parce que le chef du gouvernement aurait mal interprété ses propres déclarations, c’est non seulement excessif, c’est introduire dans un débat crucial une querelle personnelle qui brouille tous les messages. Aucun parti, en définitive, ne s’est hissé à la hauteur de l’enjeu. Pourquoi le PS et l’UMP ont-ils si peur d’être confondus aux yeux de l’électorat par la formule du FN : UMPS ? Qu’y aurait-il de choquant si les deux partis, tout en restant rivaux, désignaient leur principal ennemi, dès lors que le FN prend des suffrages aussi bien à la droite qu’à la gauche ? On n’a plus le temps de disserter. Il faut, dans les deux partis, une stratégie différente contre un péril imminent.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à À l’assaut du FN

  1. Nicolet dit :

    Tant que nos hommes politiques seront hémiplégiques, à se compter en droite ou gauche au lieu de servir le pays, nous serons irréformables. Le pays a besoin d’unité.

  2. Num dit :

    Rien ne sert de dénoncer. Cette stratégie éculée ne fonctionne plus. Les Français ne font plus confiance et ne croient plus des hommes politiques qui les ont tant trompés. Ils n’ont plus envie de les écouter et encore moins de les suivre. Pire, nombreux sont ceux qui se disent qu’après tout, pourquoi ne pas essayer les seuls à ne pas avoir exercé le pouvoir: ils ne pourront pas faire pire que ceux qui nous ont conduits au chômage de masse, à la quasi faillite et au déclassement international. Les Français réalisent que, loin des clichés, le FN n’est pas fasciste et Mme Le Pen n’a pas l’âme d’une dictatrice.
    Les incantations sont et seront de plus en plus sans effet si ce n’es contre-productive. La seule solution serait d’enfin se retrousser les manches et d’avoir une politique économique, sociale et de sécurité efficaces. Mais n’est-il pas déjà trop tard ?

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