Curée contre Valls

Seul contre tous (Photo AFP)

Seul contre tous
(Photo AFP)

Le Premier ministre, Manuel Valls, fait l’objet de toutes les attaques de droite et de gauche. Objectivement, il est responsable de cette curée, car il a multiplié les déclarations incendiaires contre la crise sociale, parlant même d’apartheid à propos des quartiers dits sensibles, et s’en prenant au Front national au moment où la fameuse banalisation du FN nourrit toutes les indulgences. M. Valls est aussi le dirigeant français le plus en pointe dans la lutte contre l’antisémitisme, qu’il dénonce avec vigueur, ce qui lui vaut dans les milieux peu philosémites, et ils sont nombreux, un ressentiment rentré.

L’ARGUMENT le plus fréquent mais aussi le plus banal est que, lorsqu’on s’en prend trop souvent et trop férocement à un parti, on finit par le renforcer. Mais alors, de quelle manière faut-il combattre la progression du Front ? En restant amorphe ? La fonction de Premier ministre ne contraint pas M. Valls au devoir de réserve en politique. On note qu’il a le sang chaud et que, dans ses discours à l’Assemblée, il s’emporte. Il me semble pourtant que ce qu’il y a chez lui de nerveux et d’agité est tempéré par un langage qui n’est jamais vulgaire. En outre, le chef du gouvernement a choisi la voie étroite : ce n’est pas simple de faire adopter une loi, celle d’Emmanuel Macron, d’essence libérale, dans une Assemblée à majorité de gauche ; de piloter le changement de cap du président de la République ; d’être attaqué, et en quels termes, par les frondeurs, le Front de gauche, les écologistes, la droite, en particulier Nicolas Sarkozy qui, oubliant ses propres éructations, raille le caractère soupe au lait du Premier ministre.

Machine grippée.

Pour expliquer son impopularité dans la classe politique, on rappelle qu’il a été très minoritaire lors de la primaire socialiste qui a précédé l’élection présidentielle de 2012. Comme si l’opinion publique ne changeait pas d’avis en trois ans. M. Valls a une cote moyenne, mais le pays, accablé par l’échec de toutes les politiques passées, demande des changements dans le fonctionnement de la société. Les Français ne sont pas hostiles à la loi Macron, qu’ils considèrent comme un instrument pour débloquer une machine grippée depuis longtemps. Ce qui est extraordinaire, c’est que les frondeurs continuent à préconiser des idées qui ont déjà échoué, qui sont désormais rejetées par une majeure partie de l’opinion, et que, pour imposer leurs propositions, ils s’appuient sur le fait que la politique de l’offre a déjà été appliquée sans produire le moindre résultat.

C’est un faux procès : notre endettement résulte des largesses sociales. C’est le poids de la dette qui nous empêche de procéder à des investissements susceptibles de créer des emplois. Loin de faire repartir l’économie du pays, les prescriptions des frondeurs (toujours plus de dépense publique, nous nous moquons de la dette) aggraveraient les effets de la crise au lieu de les conjurer. Manuel Valls réclame l’unité de la gauche. Il estime que, si on continue à se chamailler au sein du parti socialiste, si l’extrême gauche continue à discréditer le gouvernement, toutes les échéances électorales à venir d’ici à 2017 seront autant de déroutes pour l’ensemble de la gauche. Qu’y a-t-il d’excessif dans cette analyse ? Tout se passe comme si les frondeurs et l’extrême gauche voulaient à tout prix appliquer un programme que l’électorat ne réclame pas, comme si la minorité qu’ils constituent pouvait imposer son point de vue. Qui, en l’occurrence, est le plus pragmatique ?

Le danger, c’est le FN.

M. Valls n’attend rien du Front national, auquel il n’épargne aucune saillie, mais il avait le droit d’espérer que l’UMP ne dépose pas une motion de censure après le recours à l’article 49-3 de la Constitution par le gouvernement. La droite trouve dans la loi Macron le début d’une politique qui lui conviendrait parfaitement mais elle a décidé de ne faire aucun cadeau à la gauche. Elle a peut-être raison sur le plan tactique, à cause des échéances électorales à venir, mais une autre attitude était possible, celle qui aurait consisté à faire remarquer que ce sont les idées de la droite que la gauche applique. Je ne sais pas si des louanges de la droite, plutôt que des critiques, convaincraient les électeurs de gauche de ne pas s’abstenir. Mais alors qu’on reproche à M. Valls ses violences verbales contre l’extrême droite, l’UMP devrait se souvenir que le FN est en tête et qu’il est plus dangereux pour elle que le PS.

RICHARD LISCIA

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4 réponses à Curée contre Valls

  1. Num dit :

    Toujours la même chose : il ne sert à rien de dire qu’il fait combattre le FN. La seule manière de le faire, c’est de faire des propositions, des réformes, des idées qui permettent de sortir la France de l’ornière dans laquelle elle se trouve.
    Le rôle prioritaire d’un parti politique c’est de définir une politique, pas de combattre les autres par le verbe.
    Comme disait récemment un conseiller de Sarkozy: Coca ne parle pas de Pepsi.
    La stratégie datée de la stigmatisation et diabolisation est vouée à l’échec si elle se limite aux incantations.

  2. Dr Jérôme Lefrançois dit :

    Bravo et merci pour votre analyse.
    Nous avons la droite la plus bête du monde, et M. Sarkozy, naguère si brillant (oralement), devient l’illustration de plus en plus convaincante de la pauvreté du langage et des prises de position de notre « droite parlementaire » (Sarkozy, dans ses discours actuels, est de plus en plus mauvais et de moins en moins convaincant, sauf pour ses militants de base; les députés UMP viennent de faire la démonstration de leur obscurantisme imbécile et borné en ne soutenant même pas la loi Macron, qui, même si elle est perfectible, aurait pu sortir de leurs rangs).
    Cette droite parlementaire a montré son fonctionnement, aussi rétrograde que celui des députés « frondeurs », aussi inadapté au monde actuel. Il y a besoin de faire du nettoyage et de changer tous ces conservateurs de gauche et de droite.
    Et M. Valls et M. Macron me paraissent beaucoup plus modernes. Pourtant, je n’ai pas voté Hollande et ne voterai pas pour lui.

    Dr Jérôme Lefrançois

  3. Delteil christian dit :

    Assez d’accord avec les deux commentaires précédents. Mais je mettrais MM. Valls et Sarkozy dans le même sac. Sarkozy a de moins en moins de choses à dire ; alors, il s’essaie à l’humour avec assez de maladresse et ne convainc que ses admirateurs. Quant à Valls, il me parait assez ridicule avec ses sautes d’humeur agrémentées de froncements de sourcils, de doigt vengeur, de coups de menton à la Mussolini au balcon à Rome. Lui, c’est à l’Assemblée ou sur les plateaux de télé, ce sont les seules choses modernes dans ses discours d’un autre temps. Nous voilà bien mal lotis pour ces élections présidentielles qui s’annoncent comme un échec pour les partis dits de gouvernement, les hommes politiques qui les composent et pour nous, pauvres français qui ne sauront plus à quel saint nous vouer ni à quel homme nous donner. N’est pas Clemenceau ou De Gaulle qui veut!

  4. Oj dit :

    Je suis pleinement d’accord avec tout ce qui vient d’être écrit. M. Valls s’épuise a vouloir faire de la surenchère tous azimuts (montée du FN, je suis un immigré, mais de culture européenne, …), comme le laisse supposer son tremblement de la main droite lors de son échange avec Marion Maréchal-Le Pen à l’Assemblée nationale. On a peur pour lui. Est-ce un signe de fatigue, d’anxiété par rapport au résultat attendu des élections départementales, une conviction profonde et viscérale que le diable s’habille en Bleu Marine ? Allez savoir. Pas étonnant qu’il se fasse railler. En tout cas, pour le pékin moyen, ça manque de la sérénité propice à la réflexion concertée pour sortir le pays de ses difficultés. M. Sarkozy, qui n’a rien à proposer, serait bien inspiré de travailler un peu son sujet. Mais il est possible que sa stratégie consiste à attendre de relever la copie de M. Fillon lorsqu’elle sera finalisée, en prenant l’ascendant sur ses concurrents lors de la primaire.

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