La mue de Sarkozy

Sarko le rassembleur (Photo AFP)

Sarko le rassembleur
(Photo AFP)

Nicolas Sarkozy évite de dire, comme il le faisait si souvent autrefois, qu’il a changé, alors même qu’il apparaît, depuis qu’il a conquis la présidence de l’UMP, comme un modèle de modération. Il était opposé à une primaire de la droite, il s’est rallié au projet. Il a accepté que le député Thierry Solère, qui appartient à l’UMP mais semble libre de toute influence des divers candidats potentiels, écrive les modalités du scrutin. Enfin, il a rejoint l’idée dune primaire ouverte à tous les électeurs de droite, ce qui laisse la possibilité aux centristes d’y participer. Or ce n’est pas rien : M. Juppé aura plus de voix chez les centristes que M. Sarkozy.

L’ANCIEN président a donc choisi la voie étroite. Ce choix exprime une vive confiance en soi, mais il l’expose logiquement à des déconvenues dont il aurait évité le risque si, comme cela était la tradition à l’UMP, il avait fait en sorte que le parti lui accorde son investiture sans consultation préalable. M. Sarkozy ne s’est pas transformé en ange du jour au lendemain. Il a été obligé de tenir compte de la volonté des autres candidats à l’investiture, notamment Alain Juppé et François Fillon, qui lui auraient barré le chemin s’il avait voulu être sacré par des acclamations au cours d’un congrès concocté pour son seul intérêt. Mais il l’a fait de bonne grâce, n’hésitant pas à renier des convictions récentes : il n’y a pas deux ans, il ne voulait pas entendre parler d’une primaire et espérait enlever l’UMP sans coup férir.

Il y croit.

Cela ne veut pas dire, pour autant, que M. Sarkozy ait modifié son langage en privé ou qu’il ne continue pas à nourrir de lourds soupçons. Il n’est pas tendre avec M. Juppé dans ses conversations avec ses amis ; il entend se venger de M. Fillon qui aurait tout fait pour que la justice s’intéressât au paiement par l’UMP de l’indemnité de plus de 300 000 euros que lui a infligée le Conseil constitutionnel; il voue à François Bayrou une haine tenace depuis que le président du MoDem a décidé de voter pour François Hollande au second tour de la présidentielle de 2012, alors que M. Juppé a aidé M. Bayrou à conquérir la mairie de Pau. Il croit, toujours avec une certitude qui fait bon marché de ses nombreux démêlés judiciaires, qu’il triomphera en 2016 à la primaire de la droite et à l’élection présidentielle de 2017.

Du bon travail.

Cela étant, il faut le créditer du travail remarquable qu’il a accompli, à la satisfaction de tous les militants, pour rassembler une UMP, sortie déchirée de sa défaite en 2012. Il l’a fait avec son autorité naturelle et avec rapidité. Il a permis à l’UMP de gagner les départementales après son succès aux municipales. À cette unité retrouvée de l’UMP et au rapprochement électoralement efficace avec le centre, il a sacrifié beaucoup de son autoritarisme, toute son arrogance, et a surmonté une paranoïa née de la solitude où il s’est retrouvé au lendemain de la présidentielle d’il y a trois ans. Il semble, surtout, qu’il ait beaucoup réfléchi et qu’il ait donné un peu de profondeur et de solidité à ses idées. Il est infiniment plus raisonnable depuis qu’il a décidé d’être réaliste. Il ne s’agit plus, pour lui, de passer sur le corps des autres, mais de donner au fonctionnement démocratique de l’UMP tout le champ requis. C’est un investissement dans l’avenir : s’il est élu dans de bonnes conditions, son autorité augmentera sur une base qui ne se limitera pas au style.

La mue de l’UMP et de Sarkozy représente en outre une prime au PS. Souvenez-vous, il n’était pas question que la droite imitât la gauche en organisant une primaire qui n’est pas prévue par la constitution. Mais, si François Hollande a déçu après son élection, la primaire du PS lui a conféré une crédibilité, le jour de sa victoire, qu’il n’avait pas quand il s’est lancé dans la course. Les précédentes élections présidentielles, celles où il n’y avait pas de primaire, ont entraîné des guerres civiles au sein des partis, surtout à droite, où de terribles batailles ont opposé Chaban à Giscard, Chirac à Giscard, Barre à Chirac et Balladur à Chirac.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à La mue de Sarkozy

  1. Grnoumpf dit :

    Du bla bla et de l’agitation (après tout, l’UMP avait déjà gagné les municipales sans Sarkozy). Depuis la création du rôle de président de la République, en 1848 sous la IIe République, aucun occupant du poste battu lors de sa tentative de réélection n’est ensuite revenu au pouvoir.

    Réponse
    Bien vu, Grnoumpf !

  2. Oj dit :

    Tout à fait d’accord avec Grnoumpf !
    Je ne donnerais pas le Bon Dieu sans confession à M. Sarkozy et reste sur l’idée qu’il doit encore démontrer qu’il a un vrai projet pour le pays, dont le contenu n’est pas la copie conforme d’idées trouvées aux États-Unis. A ce moment-là on pourra peut être dire qu’il a changé. Le rêve américain, c’est un truc d’adolescent attardé. La réalité française est bien différente. Il a encore un an et demi pour avancer des idées concrètes et adaptées.

  3. hervé manchet dit :

    Allons allons, suspens et brassage d’air ne changent rien au programme déjà écrit dans l’ombre de discretes tractations:
    C’est Alain Juppé qui sera candidat et il se pourrait que tout paraisse ordinaire, pour ne pas dire normal, car il sera élu démocratiquement!

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