Vote : droit ou devoir

Votez, c'est la loi ! (Photo S. Toubon)

Votez, c’est la loi !
(Photo S. Toubon)

Au lendemain des attentats de janvier, le président de la République avait demandé aux présidents de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, et du Sénat, Gérard Larcher, de lui soumettre un rapport sur les moyens de remédier à la baisse du civisme dans la population et de réconcilier les Français avec la République. M. Bartolone ayant entre-temps suggéré la disparition du Sénat, M. Larcher s’est fâché et, en définitive, nous avons eu droit à deux rapports différents.

CETTE FOIS, François Hollande a été privé d’une de ces synthèses qu’il aime tant. Là où M. Larcher préconise des remèdes de fond assortis d’une réforme structurelle, M. Bartolone se contente de proposer le vote obligatoire qui, selon lui, aurait l’avantage d’empêcher l’abstention. C’est bien entendu sur cette proposition sensationnelle que se focalise l’opinion, bien qu’il ne soit pas difficile d’imaginer que les citoyens contraints de voter le feront à contre-coeur et n’épouseront pas pour autant les principes républicains qu’ils sont censés vénérer. Le plus fort argument qui milite contre le vote obligatoire, c’est que nous sommes tous déjà obligés, que nous le voulions ou non, de respecter des règles innombrables et de toute nature, légales, sanitaires, environnementales et que l’ordre social est garanti uniquement par une culpabilisation croissante de l’individu, qu’il serait temps de ralentir.

Adversaires du système.

Le vote obligatoire ajouterait donc une contrainte à beaucoup d’autres, et la liberté de voter se transformerait en éventuel délit de non-vote. Ce serait une aggravation de la judiciarisation croissante de notre pays. Il me semble que les gens seraient plus nombreux à remplir leur devoir civique s’ils croyaient appartenir à une société dynamique, en progrès, capable de donner à chacun d’eux une vie décente dont le moteur serait l’espoir. L’abstentionnisme n’est que la traduction d’un mécontentement diffus suscité par le chômage, la précarité, la distance entre le discours politique et la réalité, les soupçons qui pèsent sur la classe politique, la conviction que les institutions ne servent que les intérêts d’une classe de privilégiés, l’idée délétère que le système favorise certains tandis qu’il broie les autres.

Gérard Larcher évoque donc les bons sujets, par exemple la question de l’immigration, dont M. Bartolone ne parle pas, alors qu’elle est au centre de la désaffection de nombreux citoyens issus de l’immigration pour les principes laïcs et républicains. Ceux qui s’estiment lésés par le système iront voter s’ils y sont forcés, mais loin de les rallier à la République, cette soumission à la loi ne fera que confirmer à leurs yeux qu’on leur enlève leur droit ultime, celui de ne pas communier avec tous les autres dans cette grand-messe laïque qu’est un scrutin.

Encore un conflit droite-gauche.

Le plus ennuyeux, dans l’affaire, c’est que, une fois de plus, le sujet, qui relève de l’universel, est tombé dans la faille qui sépare la droite de la gauche. On peut donc craindre que M. Bartolone, parce qu’il est socialiste, l’emporte sur M. Larcher, qui se situe dans l’opposition. D’autant que, pour le président, c’est plus facile de décréter le vote obligatoire (ou même de faire voter une loi à ce sujet) que de se lancer dans une réforme improbable et surtout immensément coûteuse qui aurait pour objectif d’accorder aux classes les plus démunies les moyens de s’en sortir. Le problème de l’abstention a ici et ailleurs une source sociale. Aux États-Unis, elle atteint 50 % lors des scrutins les plus importants. Comme chacun sait depuis Churchill, la démocratie parlementaire est le plus mauvais des systèmes, à l’exception de tous les autres. Ce qui est sûr, c’est que l’absence de civisme ne doit pas être punie par la loi.

RICHARD LISCIA

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

3 réponses à Vote : droit ou devoir

  1. phban dit :

    Rendre le vote obligatoire est dans la même logique qu’interdire les licenciements et c’est tout aussi efficace. Nos doux rêveurs socialistes pourraient aussi interdire le chômage et établir des quotas de jours de pluie.

  2. peter prato dit :

    Vous oubliez que nous sommes tous membres d’une famille et que nous devons participer à l’amélioration de celle-ci. Par le vote obligatoire, nous serons concernés par ce que proposent les hommes qui veulent nous diriger pour notre bien général, ils devront essayer de nous convaincre que leurs idées sont les meilleures et nous pourrons décider anonymement quelle proposition choisir; en fait l’homme politique a moins d’importance que les idées qu’il véhicule. De plus l’amélioration du niveau intellectuel de la population évitera les choix hasardeux basés sur des habitudes partisanes, non confortées par une analyse sérieuse des avantages et inconvénients des solutions proposées. Le bien commun doit être le seul choix tolérable car l’avenir géo-politque et climatique est très incertain.

  3. herve manchet dit :

    Cela ressemble de plus en plus à « surveiller et punir ». À quand des prélèvements automatiques sur les comptes bancaires pour ceux qui ne votent pas?

Répondre à herve manchet Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.